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« L’objectif, c’était de sauver un maximum de vies », dit le Dr Arruda

Horacio Arruda parle aux journalistes, la main droite levée devant lui.

Le témoignage du Dr Horacio Arruda est l'un des plus attendus de l'enquête publique du coroner.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le directeur national de santé publique du Québec, Horacio Arruda, soutient que les décisions prises par le gouvernement lors de la première vague de la pandémie peuvent soulever bien des questions, mais elles n'avaient à l'époque qu'un seul but : « sauver un maximum de vies ».

Jeudi après-midi, dans un des témoignages les plus attendus de l'enquête publique du coroner sur la gestion de la pandémie dans les CHSLD, le Dr Arruda a défendu certaines mesures controversées prises par le gouvernement, au printemps 2020.

Concernant le retrait des proches aidants dans les milieux pour aînés, à la mi-mars, le Dr Arruda a admis que cette mesure avait été remise en question et réévaluée régulièrement, mais qu'elle avait été maintenue pour éviter de causer plus de décès.

Il a par exemple indiqué que les proches aidants sont eux-mêmes souvent âgés de plus de 70 ans et qu'ils étaient donc aussi vulnérables face à la COVID-19.

« C’était véritablement pour les protéger eux et pour protéger l’établissement, initialement. On savait aussi, en fonction de ce qu’on allait vivre, que ces mesures-là allaient éventuellement être enlevées. »

— Une citation de  Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique

Ça aurait pu exploser encore plus

Le Dr Arruda a aussi défendu la décision prise le 23 mars 2020 d'isoler pendant 14 jours les travailleurs de la santé asymptomatiques, car ils auraient pu être des vecteurs de transmission du virus dans des milieux déjà fragiles.

Talonné sur le fait que cette mesure a accentué un problème de main-d'œuvre déjà bien présent dans les CHSLD, le Dr Arruda s'est dit conscient que des bris de service allaient possiblement survenir. Sans cette décision, ça aurait pu exploser encore plus dans les CHSLD, a-t-il dit.

Visiblement restée sur son appétit, la coroner Géhane Kamel a demandé pourquoi, malgré tous les plans existants, le délestage du personnel n'avait pas été mieux planifié.

« La structure est-elle trop grosse? On est-tu dans un paquebot? »

— Une citation de  Géhane Kamel, coroner
Géhane Kamel en salle d'audience.

La coroner Géhane Kamel mène l'enquête publique du Bureau du coroner sur les décès survenus dans les milieux de vie pour aînés lors de la première vague de COVID-19.

Photo : Radio-Canada

À cela, le Dr Arruda a répondu que des éléments structuraux préexistants dans le système de santé avaient contribué au problème d'effectifs dans les CHSLD durant la crise.

Notre société actuellement a un problème de main-d'œuvre inouï [...] Là, on se retrouve avec une épidémie comme la grippe espagnole [...] dans un système qui est déjà fragilisé, a-t-il illustré.

Tests et prévention

Selon le Dr Arruda, le Québec avait des instruments et outils de prévention et contrôle des infections (PCI) fonctionnels au début de la pandémie, dont un cadre de référence mis à jour en 2017. Toutefois, la question, c’est à quel point les gens se les sont appropriés, a-t-il dit.

« Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est facile de dire de se laver les mains, mais vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point c’est difficile à mettre en place. »

— Une citation de  Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique

Le directeur national de santé publique s'est néanmoins fait questionner sur la lenteur du gouvernement à instaurer le dépistage dans les CHSLD.

Même si on avait dépisté, si les mesures de PCI ne sont pas appliquées, on n’est pas plus avancés, a-t-il dit, précisant du même souffle qu'il ne souhaitait pas blâmer les employés sur le terrain.

Masques

La décision prise tardivement d'imposer le port du masque dans les milieux d'hébergement pour aînés a aussi rebondi en salle d'audience.

Le Dr Jacques Ramsay, qui assiste la coroner dans ses travaux, s'est montré critique des conséquences de cette mesure.

« Il faut quand même dire qu’au 21 avril 2020, il y a 4000 travailleurs de la santé qui ont été infectés. Ce n’est pas rien. On a le droit de se demander si ce qu’on a fait est suffisant. »

— Une citation de  Dr Jacques Ramsay

Je ne nie pas le phénomène de transmission chez les travailleurs de la santé, a répondu le Dr Arruda. Il faut aussi que vous compreniez que comme santé publique, on fait nos recommandations sur la base d’analyses d'experts qui nous conseillent.

Les N95 auraient permis de sauver quelle proportion de ces cas-là? a-t-il demandé, sans avoir lui-même de réponse à offrir.

Des plans utilisés correctement

Plus tôt en journée, la coroner entendait le témoignage du Dr Richard Massé, qui a été le bras droit du Dr Arruda dans la gestion de la pandémie dès le 20 mars 2020, jusqu’à ce qu’il se retire de ses fonctions en août dernier.

Dans une présentation assez longue et plutôt technique, le Dr Massé a entre autres détaillé les différents plans que le Québec a utilisés, dès les débuts de la pandémie.

Il a notamment expliqué, sans surprise, qu’aucun plan ne pouvait exister spécifiquement pour la COVID-19, qui était une maladie jusqu’alors inconnue.

Le Québec a donc eu recours notamment à son plan en cas de pandémie d’influenza, dont les stratégies et les concepts peuvent servir pour d’autres virus qui se transmettent par voie aérienne.

« La première chose qui a été faite en janvier [2020], ça a été de mettre à jour [ce plan] à partir des données qu’on avait, des données parcellaires. »

— Une citation de  Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique au MSSS
Le docteur Richard Massé durant une conférence de presse.

Le Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique à la direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Ma compréhension, c’est qu’il n’y a pas eu de problème avec l’application des plans, a indiqué le Dr Massé.

Il a toutefois admis que les plans ne sont pas faits pour gérer certains problèmes auxquels le Québec a été confronté, comme le manque de formation en prévention et contrôle des infections, le manque de main-d'œuvre ou le manque d’équipements.

Ça, ce sont des choses qui ne sont pas en lien avec des plans de pandémie, mais qui ont un impact très important sur notre capacité de répondre adéquatement, a-t-il laissé tomber.

« On n’était peut-être pas équipés pour faire face à une crise de cette ampleur-là avec les ressources qu’on avait et ce n’est pas une question de plan, à mon avis. »

— Une citation de  Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique au MSSS

Principe de précaution

Tout comme le Dr Arruda, le Dr Massé a dû faire face à des questions par rapport à la décision tardive d'imposer le port du masque dans les CHSLD.

Me Patrick Martin-Ménard, qui représente les familles de six personnes mortes durant la première vague, lui a notamment demandé si le principe de précaution aurait dû s’appliquer.

Le Dr Massé a répondu qu’à la fin-mars, on n’avait pas encore toutes les données nécessaires pour imposer cette règle, qui ne faisait pas encore consensus.

« Avant la fin de mars 2020, le message qu’on avait, c’est que la transmission se faisait surtout pendant la période symptomatique [...] Le principe de précaution, c’est une chose qui doit nous guider quand on manque de connaissances, mais il y a la réalité qui doit nous doser. »

— Une citation de  Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique au MSSS

La coroner Géhane Kamel a toutefois renchéri en demandant si le masque aurait été imposé plus rapidement s’il n’y avait pas eu de problèmes d’approvisionnement dans le réseau de la santé.

À cela, le Dr Massé a répondu que le virage vers le port du masque a été conditionné en partie par la disponibilité des ressources.

Les scénarios pandémiques seront déposés

Par ailleurs, en début de matinée, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a confirmé qu’il accepterait de déposer en preuve les différents scénarios pandémiques qui lui avaient été présentés le 9 mars 2020 par la santé publique.

Ces scénarios, remis au ministère du Conseil exécutif, contenaient notamment des prévisions sur les milieux et les tranches de la population qui seraient les plus touchés par la COVID-19, en fonction du niveau de transmission de la maladie.

Mercredi, le MSSSs’était opposé à ce que ces scénarios fassent l’objet de questions lors de l’enquête de la coroner Géhane Kamel. Cette dernière avait toutefois indiqué qu’à son avis le privilège parlementaire ne s’étendait pas à ces documents.

La coroner tient à consulter ces scénarios afin de remplir son mandat, soit de trouver les causes qui ont mené à la mort de milliers de personnes dans les CHSLD du Québec lors de la première vague, puis de formuler des recommandations pour mieux protéger la vie humaine.

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