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Semaine de travail de 4 jours : et si c’était vous?

Des gens marchent dans la rue au soleil.

La semaine des quatre jours fait l'objet de plusieurs études dans le monde. Elle permet plus de productivité au travail, selon les personnes interrogées par Radio-Canada. (Archives)

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le débat sur la semaine des quatre jours au travail a été relancé récemment par le chef du Parti libéral de l’Ontario, qui envisage de lancer un projet pilote sur le sujet en cas de victoire aux prochaines élections provinciales.

La question n’est pas nouvelle, mais se heurte à plusieurs barrières dans la conception moderne de la semaine qui remonte à l’ère de Henry Ford et l’avènement des lignes de production standardisées, selon le spécialiste Jean-Nicolas Reyt, professeur adjoint en gestion à l’Université McGill.

La façon dont on travaille, c’est-à-dire la semaine des cinq jours, 40 heures dans un bureau centralisé, ça fait une centaine d’années que les employés fonctionnent comme ça, dit-il.

Partant de l’idée que nous sommes ici sur cette planète à travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler, le leader libéral ontarien Steven Del Duca propose, s’il est élu, de lancer un projet pilote qui permettra d’analyser le potentiel de la semaine de quatre jours.

« Ce concept est de donner le choix aux travailleurs. Par exemple, pour travailler le même nombre d'heures sur quatre jours plutôt que cinq. »

— Une citation de  Steven Del Duca, chef du Parti libéral de l'Ontario

Plusieurs entreprises et syndicats ont déjà sauté le pas, parfois non pas en condensant les heures hebdomadaires en quatre jours, mais en diminuant le temps de travail total, divisé en quatre jours.

Les studios de jeux vidéo Eidos de Montréal et de Sherbrooke ont récemment annoncé la semaine de quatre jours pour tous leurs employés. La semaine de travail normale va ainsi passer de 40 à 32 heures, sans changements aux conditions de travail et sans diminution de salaire.

Moins d'heures, plus de productivité

C’est le cas aussi des membres de la section 46 du syndicat United Association à Toronto, qui représente près de 10 000 plombiers, monteurs de tuyaux de vapeur et soudeurs.

Depuis une convention collective adoptée en 2000 et régulièrement renégociée au fil des ans, tous sont passés d’une semaine de cinq jours de huit heures (40 heures/semaine) à une de quatre jours de neuf heures (36 heures/semaine), du lundi au jeudi ou du mardi au vendredi.

C'était très avant-gardiste à l'époque, dit Dave Griffiths, le directeur commercial de la section syndicale.

Dave Griffiths lors d'une entrevue par vidéoconférence.

« Ça a été difficile de maintenir les 36 heures », témoigne Dave Griffiths, dont le syndicat renégocie la convention collective comprenant la semaine de quatre jours tous les trois ans.

Photo : Radio-Canada

La beauté du 4-9, c’est que ça te donne cette journée pour respirer, aller faire ses rendez-vous chez le médecin, s'occuper de sa famille, faire ses courses.

D’après lui, cette simple journée de repos supplémentaire a un effet positif sur l’efficacité des membres syndiqués.

Le niveau de productivité a beaucoup augmenté du fait que vous êtes là neuf heures par jour. Ainsi, vous pouvez faire beaucoup plus de travail au cours de cette journée de travail.

Des outils à la ceinture d'un ouvrier.

Certains travailleurs font des expériences avec la semaine de quatre jours dans divers secteurs, des emplois de bureaux à la construction. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

La baisse du nombre d’heures hebdomadaires négociée est quant à elle insignifiante en ce qui concerne le salaire, selon lui, et le déficit de revenu est même largement compensé par les heures supplémentaires liées à l’effervescence du secteur de la construction dans la ville.

En travaillant d'arrache-pied, on pourrait travailler six jours par semaine, 10 heures par jour, pendant cinq jours. Nous sommes vraiment occupés.

Contrer l'anxiété du dimanche soir

Richard Sinclair emploie entre six et 20 personnes selon les chantiers de construction que son entreprise décroche.

Richard Sinclair devant sa camionnette professionnelle.

Richard Sinclair, chef d'entreprise depuis dix ans, a décidé depuis un an que les lundis seront chômés pour lui et ses employés, pour des raisons de bien-être mental et corporel.

Photo : Radio-Canada / Théodore Doucet

Depuis un an, il a décidé de faire fonctionner son activité uniquement du mardi au vendredi, pour son équipe et pour lui-même.

« Notre travail est physique. [Maintenant], nous pouvons nous détendre pour guérir et reposer notre corps. »

— Une citation de  Richard Sinclair, propriétaire de l'entreprise Sinclair & McKoy à Toronto

Père de famille, il a également dit adieu à l'anxiété du dimanche soir pour le remplacer par un week-end entier, plus relaxant et pour en profiter pleinement sans nous soucier du lundi.

Le début de semaine libre m'a permis, en particulier d'emmener [mes enfants] à l'école ou de voir ma mère, aller chez le médecin. Ce jour-là, c'est simplement avoir une vie sans essayer de la compresser le week-end, dit-il.

Cette manière d'aborder le partage du temps entre le travail et la vie privée recoupe les propos de l'universitaire Jean-Nicolas Reyt, qui compare l'inadéquation du fordisme aux mœurs actuelles.

« Maintenant, les deux parents travaillent cinq jours par semaine et ça rajoute énormément de stress dans les familles. »

— Une citation de  Jean-Nicolas Reyt, professeur adjoint en gestion à l'Université McGill

Une solution à la pénurie de main-d'œuvre?

La professeure de gestion des ressources humaines à l'École des sciences de l’administration de l’Université TELUQ Diane-Gabrielle Tremblay expose d’autres bénéfices associés à la semaine de quatre jours, selon les conclusions d’études menées notamment au Japon, en Nouvelle-Zélande et en Islande.

On réduit le temps de réunion, on réduit le temps perdu, explique-t-elle. En fin de compte, ces avantages pourraient permettre d’augmenter la durée de la vie active.

On manque de main-d'œuvre au Canada, une des manières [de compenser], ce serait de maintenir les gens au-delà de 60 ans en emploi, mais en leur donnant des horaires plus acceptables. Ça peut-être des quatre jours par semaine, ça peut être huit mois, dix mois [de travail] par année.

La valeur du temps libre

Employée à Noëlville dans Rivière des Français, Michelle Lafortune a reçu il y a un an une promotion qui lui a permis de réduire son temps de travail jusqu’à 40 % pour travailler trois à quatre jours par semaine, selon les besoins du centre de santé où elle travaille.

Pour moi, c'est une situation idéale, explique l’agente adjointe en santé communautaire pour Univi. Mariée et mère de deux enfants en bas âge, elle affirme que le temps qu’elle peut désormais consacrer à sa famille vaut beaucoup plus qu’un petit peu de baisse de salaire.

Michelle Lafortune lors d'une entrevue en vidéoconférence.

« Je peux passer plus de temps avec ma famille », relève notamment Michelle Lafortune.

Photo : Radio-Canada

Après avoir eu trois journées de repos de l’ouvrage, lorsque je reviens le lundi j’ai plus d'énergie et je suis plus ciblée, encouragée de retourner dans mon travail.

Le fait de vivre dans une communauté rurale, éloignée de divers services, a aussi pesé dans le choix de Mme Lafortune. Pas tous les [commerces] sont ouverts les fins de semaine, alors c'est une journée pendant la semaine, si tu as quelque chose à faire, tu as la chance de tout coordonner.

Envisageable pour toutes les entreprises?

Une éventuelle application à grande échelle semble plus facile à mettre en place dans les grandes entreprises que dans les plus petites, selon l’organisme qui représente les PME du Canada.

Les entreprises avec plusieurs personnes dans chaque département peuvent plus facilement avoir des horaires de travail de quatre jours, parce qu'il y a tout le temps quelqu’un qui est là pour faire la job, prétend Jasmin Guénette, président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Ce n'est pas tous les secteurs qui peuvent accommoder [une telle politique].

Il rappelle que les PME composent actuellement avec des dettes records (170 000 $ en moyenne par entreprise) liées aux différentes périodes de fermeture liées à la pandémie de COVID-19.

« Le plus important, c'est qu'on tienne compte des particularités de toutes les entreprises dans tous les secteurs et que les entrepreneurs puissent décider des horaires de travail de leurs employés. »

— Une citation de  Jasmin Guénette, président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

En ce qui concerne le dirigeant syndical Dave Griffiths, la prochaine ronde de négociation sur la convention collective est sur le point d’arriver, en avril 2022.

Il s’attend à ce que le patronat du secteur de la tuyauterie veuille vraiment insister pour revenir aux 40 h par semaine.

Nous entrons dans les négociations. Ce sera quelque chose qui sera probablement sur le bout de la langue de tout le monde et j'espère que nous pourrons tenir notre position là-dessus.

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