Des surplus records au Nouveau-Brunswick en raison de la pandémie

Le Nouveau-Brunswick est la seule province canadienne à avoir enregistré un surplus budgétaire l'an dernier.
Photo : CBC/Daniel McHardie
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le gouvernement conservateur de Blaine Higgs est le seul du pays à avoir priorisé l’atteinte de surplus budgétaires plutôt que l’aide aux citoyens et aux entreprises durant la pandémie.
Une pluie de millions
En deux ans, Fredericton a reçu des centaines de millions de dollars supplémentaires du gouvernement fédéral pour faire face à la pandémie de COVID-19. Durant la même période, une diminution des activités gouvernementales a permis à la province de réduire ses dépenses.
« Ottawa a envoyé 300 millions de dollars supplémentaires pour aider les Néo-Brunswickois pendant la pandémie, et puis le ministre Steeves a pris l’argent et l’a emmené directement à la banque. »
Les dépenses de différents ministères ont continué à être plus faibles que les prévisions cette année, pour différentes raisons. Au gouvernement, on assure toutefois qu’il n’y a pas eu de réduction de budgets ou d’élimination de programmes. Il peut s’agir, par exemple, de dépenses réduites pour l’aide sociale, de demandes de financement du secteur privé plus faibles que prévu, d’une réduction des soins de santé à l’extérieur de la province.
Parallèlement, une très forte reprise de l’activité économique s’est traduite par une augmentation importante des recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers.
Soutien limité aux entreprises
Pendant que les millions s’accumulaient comme jamais auparavant à Fredericton, le gouvernement a fait la sourde oreille aux Néo-Brunswickois qui demandaient davantage d’aide durant la pandémie.
« Au Nouveau-Brunswick, il y a eu moins d’aide aux entreprises du gouvernement provincial, comparativement aux autres provinces. »
Certaines entreprises ont fermé, et d’autres ont dû puiser dans leurs réserves pour se maintenir à flot. Désavantagées par rapport aux entreprises des autres provinces, celles du Nouveau-Brunswick ont donc eu à limiter les investissements nécessaires pour rester concurrentielles, pense Gaëtan Thomas, le PDG
du Conseil économique du Nouveau-Brunswick.Quand on a puisé dans nos réserves, quand il y a très peu d’aide pour l’automatisation des entreprises, les gens tirent de la patte, dans des circonstances où ils ne peuvent pas concurrencer le marché national ou international
, déplore Gaëtan Thomas.
Selon lui, la province devrait investir maintenant, pour permettre aux entreprises de faire face à l’avenir. Il pourrait s’agir, par exemple, d’accroître le nombre de logements abordables en milieu rural, afin de pouvoir accueillir la main-d'œuvre, en partie immigrante, dont ont besoin les entreprises. Il importe aussi, selon lui, d’étendre Internet haute vitesse à toutes les régions, afin qu’elles puissent être concurrentielles sur les marchés nationaux et internationaux.
Le Nouveau-Brunswick : un cas unique
L’ensemble des provinces canadiennes et des pays développés ont investi massivement l’an dernier et cette année pour soutenir leurs citoyens et la reprise économique. Pour faire face à cette pandémie majeure, les gouvernements n’ont pas hésité à accumuler des déficits ponctuels.
Ce n’est pas le cas au Nouveau-Brunswick. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, la province est la seule au Canada à avoir enregistré un surplus l’an dernier. Et ce sera sensiblement la même chose cette année.
Au niveau international, le Fonds monétaire international indique que l’an dernier tous les pays développés ont enregistré des déficits budgétaires. Des dépenses totales d’environ 14 000 milliards de dollars ont été réalisées par les différents pays pour soutenir leurs économies respectives.
En pleine pandémie, non seulement le Nouveau-Brunswick a affiché un surplus budgétaire, mais il s’agissait d’un des plus importants surplus, sinon le plus important, de toute l’histoire de la province.
« Selon moi, on va avoir un surplus bien au-delà d’un demi-milliard de dollars [en 2021- 2022]. »
Le gouvernement a déjà annoncé un surplus important pour l’année en cours. Mais le premier ministre Higgs reconnaît qu’il pourrait bien dépasser les 300 millions de dollars.
« Nous savons que l’économie rebondit depuis six mois, plus rapidement que nous avions anticipé, ainsi oui, il [le surplus] pourrait être plus élevé. »
Pendant ce temps, la plupart des pays et des provinces devraient enregistrer à nouveau un déficit, mais dans certains cas, moins élevé que l’an dernier.
Informations budgétaires incomplètes?
Le surplus budgétaire de 408 millions de dollars l’an dernier n’a été annoncé que plusieurs mois après la fin de l’année financière. Aucune des prévisions officielles précédentes ne faisait mention d’un surplus de cette ampleur.
Cette année, plusieurs estiment que l’évaluation du surplus présentée par le ministre des Finances ne reflète pas la réalité. Est-ce que le gouvernement offre délibérément des prévisions extrêmement conservatrices, uniquement dans le but d’éviter tout débat sur l’usage qu’on pourrait faire d’un surplus?
, s’interroge l’économiste Richard Saillant.
C’est aussi ce que se demande l’opposition officielle à Fredericton. Comment croire le premier ministre des chiffres qu’il avance? Il dépose un budget déficitaire à 300 quelques millions, et finit avec un surplus, on ne peut pas croire ce qu’il dit. Le premier ministre surestime ses dépenses et sous-estime ses revenus
, dit Roger Melanson, chef intérimaire du Parti libéral du Nouveau-Brunswick.
L’accès à des informations précises est essentiel, selon Richard Saillant, pour permettre de mieux évaluer les capacités financières du gouvernement et pour discuter des meilleures façons d’utiliser les fonds dégagés dans les surplus.
Au moment où des entreprises attendent l’aide qu'ils ont demandée, où des milliers d’employés de la fonction publique tentent d’obtenir de meilleurs salaires, le premier ministre Higgs répète que les capacités financières de la province restent limitées. La plupart des économistes reconnaissent, effectivement, que la province fait face à des défis. La dette est élevée et coûte cher aux contribuables.
Sauf que des situations similaires existent aussi ailleurs. Le Nouveau-Brunswick n’est pas la seule province qui fait face à des difficultés à moyen et long terme, pourtant les gouvernements de nos provinces voisines, soit le Québec, ou encore la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et même Terre-Neuve, en ont fait davantage
, rappelle l’économiste Richard Saillant.
Appuis à la politique budgétaire de Blaine Higgs
Le Conference Board du Canada estime que la décision du gouvernement conservateur du Nouveau-Brunswick de limiter son aide durant la pandémie, afin de dégager des surplus, servira à moyen terme. Selon l’organisme, dès 2023, la situation pourrait être plus difficile pour les provinces.
Si on regarde à plus long terme, 2023, 2024, 2025, on s’inquiète beaucoup au Conference Board de la restructuration de l’économie causée par la COVID, on s’inquiète beaucoup de la situation fiscale après la reprise économique […] si on regarde le potentiel de l’économie, c’est-à-dire la croissance tendancielle une fois que cette reprise sera finie, elle demeure très faible pour le Canada et pour le Nouveau-Brunswick aussi
, avance l’économiste en chef du Conference Board, Pedro Antunes.
L’investissement des entreprises demeure bas, souligne le Conference Board, et le Nouveau-Brunswick fait toujours face à des défis comme le vieillissement de sa population et la hausse des coûts de santé qui y est associée, ainsi qu’une dette qui pourrait coûter plus cher avec une augmentation des taux d’intérêt. Tout cela, sans compter que les transferts fédéraux seront réduits, une fois la pandémie terminée.
« Si le Nouveau-Brunswick a effectivement gardé cette marge de manœuvre pour après la pandémie, je pense qu’en fait c’est une bonne stratégie, mais je ne sais pas si c’est une stratégie voulue. »
Une question de priorité
Le gouvernement conservateur de Blaine Higgs gère les finances publiques en fonction de ses priorités. Il lui appartient donc, évidemment, de décider à quoi serviront les surplus dégagés au cours d’un exercice financier.
« C’est une question de priorité, et ce que ça dit dans le cas présent, c’est que la priorité du gouvernement Higgs, c’était l’argent et non pas les gens. »
Le premier ministre répète que ses décisions visent à assurer un meilleur avenir pour la province et, selon lui, cela passe par un assainissement des finances publiques. L’opposition reconnaît aussi l’importance de s’attaquer à la dette publique, mais souhaiterait qu’on tienne compte d’autres priorités.
Le premier ministre choisit de ne pas investir dans la fonction publique et ses employés, ou de ne pas investir dans différents secteurs économiques, parce que, à tout prix, il est obsédé avec toute la question de la dette, et il faut gérer la dette, je comprends, mais il doit y avoir un équilibre
, soutient Roger Melanson.
Si les performances budgétaires du Nouveau-Brunswick en pleine pandémie en font sourciller plusieurs, tout laisse croire que le gouvernement conservateur majoritaire continuera dans la même veine.