Ouvrir sa maison aux toxicomanes qui n’ont nulle part où aller

Brenda Letourneau accueille chez elle des toxicomanes qui n'arrivent pas à entrer au centre de désintoxication, faute de places. Ils peuvent être là quelques heures ou quelques jours.
Photo : CBC/Logan Turner
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une femme de Thunder Bay, dans le Nord de l'Ontario, a accueilli chez elle environ une vingtaine de personnes qui n’arrivaient pas à accéder au seul centre de désintoxication de la ville l’année dernière.
Assise à sa table de cuisine, Brenda Letourneau montre du doigt le divan qui a servi de lit de désintoxication pour des douzaines de personnes dans les dernières années.
Ayant elle-même eu besoin d'une cure de désintoxication par le passé, elle peut comprendre leurs besoins.
Elle raconte qu’elle n’est pas la seule à ouvrir sa maison pour aider des toxicomanes à se remettre sur pied.
Lorsqu'un toxicomane demande de l'aide et qu'il est prêt à s'en sortir, il en a besoin maintenant. Il ne peut pas attendre.
À Thunder Bay, environ 3000 personnes sont refusées chaque année dans le seul programme de gestion du sevrage de la ville, le centre Balmoral.
Cela représente une moyenne d'environ huit personnes qui se voient refuser l'accès aux services chaque jour.
D'autres personnes en quête d'aide appellent le centre toutes les heures jusqu'à ce qu'elles soient enfin admises. Ou bien elles abandonnent.

Le centre Balmoral, à Thunder Bay, a été mis en service en 1986 pour les personnes souffrant d'alcoolisme.
Photo : Avec la permission du centre Balmoral
Le processus de désintoxication, qui consiste à éliminer une ou plusieurs substances de l'organisme, peut s'accompagner de graves symptômes de sevrage.
Les centres de désintoxication disposent d'un personnel doté d'une formation médicale pour aider les toxicomanes à traverser cette épreuve.
Brenda Letourneau n'est pas formée et ne possède pas de médicaments, comme les fluides intraveineux, pour aider les gens à traverser la période de sevrage.
Tout ce qu'elle peut faire est de fournir un espace sûr, un repas chaud et une présence, au cas où il serait nécessaire de demander des soins médicaux d'urgence.
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Le centre Balmoral, qui compte 25 lits, n'a tout simplement pas assez d'espace, selon Nancy Black, vice-présidente du St. Joseph's Care Group chargée des dépendances et de la santé mentale.
Ce groupe de soins est responsable du financement et du fonctionnement du centre Balmoral.
Le centre fonctionne au maximum de sa capacité 365 jours par an
, a déclaré Mme Black à CBC News.
En moyenne, une personne passe trois jours au centre.

En raison du manque de service, Nancy Black affirme que les gens continueront à se désintoxiquer seuls, chez des parents ou des amis, ou à se rendre aux urgences en cas de crise ou pour un traitement.
Photo : Avec la permission de Nancy Black
Au printemps dernier, une proposition officielle a été soumise au ministère de la Santé de l'Ontario pour la construction d'un nouveau centre de crise en santé mentale et en toxicomanie de 40 lits à Thunder Bay.
Mais cette proposition est restée pendant des mois sur le bureau de Michael Tibollo, le ministre délégué au dossier de la Santé mentale et de la Lutte contre les dépendances, sans aucune réponse, selon le maire de Thunder Bay, Bill Mauro.
Nos besoins sont importants ici. Nous n'avons pas non plus la possibilité de simplement prendre la route vers un endroit proche de nous [pour accéder aux ressources].
M. Mauro note qu’au contraire, des gens de tout le Nord-Ouest de l’Ontario comptent sur Thunder Bay pour obtenir des soins de santé mentale.
Le maire de Thunder Bay dit avoir rencontré M. Tibollo à trois reprises à ce sujet, de sorte que le besoin a été très clairement exprimé au ministre.
CBC News a demandé au ministère de la Santé une mise à jour à propos de ce dossier.
Le ministère n'avait pas répondu avant la publication du reportage.
Dans une déclaration précédente envoyée à CBC News, un porte-parole du ministère a rappelé que le gouvernement investit 3,8 milliards de dollars sur 10 ans pour améliorer le système de santé mentale et de toxicomanie de la province.
Nancy Black espère que Thunder Bay et le Nord-Ouest recevront une partie de cet argent.
La situation s'aggrave
Brenda Letourneau s’est rendue en désintoxication pour la première fois le 21 avril 2008. Elle était enceinte et avait fait une rechute après avoir essayé d'arrêter de consommer par elle-même.
Il lui a fallu 10 jours pour être admise. Selon Mme Letourneau, la situation n'a fait qu'empirer au cours de la dernière décennie.
Les drogues sont plus toxiques et mortelles que je ne l'ai jamais vu,
dit-elle.
Au moins 40 personnes qu'elle connaissait personnellement sont mortes en raison de leur consommation de drogue au cours des deux dernières années. Au total, 99 personnes à Thunder Bay sont mortes après une surdose en 2020 seulement.
Parmi ces décès, il y a des personnes qui avaient fait une rechute en attendant un lit de désintoxication.
C'est pourquoi Mme Letourneau continue d'ouvrir sa porte aux toxicomanes.
Nous restons avec eux et les surveillons pendant qu'ils continuent à appeler pour qu'un lit se libère, jusqu'à ce qu'ils puissent entrer. Mais je ne suis certainement pas équipée pour les aider,
dit-elle, ajoutant qu'elle et son partenaire ont souvent conduit des personnes au centre Balmoral une fois qu'elles ont finalement été acceptées.
Elle appelle tous les ordres de gouvernement et les prestataires de services à en faire plus.
Honnêtement, rien ne change assez. Il y a de petits changements, mais pas assez pour que ça change vraiment
, conclut Mme Letourneau.
D'après les informations de Logan Turner, de CBC