Pour la carboneutralité, à quand les grands vins canadiens en vinier?
Une transition écologique s'opère dans les vignobles de la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse. De la vigne à l’emballage, tout est mis en branle pour atteindre la carboneutralité.

La vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, est reconnue pour ses nombreux vignobles, ses vergers et ses fermes maraîchères.
Photo : Radio-Canada / Maude Montembeault
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les vendanges ne pouvaient se conclure sur une meilleure note cette année au vignoble Ellslea.
Les feuilles rouges et orange des arbres tout autour brillent au soleil alors que, dans le vallon, les travailleurs récoltent sur les vignes les dernières grappes de raisins.
Steve Ells, le propriétaire, pense que la saison 2021 sera un moment charnière pour son entreprise. Après dix ans, c’est la première année où il ne plante pas de nouvelles vignes. Il pense enfin commencer à réaliser des profits intéressants.
Steve Ells est un des leaders d’un groupe de viticulteurs préoccupés par les impacts des changements climatiques sur l’industrie. Il a multiplié, dans les dernières années, les gestes en ce sens.
Sur son vignoble, rares sont les moments de silence. Des chants d’oiseaux résonnent dans les champs.
Afin de freiner leur appétit insatiable pour son raisin tout en respectant davantage l'environnement, il a troqué ses canons au propane effaroucheurs contre des haut-parleurs alimentés par des panneaux solaires, dont les sons repoussent les oiseaux.
Des clôtures électriques pour éloigner les ratons laveurs fonctionnent elles aussi à l'énergie solaire.
Chaque geste que pose Steve Ells pour aider la planète est réfléchi et calculé.
Par exemple, cet ancien camionneur évalue qu’il vaut mieux réduire le nombre d’allers-retours en camion et utiliser des pesticides que de multiplier les déplacements et n’appliquer que des produits biologiques.
Avec le réchauffement de la planète, il s'inquiète de l'arrivée d'espèces d’insectes surtout présentes aux États-Unis et dans le sud du Nouveau-Brunswick, mais qui commencent à faire leur apparition en Nouvelle-Écosse.
Pour les mauvaises herbes, Steve Ells privilégie la culture de couverture, une tendance en hausse dans le monde agricole. Cette technique lui permet de produire de la biomasse et de limiter la présence des mauvaises herbes sur les 20 hectares de vignes qu’il cultive.
L’objectif de la carboneutralité est de cesser d’émettre, sinon de compenser, les émissions de GES par différentes mesures, naturelles ou technologiques.
Du vin agréable dans des canettes d'aluminium
C’est au vignoble Benjamin Bridge que Steve Ells vend sa récolte. Pendant que les caisses de fruits rouges et verts arrivent par camion, des clients se prélassent sur la terrasse en dégustant leur verre de vin.
Eux aussi profitent de la belle journée d’automne.
Comme au vignoble Ellslea, chez Benjamin Bridge, on réfléchit à la carboneutralité.
Il y a notre flotte de véhicules, l’électrification des tracteurs. On est en pourparlers à l’heure actuelle avec des ingénieurs pour un système de panneaux solaires agrivoltaïques
, explique Jean-Benoît Deslauriers.
Le Québécois, qui s’est exilé en Californie pour apprendre son métier, travaille en Nouvelle-Écosse comme vigneron depuis 14 ans.
Il y a quatre ans, avant l'essor du prêt à boire, son vignoble lançait déjà une première gamme de produits en canettes. Ce type de conditionnement est compatible avec les produits de Benjamin Bridge : des vins rafraîchissants, prêts à boire rapidement.
La préoccupation environnementale a guidé ce choix. L'aluminium se recycle mieux; le verre, souvent fabriqué en Europe ou en Asie, est lourd à transporter.
« L’aluminium est intéressant comme solution de rechange et il est à notre portée. C'est une chose qu’on peut faire tout de suite. »
Le retour en force des viniers?
Les produits offerts en canettes se sont multipliés chez Benjamin Bridge. Et on envisage maintenant un autre type d'emballage, lui aussi plus écologique que le verre : le vinier, une boîte Tetra Pak pour le vin.
Il a longtemps été associé à des produits bas de gamme, mais la tendance pourrait s’inverser.
Selon les recherches qu’elle a menées pour l’écriture de son livre Quel vin pour demain?, Michelle Bouffard, fondatrice de Tasting Climate Change, soutient que 90 % des consommateurs boivent le vin qu’ils achètent dans un délai de 24 heures.
Or le conditionnement représente, avec le transport, les deux plus importantes sources de pollution de l'industrie.
Elle rêve du jour où les monopoles des provinces, comme la SAQ au Québec ou Alcool NB au Nouveau-Brunswick, s’inspireront du modèle suédois Systembolaget.
Plus de la moitié des vins du Systembolaget sont offerts en vinier, des domaines qualitatifs
, précise Michelle Bouffard. C’est donc dire que, pour percer le marché suédois, les domaines doivent offrir leurs produits en vinier.
« Ils savent que l’empreinte carbone du vinier est moindre. On voit que le consommateur est prêt. Et on a vu dernièrement que des producteurs qualitatifs ont commencé à mettre des vins en vinier. J’espère que les producteurs canadiens vont suivre. »
Parmi les travailleurs des vignes de Steve Ells, l'un a atteint un âge vénérable : son père, Glen Ells, 87 ans, ancien ministre de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse.

Glen Ells, 87 ans, ancien ministre de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse participe activement aux vendanges.
Photo : Radio-Canada / Maude Montembeault
Chaque jour, il participe à la récolte des raisins, sa canne jamais trop loin. Steve Ells considère son père comme un modèle.
Je veux pouvoir faire ça encore dans 20 ans
, dit-il, confiant. Pour atteindre cet objectif, il lui faudra entretenir sa forme physique, bien sûr, mais aussi limiter les impacts des changements climatiques sur ses vignes.