Le nombre d’électeurs inscrits en forte baisse à Montréal
La liste électorale révisée de cette année compte environ 32 000 noms de moins qu'en 2017.

Il y a beaucoup moins d'électeurs inscrits à Montréal cette année par rapport à 2017, même si la population n'a pas diminué dans les quatre dernières années.
Photo : Radio-Canada / Jean-Claude Taliana
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Si les Montréalais sont moins nombreux à voter aux élections municipales du 7 novembre, ce ne sera pas nécessairement parce que la participation aura chuté : il y a tout simplement moins d'électeurs inscrits cette année par rapport aux élections générales précédentes, en 2017.
Selon des données rendues publiques par Élections Montréal cette semaine, la liste électorale révisée de cette année compte 1 111 100 électeurs. C'est 31 848 noms de moins qu'il y a quatre ans, ce qui représente une baisse de 2,79 %, selon une analyse effectuée par Radio-Canada.
C'est du jamais vu à Montréal depuis la première élection ayant suivi les défusions municipales, en 2005.
La baisse est observable dans tous les arrondissements, sauf celui du Sud-Ouest, où le nombre d'électeurs inscrits a augmenté de 0,09 %. Partout ailleurs, les chiffres sont moins élevés qu'en 2017.
La baisse est particulièrement observable dans les arrondissements de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (-5,63 %), de Montréal-Nord (-4,70 %), du Plateau-Mont-Royal (-4,64 %) et de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce (-4,20 %).
Mais qu'est-ce qui peut bien expliquer ce changement?
Sébastien Lavoie, analyste au Centre de démographie de Statistique Canada, explique que depuis quelques années, l'île de Montréal a vu s'accroître son déficit migratoire interprovincial et intraprovincial. En d'autres mots, les Québécois et les Canadiens ont plus tendance à quitter l'île qu'à venir y vivre.
Statistique Canada, précise-t-il, ne recense pas les « électeurs ». Mais en ce qui a trait à la population en général, les données ne manquent pas : en 2019-2020, le déficit migratoire interprovincial et intraprovincial de l'île de Montréal dépassait les 39 000 personnes, alors qu'il était de 23 000 personnes quatre ans plus tôt.
Cela étant dit, la population a continué de grandir ces dernières années. De 2017 à 2020, le nombre de personnes résidant sur l'île de Montréal s'est accru de 83 782, une hausse de 4,22 %. Pourquoi dans ce cas assiste-t-on malgré tout à une baisse marquée des électeurs?
Sébastien Lavoie pointe non pas vers la croissance naturelle (les naissances moins les décès) ou l'immigration, qui sont demeurées relativement stables ces dernières années, mais plutôt vers le nombre de résidents non permanents, qui a véritablement explosé durant la même période.
Ce sont eux, dit-il, qui ont pris la place des Montréalais qui ont quitté l'île pour d'autres régions ou d'autres provinces ces dernières années. Ces gens-là sont comptabilisés comme des résidents, mais ils n'ont pas le droit de vote
, explique M. Lavoie.
En raison de la pandémie de la COVID-19, le solde de résidents non permanents a légèrement diminué en 2019-2020. Mais il n'atteignait pas moins de 35 702 personnes en 2018-2019.
La situation était pourtant bien différente, quelques années plus tôt. En 2015-2016, par exemple, Statistique Canada avait même calculé que les résidents non permanents avaient été plus nombreux cette année-là à quitter l'île de Montréal qu'à s'y installer temporairement.
Un effet pour les partis politiques?
Ces nouveaux chiffres sur la baisse du nombre d'électeurs à Montréal ont surpris
le candidat d'Ensemble Montréal à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Lionel Perez, qui dit ne pas vraiment avoir vu de différence sur le terrain.
Après vérifications de la liste électorale révisée, M. Perez s'est toutefois rendu compte que la situation était généralisée
dans tous les districts de l'arrondissement.
Le phénomène n'est pourtant pas si nouveau. Depuis 2005, Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce a perdu 4,38 % de ses électeurs, soit 4350 personnes.
Dans les faits, cet arrondissement – le plus populeux de Montréal et le mieux représenté à l'Hôtel de Ville – n'est même plus celui qui compte le plus d'électeurs. Il est passé en 16 ans de la première à la troisième place, derrière Rosemont–La Petite-Patrie et Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

Lionel Perez a agi ces quatre dernières années comme conseiller de la ville dans le district de Darlington et chef de l'opposition officielle à l'Hôtel de Ville. Il brigue cette année la mairie d'arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce pour Ensemble Montréal.
Photo : Radio-Canada / Jérôme Labbé
En théorie, cette baisse pourrait avoir un effet sur les dépenses admissibles des partis politiques municipaux, souligne M. Perez, les limites étant fixées par la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM) en fonction du nombre d'électeurs inscrits.
Mais en règle générale, il est rare qu'un parti, peu importe la couleur politique, s'approche des limites électorales de dépenses
, précise-t-il.
À titre indicatif, l'équipe de M. Perez pourrait, comme celles de ses adversaires, dépenser cette année un maximum de 47 996,85 $ pour sa campagne à la mairie d'arrondissement. C'est 2000 $ de moins qu'en 2017, une baisse directement attribuable au nombre d'électeurs inscrits.
Le Sud-Ouest en plein boom démographique
Mais Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce n'est pas l'arrondissement qui a le plus perdu d'électeurs depuis 2005 : ceux du Plateau-Mont-Royal et de Montréal-Nord ont vu les leurs diminuer d'environ 10 % en 16 ans.
À l'inverse, le nombre d'électeurs de l'arrondissement du Sud-Ouest ne cesse de grimper. Sa population compte 7160 personnes de plus qu'en 2005, une hausse de 14,75 %.
Cette croissance est largement attribuable à la démographie du nord de l'arrondissement. Pour preuve, les limites de ses deux districts électoraux ont dû être revues sous l'administration Coderre, en 2016, parce que l'écart démographique entre le nord et le sud de l'arrondissement dépassait les limites fixées par la LERM.
Ainsi, le district de « Saint-Henri–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles » a été renommé « Saint-Henri-Est–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles–Griffintown », et tout le secteur à l'ouest de la rue De Courcelle a été rattaché au district « Saint-Paul–Émard », qui a été rebaptisé « Saint-Paul–Émard–Saint-Henri-Ouest ».
L'écart recommence toutefois à se creuser. De 2017 à 2021, le nombre d'électeurs dans Saint-Henri-Est–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles–Griffintown a grimpé de 4,16 %, alors qu'il a perdu 5,33 % dans Saint-Paul–Émard–Saint-Henri-Ouest durant la même période.

Tan Shan tentera cette année de succéder à Sophie Thiébault comme conseillère d'arrondissement du district Saint-Henri-Est–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles–Griffintown.
Photo : Radio-Canada / Jérôme Labbé
Tan Shan Li, qui tente cette année de se faire élire comme conseillère d'arrondissement dans le Sud-Ouest pour Projet Montréal, a déménagé dans Griffintown en 2015. C'est à cette époque, dit-elle, que le boom démographique du quartier a vraiment pris son envol.
Ici, dans le quartier, on a quand même des résidents qui sont là depuis longtemps, mais la plupart sont des nouveaux résidents du quartier
, explique Mme Li. Tandis que dans Saint-Henri, dans Pointe-Saint-Charles, on peut trouver des gens qui sont là depuis des générations
, dit-elle.
Les résidents de Griffintown, constate Mme Li, sont surtout préoccupés par la piètre qualité des infrastructures et par le manque de verdure qui caractérisent le secteur. C'est encore en développement et il y en a pour quelques années encore
, souligne-t-elle. La communauté est à bâtir.
Selon Mme Li, le boom immobilier du district qu'elle espère représenter ne se limite toutefois pas qu'à Griffintown. Les projets sont aussi nombreux dans Pointe-Saint-Charles, le long du canal de Lachine et dans le secteur des anciens ateliers du CN, notamment.
À ce rythme, il ne serait pas surprenant que les districts du Sud-Ouest – comme ceux d'autres arrondissements – doivent être redécoupés dans les prochaines années pour respecter l'écart démographique maximum fixé par la LERM.