Les changements climatiques et leurs conséquences sur les assurances

La crue printanière de 2019 a été une dure épreuve cette année pour les résidents de Mattawa et de plusieurs autres communautés du Nord de l'Ontario.
Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans un rapport intitulé Submergés, publié récemment, l'Institut canadien pour des choix climatiques (ICCC) tire la sonnette d’alarme concernant les coûts des changements climatiques sur les infrastructures, particulièrement sur les maisons et le coût des assurances.
Ce rapport est le troisième d’une série de quatre sur les coûts des changements climatiques. Le rapport précédent s’était intéressé aux impacts sur la santé.
On a été en mesure de regarder quels genres de coûts on pourrait faire face dans les prochaines années, mais c’est plus difficile d’évaluer quels types d’adaptations pourraient être nécessaires
, explique Julien Bourque, associé de recherche pour l’ICCC et un des auteurs du rapport.
Les primes d'assurance en question
Le rapport Submergés souligne notamment que les propriétaires de maison dans certains secteurs pourraient devoir payer des primes d’assurances extrêmement élevées, ou carrément ne pas être capables d’assurer leurs propriétés.
C’est déjà une situation qui peut être observée dans d’autres juridictions, affirme Robin Edger, le directeur national — changements climatiques du Bureau d’assurance du Canada (BAC).
M. Edger n’a pas été surpris par le rapport de l’ICCC
. Le BAC souhaite aussi sensibiliser les décideurs et la population aux risques des changements climatiques.Le directeur national — changements climatiques du BAC
souligne que le Nord de l’Ontario, comme d’autres régions nordiques, se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale.À lire aussi :
Il admet que les compagnies d’assurances ont un intérêt financier à s’assurer que les maisons sont bien protégées, pour éviter de devoir payer d’importants montants lors de réclamations.
Mais il ajoute que les assureurs veulent aussi être de bons citoyens corporatifs.
Il explique que le gouvernement fédéral prépare une nouvelle certification pour la résilience climatique des bâtiments, semblable à la certification ÉnerGuide pour l’efficacité énergétique.
Cette certification facilitera le travail des compagnies d’assurance lorsque vient le temps d’établir le coût des primes d’assurance pour les propriétaires de maisons qui, par exemple, ont pris des mesures pour mieux protéger leurs maisons contre les inondations.
Des municipalités sur le qui-vive
Dans le Nord de l’Ontario, plusieurs municipalités ont été touchées par d’importantes inondations dans les dernières années.
C’était le cas pour la Municipalité de Rivière des Français, où la rivière du même nom avait atteint un niveau record en mai 2019.
La mairesse, Gisèle Pageau, prend très au sérieux l’augmentation des risques causée par les changements climatiques.
Je crois beaucoup que le climat a changé, surtout ces dernières années. On voit aussi beaucoup de sécheresse pendant l’été
, affirme-t-elle.
« Nous avons commencé à prendre des précautions. Nous avons développé un outil dans notre programme de cartographie. Cet outil peut nous montrer les zones et les propriétés qui pourraient être affectées à cause de l’élévation des niveaux d'eau. »
Mme Pageau ajoute que cet outil permet à la Municipalité de prévenir les propriétaires à risque ou de savoir ou déployer les sacs de sable.
Dans un courriel, elle indique que les bâtiments municipaux ne sont pas situés dans des zones inondables, et qu'il n’y a donc pas d’impact sur les primes d’assurances.
Des informations désuètes
Un autre constat important du rapport Submergés de l’ICCC
est que les cartes des zones inondables ne sont pas facilement accessibles ou à jour, ce qui complique la tâche des autorités et des compagnies d’assurance.Les cartes qui sont disponibles publiquement sont désuètes, trop vieilles, et ne prennent certainement pas en compte les changements climatiques à venir, explique Julien Bourque.
Donc les gens, les investisseurs prennent des décisions un peu dans le noir, sans trop savoir dans quel genre de risques ils se lancent
, ajoute-t-il.
L’ICCC
recommande de créer un système centralisé et public pour ces cartes.« C’est là qu’il y a peut-être besoin de davantage de soutien au niveau des provinces et des municipalités, déjà pour avoir l’information par rapport à ce qui s’en vient au niveau des inondations, mais aussi ce qui peut être fait en termes d’adaptation. »
En Ontario, près de 75 % des municipalités ont besoin de mettre à jour ces cartes
, explique Hassan Rouhani, chargé de projet pour le Canton de Bonfield, près de North Bay. C’est un projet coûteux. Ça peut prendre environ 100 millions de dollars pour mettre à jour toutes ces cartes.
Le Canton de Bonfield a fait appel aux services de M. Rouhani pour préparer un plan d’adaptation aux changements climatiques.
Cela inclut l’évaluation des risques d’inondations, mais aussi la préparation à des périodes de sécheresse ou de canicule, ou encore la planification des coûts pour le déneigement.
Selon M. Rouhani, l’âge moyen des cartes de zone inondables en Ontario est d’environ 30 ans.
À Bonfield, la dernière mise à jour a été effectuée dans les années 1970.
Plusieurs paramètres peuvent influencer les risques d’inondation, explique Hassan Rouhani, dont les nouveaux ensembles résidentiels, un changement dans l’utilisation du territoire et un changement dans la quantité de précipitations.
Un équilibre à atteindre
Hassan Rouhani a mené le projet en collaboration avec l’Office de protection de la nature de North Bay-Mattawa, responsable, entre autres, de surveiller les zones inondables.
Souvent, les Offices de protection de la nature n’ont pas nécessairement le financement ou les ressources pour garder à jour les cartes des zones inondables.
Dans un courriel, la responsable des communications de l’Office de protection de la nature de North Bay-Mattawa, Sue Buckle, affirme qu’il faut atteindre un certain équilibre lorsqu’il vient le temps de délimiter les zones à risque.
Il est très difficile pour les ingénieurs et scientifiques de quantifier l'ensemble des effets du changement climatique sur les plaines inondables
, écrit-elle.
« Du point de vue de ceux qui réglementent les plaines inondables, comme les autorités de conservation, nous devons nous assurer que notre cartographie est défendable et fondée sur la science. »
Bien que nous voulions protéger les personnes et les biens
, ajoute Mme Buckle, nous ne voulons pas trop réglementer, ce qui rend un peu difficile l'élaboration d'une cartographie des plaines inondables qui couvre tous les scénarios possibles de changement climatique futur.
Selon elle, à des fins réglementaires, les experts doivent tracer une seule ligne sur une carte (c'est-à-dire une modélisation déterministe) qui représente chaque zone inondable.
Il y a toutefois une déconnexion fondamentale, parce que les changements climatiques peuvent causer une gamme de scénarios possibles, avec plus ou moins de chances de se produire.
Si nous choisissons le scénario de changement climatique le plus sévère, un promoteur pourrait faire valoir que nous réglementons trop
, ajoute Mme Buckle. Il s'agit d'un sujet de discussion permanent entre les ingénieurs et les autres professionnels qui travaillent dans le domaine de l'hydrologie et de la cartographie des plaines inondables.