L’anguille bientôt de retour dans la rivière Saint-Charles

L'anguille d'Amérique, jadis présente dans la rivière Saint-Charles, devrait être de retour bientôt grâce à des passes migratoires.
Photo : La Presse canadienne / Ministère des Richesses naturelles de l'Ontario
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Qui se souvient que la rivière Saint-Charles, à Québec, a déjà été un habitat pour l’anguille d’Amérique? Si l’espèce est aujourd’hui absente de ce cours d’eau, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle y revienne grâce aux récents efforts de la Nation huronne-wendat pour installer des passes migratoires.
Je ne suis pas vraiment stressé à savoir si l’anguille va monter [dans la rivière] un jour. Je suis pas mal sûr que oui
, lance Akian Gros-Louis Picard, technicien de la faune au Bureau du Nionwentsïo du Conseil de la Nation huronne-wendat.
Ces deux dernières années, M. Gros-Louis Picard et sa petite équipe de Wendake ont mis en place des passes migratoires en aluminium à deux endroits névralgiques, sur la rivière Saint-Charles.
La première se trouve à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent, au barrage Joseph-Samson. La deuxième est positionnée juste au nord de l’autoroute 40, au barrage Saint-Jacques.
D’apparence simple, ces passes migratoires sont pourtant porteuses d’espoir. Elles doivent permettre aux anguilles de franchir les barrages et par la suite de regagner la chute Kabir Kouba, à Wendake, comme c’était traditionnellement le cas.
« Pour la Nation huronne-wendat, l’anguille était importante autrefois. Nos ancêtres s'alimentaient de cette espèce de poisson. »
Une espèce fragilisée
Or, au fil des ans, la construction de barrages a perturbé l’habitat de cette espèce catadrome. L’anguille se reproduit dans la mer des Sargasses, à l’est des Bahamas, mais sa progéniture remonte vivre dans les eaux plus douces du Nord.
Les jeunes anguilles, quand elles sont arrivées pour monter nos rivières, hop!, il y avait un barrage et elles ne pouvaient pas monter
, explique M. Gros-Louis Picard.
« C’est à ce moment-là qu’on entre en jeu et qu’on fait des aménagements pour qu’elles puissent [re]gagner leur habitat qu’elles ont perdu. »
La surpêche a aussi nui à la population d’anguilles d’Amérique, à tel point qu’elle a le statut d’espèce préoccupante
au Canada.
Les indices d'abondance dans le cours supérieur du fleuve Saint-Laurent et le lac Ontario ont diminué d'environ 99 % depuis les années 1970
, peut-on lire dans le Registre public des espèces en péril du gouvernement fédéral.
L’anguille a mangé un gros coup
, résume M. Gros-Louis Picard.
Un vaste projet
Pour rétablir l’habitat de l’anguille dans la rivière Saint-Charles, la Nation huronne-wendat bénéficie entre autres du soutien financier de la Ville de Québec, qui a investi 37 500 $ dans le projet.
La Ville et la Nation ont convenu d’une entente par laquelle la Ville apporte un appui financier et la Nation est le maître d’œuvre
, indique le porte-parole de la Ville, David O’Brien, par courriel.
Le projet de la Nation huronne-wendat est cependant beaucoup plus large et vise à rétablir l’habitat de l’anguille dans plusieurs cours d’eau situés sur le territoire qu’elle a historiquement fréquenté.
Une vingtaine d’aménagements ont ainsi été réalisés sur différentes rivières allant de Portneuf au Saguenay. Pour ce faire, la Nation a reçu en 2018 une enveloppe de presque 1,5 million de dollars de Pêches et Océans Canada.
Dans chaque bassin versant, il a fallu recenser les obstacles présents, cartographier les habitats de l’anguille, puis faire des observations après l’installation des passes migratoires. Jusqu’à maintenant, elles semblent offrir les résultats escomptés.
« On a fait un aménagement au Saguenay et en 72 heures il y avait près de 150 anguilles dans l’installation. »
Pour la consommation?
À Québec, aucune anguille n’a encore été vue dans la rivière Saint-Charles, mais seule la passe migratoire du barrage Joseph-Samson était en fonction cet été. Celle du barrage Saint-Jacques sera mise en service l’an prochain.
À savoir si un jour la Nation huronne-wendat pourra recommencer à pêcher l’anguille à la chute Kabir Kouba, M. Gros-Louis Picard rappelle que ce n’est pas l’objectif premier et que la réponse ne viendra qu'à très long terme.
Étant donné que c’est une espèce qui prend du temps à grandir, au-delà de 20 ans, on va voir si nos installations marchent et si nos efforts améliorent la population [d’anguilles], ça va être dans 20, 40, 60 ans qu’on va voir ça.