Accident mortel à Beauport : l’accusé roulait à 130 km/h en état d’ébriété avancé

Bilan de l'accident du 2 septembre : quatre morts et un blessé. (archives)
Photo : Radio-Canada / Frédéric Vigeant
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Au moment de percuter le véhicule rouge à bord duquel Emma Lemieux, 10 ans, et Jackson Fortin, 14 ans, prenaient place, Éric Légaré venait de passer quatre heures accoudé au bar du Pub du parvis. L’alcool dans son sang dépassait de deux fois et demie la limite tolérée par la loi et de plus du double la limite de THC.
L’accusé roulait, au moment de la collision qui a coûté la vie aux deux enfants et à James et Shellie Fletcher, au minimum
à 130 km/h, selon l’expertise réalisée sur le véhicule. Cette zone de l’autoroute Dufferin-Montmorency, située à l’intersection du boulevard François-de-Laval, est limitée 70.
Son sang contenait 209 mg d’alcool par 100 ml à l’instant de l’accident. La loi en permet 80. La présence de THC (un cannabinoïde présent dans la plante de cannabis) a aussi été décelée : 6,9 nanogrammes par ml quand la limite, lorsque le cannabis est accompagné d’alcool, s’élève à seulement 2,5.
Lors de la première journée d'audience sur la requête de remise en liberté d’Éric Légaré, la Couronne a montré, vidéos à l’appui, la séquence ayant culminé à 17 h 45, le 2 septembre, par la mort de quatre membres d’une même famille.
Des proches de l'accusé et des victimes assistaient à l'audience. Certains ont préféré quitter le tribunal au moment de la diffusion des vidéos.
La chaîne des événements montre un accusé en état d’ébriété avancé, qui décide de prendre le volant malgré des signes évidents d’intoxication et une feuille de route déjà chargée en matière de vitesse.
Vers 13 h 30 ce jour-là, Éric Légaré entre au Pub du parvis, situé dans le quartier Saint-Roch. Pendant les quatre heures suivantes, il boit 10 consommations, dont trois verres d’alcool fort. Au fil des heures et des verres, les caméras de surveillance du pub montrent l’accusé de moins en moins solide sur ses jambes.
À un moment, il doit s’agripper au siège de son voisin pour se maintenir en équilibre en quittant son tabouret.
Il est alors 17 h 17 : 10 minutes plus tard, l’accusé quitte le bar et prend place derrière le volant de sa voiture, stationnée sur la rue Saint-Joseph devant le café Pékoe.
À lire aussi :
Les caméras de l’établissement montrent qu’Éric Légaré a mis trois minutes à quitter son espace de stationnement. Sa Subaru blanche percute à de nombreuses reprises le véhicule situé à l’avant, sous les regards de plus en plus interloqués des clients du café qui observent la scène.
Entre le moment où Éric Légaré s’engage sur la rue Saint-Joseph et la fin tragique de sa course sur l’autoroute Dufferin-Montmorency, il multiplie les infractions au code de la sécurité routière.
Il circule en sens inverse sur la rue de la Chapelle, avant de percuter un véhicule en bordure de la route et de s’engager dans l’entrée d’un stationnement souterrain, où il avance à plusieurs reprises dans un muret de béton.
À 17 h 36, les caméras du bar Le Dauphin montrent son véhicule ignorer, à vive allure, un arrêt obligatoire situé rue Saint-François est, à l’angle de la rue du Pont.
Quelques minutes plus tard, l’automobile de l’accusé est encore filmée par la caméra avant d’un autobus du RTC. La scène montre Éric Légaré effectuer une manœuvre de dépassement sans tenir compte de la ligne continue, de l’autobus qui arrive en sens contraire et de l’intersection aux quatre arrêts obligatoires vers laquelle il fonce. La scène se déroule à proximité du domaine Maizerets. L’école Dominique-Savio est située tout près.
Dans le box des accusés, Éric Légaré regardait attentivement les scènes, fixant par moments le sol, mais jamais le public réuni dans la salle.
Ce n'est pas lui que je vois, cette journée-là
L’accusé et ses deux parents ont témoigné au cours de l’audience, révélant que la famille d’Éric Légaré portait depuis longtemps les cicatrices de l’alcool au volant.
Un chauffard a en effet fauché la vie de la tante de l’accusé quand elle était âgée de 21 ans. Le père d’Éric Légaré, très ému à la barre des témoins, a ensuite indiqué que son autre sœur, plus jeune, s’était enlevé la vie à la suite de la tragédie.
L’accusé connaissait le drame qui a frappé les sœurs de son père. Il a admis avoir fait un texte sur le sujet, à l’école secondaire.
La mère d’Éric Légaré a pour sa part décrit avec tendresse son fils.
« Il est doux, n’a jamais cherché la bataille, il est toujours conciliant, il n’a jamais jugé personne. Ce n’est pas lui que je vois, cette journée-là. »
Les deux parents ont tous deux accepté d’accueillir leur fils à la maison advenant sa remise en liberté. En vertu des conditions proposées par la défense, Éric Légaré n’aurait alors plus le droit de conduire ni de consommer de l’alcool et des stupéfiants.
Les parents de l’accusé ont aussi accepté de le conduire, de veiller au respect d’un couvre-feu et de consacrer leurs économies à payer une caution de 25 000 $.
Mon mari a travaillé toute sa vie, son grand-père va nous aider aussi
, a indiqué la mère de l’accusé.
Ça va être ça qui va me rester à faire, dans ma vie
, a ajouté son mari.
L’accusé, visiblement ébranlé par les témoignages de ses parents, a pris la parole en dernier. D’une voix parfois chevrotante, il a dit mal dormir la nuit.
Je pense à plein de choses, aux victimes, aux familles des victimes, à ma famille à moi. Un peu à moi, aussi
, a-t-il dit en étouffant ses sanglots.
La pandémie, le confinement, le cancer au cerveau incurable d'un ami ont tous contribué à augmenter sa consommation de cannabis et d'alcool, a expliqué l'accusé.
Quand j’atteins un certain niveau, je bois jusqu’à ce que j’en ai plus
, a illustré l'accusé à la cour. Des fois, je ne me rappelle plus de la soirée.
Éric Légaré a dit être accepté par la maison de thérapie de Victoriaville-Arthabaska. S’il est remis en liberté, il s’engage à y suivre une thérapie pour traiter son problème d’alcool et de consommation de cannabis.
« Je ne me considère pas comme un fou du volant, mais peut-être que j’ai tendance à conduire un peu plus vite que la moyenne. »
Depuis 2017, Éric Légaré a accumulé les constats d’infraction pour vitesse excessive, en recevant huit au cours de cette période. Il avait déjà plaidé coupable à une accusation de conduite avec faculté affaiblie en 2017, recevant 1000 $ d’amende et une interdiction de prendre le volant sans antidémarreur éthylométrique pendant trois mois.