Des symboles en feu pour imaginer l’urgence climatique

Visualisation de la fumée de feux de forêt qui crée un voile orangé dans le ciel de Québec.
Photo : ceclimatnexistepas.com
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
À quoi ressemblerait Montréal aux prises avec une inondation sans précédent? Ou Québec avec un feu de forêt historique aux portes de la ville? Une équipe de chercheurs spécialisés en intelligence artificielle a créé un outil qui permet de visualiser comment une catastrophe pourrait frapper votre quotidien du jour au lendemain. Une façon pour eux de faire naître une plus grande prise de conscience collective sur l'urgence climatique.
Le site web nommé Ce climat n’existe pas (Nouvelle fenêtre), en ligne depuis jeudi matin, permet d'imaginer des scénarios apocalyptiques un peu partout à travers le monde grâce à des images qui proviennent majoritairement de Google Street View.
À écouter :
Sasha Luccioni, chercheuse postdoctorale à l’institut Mila, en entrevue à l'émission Première heure
En le parcourant, vous pourrez voir de quoi aurait l'air votre maison si une inondation, un incendie de forêt ou un smog intense survenait. Ce ne sont évidemment pas des prédictions, mais bien des projections qui ont toujours un peu plus de probabilités de se produire réellement chaque année, explique Sasha Luccioni, l'une des trois principales spécialistes qui participent à ce projet mené par Mila, l'Institut québécois d'intelligence artificielle, basé à Montréal.
C'est fou, il y a eu des inondations en Australie, on n'en entend pas parler, il y a eu des incendies en Russie, on n'en entend pas parler
, explique-t-elle à l'émission matinale Première heure.
« Ça nous affecte et ça va nous affecter de plus en plus. Mais au lieu des projections dans le futur, on fait des projections dans le présent. On permet aux gens de voyager à des endroits impactés, mais chez eux. On veut qu'ils imaginent l'inondation survenue en Australie, mais dans leur rue. »
Algorithmes
L’équipe du chercheur Yoshua Bengio s’appuie sur des algorithmes pour créer la visualisation de la catastrophe demandée. Les éléments sur la photo seront pris en considération.
S'il y a une grosse maison, des voitures, des arbres, l'eau va changer : il va y avoir des reflets dans l'eau, la quantité d'eau va changer. Ce n'est pas juste un filtre. Ça génère une inondation qui est contextuelle
, souligne Mme Luccioni.
Le lieu géographique et l'altitude ne sont toutefois pas pris en considération. Le Château Frontenac, qui surplombe Québec, a peu de chances d'être inondé par les eaux du Saint-Laurent en 2022, même si le site web peut en faire la projection.
« On ne prend pas en compte le lieu géographique ni l'altitude du lieu. Mais si, par exemple, une résidence se trouve sur le bord de l'eau, le reste de l'eau [provenant de l'inondation] sera de la même couleur. Ça va être contextuel en fonction de ça. »
Long travail sur deux ans
La conception de ce site est le fruit d'un très long travail réalisé avec beaucoup de minutie, insiste Mme Luccioni. Une section est également destinée à l'explication des changements climatiques.
Ça nous a pris deux ans pour créer ce site. C'est quelque chose qui n'a jamais été fait. On a utilisé ce pouvoir, on a dû rassembler beaucoup de données, on a dû réfléchir à la manière de faire la transformation [de l'image].
Les visualisations ne s'appuient toutefois pas sur des prévisions scientifiques, mais bien sur des analyses permettant de prédire, par exemple, ce qui pourrait survenir au Canada d'ici 2100 avec un réchauffement climatique important : hausse des feux de forêt et du niveau de la mer, plus de canicules et dégradation de la qualité de l'air.
Objectif : conscientiser et changer les comportements
L'objectif est de conscientiser la population à l'urgence d'agir dès maintenant. Imaginer sa maison sous le smog pourrait permettre à certains visiteurs du site de changer leurs habitudes, croit la chercheuse. Une section intitulée Qu'est-ce que je peux faire? a d'ailleurs été créée sur le site.
On veut prendre les réactions que les gens vont avoir. Des actions individuelles que les gens vont faire pour changer leur comportement. Par exemple, leur diète, ce qu'ils achètent et comment ils achètent. Aussi, on a mis des actions collectives, politiques qui peuvent être faites
, affirme-t-elle.
Des experts des comportements humains et des sciences ont également collaboré au projet.