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Francophonie à l’Université d’Ottawa : « un portrait éloigné de nos aspirations »

Affiche sur laquelle il est écrit "uOttawa".

Le vice-recteur à l’international et à la francophonie de l’Université d’Ottawa, Sanni Yaya, réagit au rapport paru la semaine dernière (archives).

Photo : Radio-Canada / Marc-André Hamelin

Le vice-recteur à l’international et à la francophonie de l’Université d’Ottawa, Sanni Yaya, réagit au rapport, rendu public la semaine dernière, sur l’état de la francophonie au sein de l’institution. Un rapport qui fait encore réagir.

Dans une lettre ouverte transmise à ICI Ottawa-Gatineau mercredi, M. Yaya reconnaît que bien que certains progrès soient indéniables en matière de francophonie institutionnelle, le rapport issu de ces consultations nous présente un portrait éloigné de nos aspirations.

Comme je l’ai déjà exprimé publiquement, le statu quo n’est pas une option et le message qui ressort de ces consultations ne doit pas être nié, amoindri ou banalisé, écrit-il.

Nommé en 2020 comme premier vice-recteur à l’international et à la francophonie, M. Yaya est à l’origine de ce rapport sur l’état de la francophonie qui a fait grand bruit.

Des consultations menées auprès des étudiants, du personnel et des professeurs ont permis de recueillir plusieurs témoignages saisissants sur le recul du français sur le campus, que ce soit au niveau de l’offre de cours, de la vie au quotidien à l’Université ou du financement de l’enseignement et de la recherche en français. Certains ont même mentionné une francophobie latente au sein de l’Université d’Ottawa.

Un homme pose pour une photo.

Le vice-recteur à l’international et à la francophonie de l’Université d’Ottawa, Sanni Yaya

Photo : Gracieuseté Université d'Ottawa

M. Yaya tente toutefois de nuancer le portrait.

Bien que certains persistent à vouloir nous enfermer dans un compartiment étroit et peu flatteur, le fait est qu’avec 15 000 étudiants francophones (représentant 34 % de notre population étudiante si on inclut les francophiles en immersion) et une offre de plus de 369 programmes entièrement en français, l’Université d’Ottawa reste un acteur incontournable de l’enseignement et de la recherche en français au Canada.

Le vice-recteur à l’international et à la francophonie assure que l’Université a déjà commencé à agir.

De nouveaux chantiers sont déjà en marche, dit-il, comme de nouvelles règles communes et plus mordantes en matière de bilinguisme bientôt mises en place, un travail pour assurer et encourager un meilleur équilibre des deux langues et enfin, de nouvelles modalités de gouvernance et un cadre d’imputabilité plus claire [...] instaurés à brève échéance, incluant une lentille francophone.

Ces mesures doivent favoriser plus d’autonomie et de vigueur à l’avancement de la francophonie, écrit M. Yaya.

Ce dernier a décliné la demande d’entrevue d’ICI Ottawa-Gatineau.

Dans une réponse écrite, l’Université d’Ottawa rappelle toutefois s’être engagée à répondre au rapport.

Don’t speak French? No problem!

Le rapport de la semaine dernière continue de faire réagir la communauté francophone de l’Université.

Dans un éditorial musclé (Nouvelle fenêtre), paru en début de semaine, Aïcha Ducharme-LeBlanc, co-rédactrice en chef du journal étudiant francophone La Rotonde, n’a pas hésité à déboulonner le bilinguisme de l’institution qu’elle considère comme un mythe.

Une femme en entrevue par vidéoconférence.

Aïcha Ducharme-LeBlanc, co-rédactrice en chef du journal étudiant francophone La Rotonde

Photo : Radio-Canada

L'éditorial est vraiment une réflexion du groupe. Disons que je suis la porte-parole pour l'équipe, précise-t-elle en entrevue à ICI Ottawa-Gatineau. [On voulait] faire un peu une parodie des pamphlets qu'on reçoit en tant que finissant du secondaire. J'ai grandi dans la région d'Ottawa et c'est comme un rite de passage que l'Université vienne et présente les opportunités qu'elle offre pour la poursuite d'études en français. C'est comme si on nous vend une salade.

Selon l’étudiante en 4e année en sciences sociales, la réalité est toute autre.

Beaucoup de mes amis, beaucoup de personnes et d'étudiants francophones sur le campus sentent que [...] le français est vu comme un accommodement. On n'est pas sur le même pied d'égalité [...], c'est vu comme quelque chose qu’on est obligé de faire. C'est un fardeau, la francophonie.

Le rapport, ça présente un état précaire de la francophonie, un état qui était, j'ai l'impression, un non-dit. Tout le monde le savait. Je le savais avant d'arriver sur le campus.

Une citation de Aïcha Ducharme-LeBlanc, co-rédactrice en chef du journal étudiant francophone La Rotonde

Ce qu’elle a lu dans le rapport Renouveau de la francophonie à l’Université d’Ottawa : une responsabilité collective ne l’a donc pas surprise.

Elle prend pour exemple le manque d’équivalence des cours offerts en anglais, les professeurs qui ne respectent pas toujours le caractère bilingue de l’institution franco-ontarienne ou encore, le manque d’activités culturelles en français.

Il n'y a même pas un club francophone sur le campus, s’étonne-t-elle. Je sais qu’on essaie de travailler là-dessus, mais c'est tard. L'Université est officiellement bilingue depuis tellement longtemps!

Une publicité de l’Université d’Ottawa visant de futurs étudiants a également retenu son attention. On y indiquait Don’t speak French? No problem!.

Je comprends que c'était pour recruter des étudiants anglophones. Mais quand on est un campus officiellement bilingue et qu’on sait qu'il y a beaucoup moins d'étudiants francophones, est-ce qu'on veut vraiment essayer de faire des efforts pour recruter des personnes qui sont unilingues et qu'on dise qu'il n'y a pas de problème de ne pas parler français? [On pourrait peut-être] encourager l'apprentissage du français quand même.

Le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa n'a toujours pas réagi au rapport sur l'état de la francophonie. Aucun de ses représentants n'était disponible, mercredi, pour répondre à la demande d'entrevue d'ICI Ottawa-Gatineau.

Toutefois, dans une réponse envoyée par courriel, la Commissaire aux affaires francophones du syndicat, Lia Bosquet, indique : Nous apprécions le travail qui a été fait pour générer ce rapport, mais l'Université sera jugée sur ses actions. Les étudiants francophones attendent depuis trop longtemps un soutien, et il est maintenant temps d'agir. Nous sommes impatients de défendre les étudiants francophones et de travailler avec l'administration pour que l'Université d'Ottawa soit à la hauteur de sa réputation d'établissement véritablement bilingue.

Actions concrètes attendues

La co-rédactrice en chef du journal La Rotonde se montre dubitative quant à la réaction de l’Université d’Ottawa à travers la lettre ouverte de M. Yaya.

Pour elle, l’institution réagit parce que ça paraît mal.

Elle juge toutefois le poste de M. Yaya comme essentiel, plaidant pour l’octroi de davantage de ressources au vice-recteur à l’international et à la francophonie.

Une petite équipe pour prendre en charge tout le mandat de la francophonie, ce n'est pas assez, juge Mme Ducharme-LeBlanc.

La Rotonde, comme journal, on est parfois perçus comme des étudiants qui se plaignent trop. Mais il faut lutter. Si on ne parle pas, les gens ne vont pas nous accorder de l'attention. On est obligés.

Une citation de Aïcha Ducharme-LeBlanc, co-rédactrice en chef du journal étudiant francophone, La Rotonde

Elle espère donc des actions concrètes de la part de l’institution postsecondaire, citant une révision de l’offre de cours en français, mais aussi la mise en place d’une formation sur le bilinguisme de l’institution aux professeurs, entre autres.

Beaucoup de professeurs ne le suivent pas. Il y a plusieurs cas, dans notre équipe, d’étudiants francophones qui demandent, par exemple, de soumettre leur travail en français dans un cours en anglais et on le leur refuse. Ou encore, des lectures obligatoires en anglais dans des cours en français. J'avais déjà un cours [en français], ce semestre, où le professeur voulait initialement donner toutes les lectures en anglais, ce n'est pas possible.

À défaut de traitement égalitaire entre la langue de Molière et celle de Shakespeare, François Charbonneau, professeur à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, propose que l'on scinde l'université en deux, avec une université parfaitement viable qui accueillerait environ 15 000 étudiants francophones.

« En ce moment, le problème est que la politique de bilinguisme de l'institution n'est pas respectée. L'atmosphère sur le campus est une atmosphère du tout-à-l'anglais », analyse-t-il.

« Il n'y a pas de droit de regard ni sur les embauches, ni sur le financement ou les dépenses de l'institution. À mon sens, c'est quelque chose de majeur. Il ne faut pas que le fait français soit quelque chose qui soit secondaire. Il faut que l'institution soit pensée comme un lieu de rencontre, dans une réelle égalité », ajoute M. Charbonneau.

Il mentionne des « déséquilibres linguistiques que l'on déplore depuis 20 ans dans l'indifférence totale de l'institution ».

Avec des informations d'Antoine Trépanier

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