Se souvenir pour guérir en cette journée de vérité et réconciliation sur la Côte-Nord

Des danses traditionnelles sont présentées à Mani-utenam en cette journée Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Photo : Radio-Canada / Catherine Paquette
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les cérémonies pour souligner la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ont commencé dès la levée du soleil, jeudi matin, à Mani-utenam. Tout au long de la journée, la programmation sera axée sur la fierté, la culture et la résilience.
L'ouverture protocolaire a eu lieu à 9 h, avec des prises de parole des différents membres de la communauté. De 18 h à 20 h, un spectacle sera présenté sur la scène du site de Mani-utenam et diffusé simultanément en direct sur la page Facebook du festival. De 20 h à 21 h, une émission spéciale de CBC–APTN–Radio-Canada sera présentée sur les écrans géants du site et sur les plateformes numériques du conseil de bande.
L'événement a lieu sur le site où était construit le pensionnat Notre-Dame de Sept-Îles, démoli il y a près de 50 ans.

Cette première Journée nationale de vérité et de réconciliation se déroule sur l'ancien pensionnat autochtone à Maliotenam.
Photo : Radio-Canada / Félix Lebel
Jean-Claude Therrien-Pinette, directeur de cabinet pour le chef de la communauté d'Uashat mak Mani-utenam, est l'un des organisateurs de l'événement. Il souhaite donner la parole aujourd'hui aux survivants pour que leur histoire ne soit plus jamais oubliée.

Jean-Claude Therrien-Pinette (archives)
Photo : Radio-Canada / Djavan Habel-Thurton
Honorer aujourd'hui la mémoire de tous ceux qui ne sont jamais revenus à la maison, de tous ceux qui sont revenus aussi avec des blessures, et s'honorer soi-même aussi, et nos enfants.
Le ministre responsable des Affaires autochtones du Québec, Ian Lafrenière, était aussi sur place. Aujourd'hui, c'est un devoir de mémoire
, a affirmé le ministre. Je suis heureux de vous dire que ce soir, l'Assemblée nationale va être illuminée d'orange, c'est un message très fort qu'on fait à nos collègues des Premières Nations pour vivre ce moment-là ensemble aujourd'hui
.

Les membres de la communauté ont eu droit à un spectacle.
Photo : Radio-Canada / Daniel Fontaine
Françoise Fontaine, une ex-pensionnaire de Mani-Utenam présente à la cérémonie, explique ne pas avoir beaucoup dormi la nuit dernière. Je me réveillais toutes les heures, et j’ai revu toutes les choses que j’ai subies au pensionnat, les agressions, la violence, surtout qu’on m’a imposé une culture qui n’était pas la mienne
, confie Françoise Fontaine.

En 1966, Françoise Fontaine-McKenzie avait cinq ans lorsqu'elle est entrée au pensionnat de Mani-utenam. Elle y a résidé trois ans.
Photo : Radio-Canada / Marie Kirouac
Je suis déçue que [François Legault] ne reconnaisse pas le racisme systémique, ça vient me chercher et je vis de la colère.
L’ex-pensionnaire se dit déçue que le premier ministre François Legault n'ait pas pris part aux cérémonies d'aujourd'hui et qu’il refuse d’admettre qu’il y a du racisme systémique au Québec .Pourquoi ne veut-il pas admettre qu’il y en a? Parce qu’il y en a, j’en ai subi à l’hôpital de Sept-Îles.
Se rappeler pour guérir
Jean-Claude Therrien-Pinette explique qu'il est le survivant d'une survivante, puisque sa mère a fréquenté un pensionnat pour Autochtones. Moi, j'ai vécu les conséquences des traumatismes à travers ma mère, qui, malheureusement, à l'âge de 7 ans, en 1952, a été brisée ici, à Maliotenam
, raconte-t-il.
Pour ses enfants, l'organisateur souhaite arrêter le cycle de traumatisme et éviter de le passer à la prochaine génération.
Une équipe spirituelle sera sur place tout au long de la journée autour d'un feu pour permettre aux gens de se recueillir et faire face aux souvenirs qui pourraient ressurgir.
Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, qui soulignera cette journée à Montréal, est aussi d'avis que cette première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation revêt une importance particulière pour les survivants des pensionnats.

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard (archives)
Photo : Radio-Canada
Avant même de parvenir à la réconciliation qui soit complète à la hauteur des atrocités qu'ont vécues les peuples autochtones, il faut passer par la vérité. J'oserais dire qu'on est rendu à cette étape charnière, parce qu'il y en a encore aujourd'hui qui la nient.
Ghislain Picard se désole que plusieurs aînés aujourd'hui décédés n'aient pas pu assister à cette première journée de réconciliation, puisque cela aura pris des décennies avant d'instaurer cette journée.
Selon Naomi Fontaine, auteure d'Uashat Mak Mani-utenam, il est important que les gens se rassemblent pour souligner cette journée. Parce que ça se fait individuellement, mais aussi communautairement
, expose l'auteure.

Naomi Fontaine souligne l'importance de vivre cette guérison collectivement (archives).
Photo : Radio-Canada / Hamza Abouelouafaa
Journée de dialogue avec les allochtones
Jean-Claude Therrien-Pinette souhaite que cette journée soit également un espace de dialogue avec les Québécois et les Canadiens, qui réalisent que des choses horribles se sont passées
.
Je ne crois pas que les Premières Nations recherchent la pitié aujourd'hui
, indique Jean-Claude Therrien-Pinette. On ne cherche par à culpabiliser personne; il faut prendre le temps de trouver les moyens de réfléchir
, poursuit l'organisateur.
Naomi Fontaine ajoute que la sensibilité et l'ouverture des allochtones sont essentielles dans ce processus.
En raison des mesures sanitaires, un maximum de 500 personnes pourra se retrouver à la fois sur le site à Mani-utenam.
Avec les informations de Catherine Paquette, Bis Petitpas, Félix Lebel et Djavan Habel-Thurton