L’apprentissage du français rendu « difficile » par la pandémie

Ilian Marsaud constate que son aisance en français a diminué pendant la pandémie.
Photo : Ilian Marsaud
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Alors que les Franco-Ontariens célèbrent leur journée ce samedi et que les institutions reconnaissent que l'année a été difficile pour le français en Ontario à bien des égards, force est de constater que pour les francophiles et pour ceux qui apprennent le français comme langue seconde, la pandémie a aussi entraîné quelques reculs.
Pour Ilian Marsaud, élève de 7e année au programme d’immersion d’une école anglophone torontoise, la pandémie a eu un effet négatif sur l'apprentissage du français.
La majorité de ma journée, c’était en anglais et donc comme je n’étais pas challengé, [mon aisance en français] a vraiment diminué
, raconte-t-il.
Avec la COVID-19 et le passage aux cours en ligne, lui et sa classe ont d’abord été privés d'enseignant de français, puis quand l’enseignement du français a repris, les occasions de pratiquer la langue ont diminué.
C’était beaucoup plus individuel, c’était plus : ''il nous dit quoi faire et on le fait'' et donc on ne parlait pas vraiment
, raconte le jeune, du haut de ses 12 ans. Après des mois loin de ses camarades, il dit aussi avoir constaté une différence dans le niveau de langue lors de la rentrée de cette année.
« J’ai un camarade dans mon bus et avant la COVID, on parlait et il parlait très bien. Maintenant, des fois, il doit changer à l’anglais donc oui, ça a vraiment baissé entre nous. »
Et les enseignants aussi, remarquent une différence depuis le début de la pandémie, et surtout après plusieurs mois loin des salles de classe.
Apprentissage des langues difficile en temps de pandémie
On était à l’école, à la maison, à l’école, à la maison… C’était difficile d’avoir la structure où on peut les encourager à parler en français
, se souvient Steve Massa, enseignant en école d’immersion pour le conseil scolaire public anglais de Toronto.
« À l’école, il y a les camarades, ils peuvent bavarder en français, et à la maison, peut-être que c’est juste eux qui parlent français, ou qui apprennent à parler français. »
Danielle Takoff, enseignante au programme d’immersion au conseil scolaire public d'Ottawa-Carleton, a par ailleurs remarqué un plus grand écart de niveau entre ses nouveaux élèves de 7e année.
Les élèves qui ont une plus grande affinité avec la langue ont bien compris en ligne avec moins de supervision
, dit-elle.
Ils ont pu faire les travaux, ils ont utilisé les outils demandés tandis que d’autres qui sont moins indépendants n’ont pas saisi et maîtrisé ces apprentissages et n’ont peut-être pas développé plus de vocabulaire à cause de leur plus faible motivation avec l’apprentissage de la langue.
« Toute la situation d’apprentissage en ligne, apprendre avec les masques, apprendre en rangs, a un plus grand impact sur les élèves qui sont peut-être moins motivés. »
Et malgré le retour en classe, certains défis persistent, soulignent les deux enseignants, notamment à cause du port du masque.
Être enseignant de langue française oui, c’est moitié l’écriture, la lecture et tout ça, mais c’est quelque chose de visuel. Tu peux m’écouter, absolument, mais il faut aussi me voir
, assure Steve Massa.
L’importance des gens bilingues et francophiles pour la francophonie
Même si les professeurs estiment que ces retards sont rattrapables pour la plupart, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) estime que ces problèmes viennent prouver jusqu’à quel point nos écoles jouent un grand rôle dans l'apprentissage du français des jeunes
.
Carol Jolin rappelle également l’importance des personnes bilingues et francophiles pour la vitalité du français dans la province.
« Si on veut moderniser la Loi sur les services en français et obtenir davantage de services, ça nous prend des gens qui sont capables de donner ces services-là. »
Il ajoute que si l’on compte quelque 644 000 Franco-Ontariens, globalement, environ un million et demi de personnes parlent le français en Ontario.
Enfin, la pandémie a, certes, créé de nouveaux défis pour l’éducation francophone en Ontario, mais M. Jolin note que la pénurie d’enseignants francophones menace toujours, et depuis longtemps, l’avenir du français dans les écoles ontariennes.