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Mort en détention : une famille en quête de réponses

Danny Robinson, dehors.

Danny Robinson, père de deux enfants, est mort le 30 août à l'âge de 50 ans.

Photo : Facebook / Marilyn Hayward

Danny Robinson est mort à l’hôpital, six jours après avoir été plongé dans le coma à la suite d'une confrontation avec le personnel du centre de détention provisoire d’Edmonton. Trois semaines plus tard, ses proches sont toujours sans réponses quant à la cause exacte de son décès et l’origine des ecchymoses et coupures sur son corps.

Avertissement : cet article contient des images et des détails que certains lecteurs pourraient trouver perturbants.

Le 30 août Marilyn Hayward a dû prendre une décision déchirante, celle de débrancher son fils des machines qui le maintenaient en vie.

Celui-ci reposait aux soins intensifs de l’Hôpital Royal Alexandra. Il ne réagissait pas aux stimuli depuis des jours.

Son activité cérébrale était presque nulle. Sa voix tremble lorsqu’elle décrit le visage tuméfié de son fils et les marques sur ses poignets.

Gros plan des blessures.

L'oeil de Danny Robinson était enflé. Il avait également une ecchymose sur le front.

Photo : Mike Robinson

Gros plan de l'oreille blessée.

L'oreille de Danny Robinson était noire, « presque grise », dans les mots de sa mère.

Photo : Mike Robinson

Gros plan sur une blessure au poignet.

Danny Robinson portait des marques sur l'extérieur de ses poignets.

Photo : Mike Robinson

Cette vision la hante toujours. Elle se demande encore comment tout cela est arrivé.

Perdre un enfant, c’est horrible, bien sûr, mais quand tu ne sais pas comment il est mort... commence-t-elle, sans parvenir à finir sa phrase.

Danny Robinson, père de deux garçons, est mort à l’âge de 50 ans.

Son cœur s’est arrêté et son cerveau a été privé d’oxygène pendant plus de 20 minutes : c’est la seule explication officielle que la famille a obtenue.

Contravention impayée

La dernière fois que Marilyn Hayward a parlé à son fils aîné, il venait de se faire arrêter lors d’un contrôle routier, en raison d’une amende impayée. Il avait écopé de celle-ci en 2019 pour avoir conduit sans assurance.

Il était à l'arrière d'une voiture de police, en route vers le centre de détention provisoire d’Edmonton. Tout avait l’air calme, dit-elle.

Comme sa mère habite en Ontario, c’est le frère cadet de Dany, Mike Robinson, qui est allé déposer l’argent pour payer la contravention.

Ils m’ont dit que le Remand [NDLR : centre de détention provisoire] recevrait l'argent dans 30 minutes, dit-il.

Des heures sans nouvelles

Pourtant les heures passent, sans nouvelles. Marilyn Hayward s’inquiète. Elle tente d’appeler le centre de détention en soirée, mais sans succès. Elle rappelle le lendemain, mais n’obtient aucune information.

On m’a dit qu’on ne pouvait pas légalement me dire ce qui se passait. Mon fils est à l’hôpital en train de mourir, et ils ne pouvaient pas me le dire?

Une citation de Marilyn Hayward, mère de Danny Robinson

Elle rappelle, insiste, on la réfère à quelqu’un d’autre. On m’a dit : Danny a été transporté à l’hôpital. Il a refusé de mettre un masque. Il est devenu confrontationnel. Nous avons dû le maîtriser avec de la sédation, récite-t-elle.

Radio-Canada a tenté de corroborer ces informations auprès du ministère de la Justice. Une porte-parole a confirmé qu’un incident avait eu lieu et qu’aucun autre détenu n’avait été impliqué, sans plus.

Les détails à propos de la séquence des événements et des tactiques employées par les agents correctionnels font présentement l’objet d’une enquête interne complète, a précisé un autre porte-parole par courriel.

La famille de Danny Robinson est perplexe. Selon sa mère, il mettait un masque chaque fois qu'il travaillait.

Marilyn Hayward, le regard triste.

Marilyn Hayward affirme que ni les policiers ni le personnel du service correctionnel ne lui ont expliqué les blessures au visage de son fils.

Photo : CBC / Dave Bajer

Le Service de police d’Edmonton, qui a enquêté sur l’incident, a confirmé la confrontation.

Services de santé Alberta a confirmé pour sa part qu’une ambulance a été envoyée environ 12 heures avant que Marilyn Hayward ne soit mise au courant de la situation.

Des blessures et un arrêt cardiaque inexpliqués

Le médecin de Danny Robinson explique à Marilyn Hayward que la situation est grave: le cerveau de son fils a été privé d’oxygène pendant au moins 21 minutes.

À l’hôpital, le personnel tente de préparer la famille à ce qu’elle va voir.

Danny Robinson a beaucoup de tubes et de machines accrochés à lui. Il a aussi — prévient-on pour la première fois — des ecchymoses à la tête et au visage.

Pour Marilyn Hayward, c'est le choc. Je m’attendais à voir un oeil au beurre noir peut-être, mais pas ça, raconte-t-elle, la voix tremblante. Son front, son oeil… tout était meurtri. Son oreille, elle n’était pas juste bleue et noire, mais presque grise.

Danny Robinson coiffé d'un chapeau avec de grandes cornes sourit dans un restaurant.

Danny Robinson avait récemment repris des études en affaires au collège CDI. Selon sa mère, dit il avait au moins deux contrats de prévus prochainement dans le domaine pétrolier.

Photo : Facebook / Marilyn Hayward

Selon Marilyn Hayward, le médecin de son fils a mentionné à au moins deux reprises qu’il croyait que le sédatif midazolam avait quelque chose à voir avec son cas.

Radio-Canada a tenté de corroborer ces informations auprès du ministère de la Justice, qui n’a pas répondu à la question.

À ce stade, les détails sur la manière et la cause du décès sont sujets à la Loi sur l'accès à l’information et la protection de la vie privée et ne peuvent pas être publiquement divulgués, mais ils seraient disponibles au plus proche parent, a répondu un porte-parole par courriel.

Pas de cause criminelle, d’après la police

L’incident a été déclaré à la police le 27 août. Une enquête a été menée et conclue en moins de deux semaines.

Une autopsie pratiquée le 7 septembre a permis de déterminer que cette mort était non criminelle, indique la porte-parole de la police d'Edmonton, Cheryl Voordenhout.

Ce n’est clairement pas assez, juge l’avocat criminaliste Tom Engel.

Selon lui, les enquêteurs devraient, au minimum, expliquer à la famille les circonstances de la confrontation et leur donner une cause de décès.

Les familles veulent désespérément ce genre d'informations. La bonne chose à faire est de leur donner. Sinon ça ne fait que prolonger leur agonie.

Une citation de Tom Engel, avocat criminaliste à Edmonton

Me Pierre Tabas, avocat spécialisé en droit correctionnel au Québec, croit aussi que la jurisprudence et les principes appliqués dans tout le pays obligent les autorités à communiquer le plus d’informations possible et disponibles sans compromettre la sécurité de l’établissement ou des individus qui y sont détenus.

Il ne voit aucune raison légale de donner si peu d'informations à la famille.

Le ministère de la Justice n’a pas répondu aux relances de Radio-Canada à ce sujet.

La courte durée des démarches policières pour déterminer si la mort était criminelle laisse par ailleurs Tom Engel sceptique.

Dans un cas comme celui-ci, il se serait attendu à ce que les témoins soient questionnés, y compris les agents correctionnels, les détenus et le personnel médical qui est intervenu.

Les vidéos de surveillance de l’établissement auraient également dû être visionnées et le rapport d’événement rédigé par le personnel examiné. Selon lui, ces démarches prennent habituellement beaucoup de temps.

Il souligne aussi que le rapport de toxicologie qui a dû être commandé en même temps que l’autopsie prend normalement des semaines, voire des mois à arriver.

Un dédale administratif difficile à naviguer

En tant que parente la plus proche, Marilyn Hayward devrait pouvoir accéder au rapport d’autopsie et à la vidéo de surveillance du centre de détention provisoire d’Edmonton.

Cependant, elle attend encore les papiers dont elle a besoin pour entamer son application en vertu de la Loi sur l'accès à l’information et la protection de la vie privée

Je ne peux pas décrire cette douleur. Si j’avais eu un appel pour dire que Danny avait eu un accident ou une crise cardiaque [...] je serais en train d’essayer de vivre avec sa mort. Mais là, je dois aussi essayer de vivre [sans savoir] comment il est mort.

Une citation de Marilyn Hayward, mère de Danny Robinson

C’est tellement frustrant de devoir attendre des mois pour des réponses, dit quand à lui Mike Robinson qui peine à contenir sa colère.

L’affaire est maintenant entre les mains du ministère de la Justice. Cet incident est pris très au sérieux et une enquête interne complète, menée par un conseil d’enquête, est actuellement en cours, signale Dan Laville, un porte-parole du ministère de la Justice.

Comme toutes les morts en détention, celle de Danny Robinson fera aussi l’objet d’une enquête sur un décès, un processus indépendant et public.

Toutefois, en raison importants retards, la famille de Danny Robinson a été avisée que cela pourrait prendre quatre ou cinq ans avec de commencer.

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