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Recrutement de travailleurs étrangers : des dérives « inacceptables », admet Québec

Les oppositions accusent le gouvernement Legault d’avoir ouvert la porte à des abus visant les travailleurs étrangers temporaires, de plus en plus nombreux au Québec, en assouplissant les règles d’embauche sans se soucier d’un encadrement optimal.

Jean Boulet répond à un journaliste.

Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, déplore certaines dérives dans le programme des travailleurs étrangers temporaires, mais assure que son gouvernement agit pour sanctionner les entreprises fautives.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

« C’est inacceptable, c’est intolérable », affirme Jean Boulet, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. En entrevue à Radio-Canada, il ne mâche pas ses mots contre les entreprises québécoises, les intermédiaires et les agences de recrutement qui abusent de « pratiques qui sont illégales ».

La semaine dernière, nous révélions la face sombre du recrutement de multiples travailleurs étrangers temporaires au Québec. Pour faire face à l’importante pénurie de main-d'œuvre, de nombreuses entreprises ont décidé de s’orienter vers le marché international afin de recruter des employés étrangers pour des postes peu qualifiés, notamment dans le milieu manufacturier.

Promesses utopiques d’immigration, contrats non respectés, frais exorbitants réclamés : des employés, des témoins et des experts nous ont confié leurs inquiétudes, craintes et angoisses, alors que le nombre de travailleurs étrangers temporaires présents au Québec a doublé en quelques années. On en comptait, en 2020, près de 33 000.

La majorité des entreprises québécoises sont respectueuses, nuance le ministre Jean Boulet. Mais des personnes vulnérables sont abusées et font l’objet de traitements inéquitables, admet-il.

« On s’assure que ces gens sont bien informés. Ils ont les mêmes droits et obligations que les travailleurs québécois. »

— Une citation de  Jean Boulet, ministre du Travail

Les oppositions à l’Assemblée nationale ne partagent pas cet avis.

Selon le Parti libéral du Québec (PLQ), le gouvernement caquiste n’a pas encore compris l’ampleur du scandale.

Pour moi, ce sont de belles paroles. Ce qui est très clair, c’est qu’il y a des histoires d’horreur. Et il fallait s’y attendre. Le gouvernement a tout fait pour augmenter le nombre de travailleurs étrangers temporaires, mais il n’a pas pensé à les accompagner et les aider, juge Monsef Derraji, porte-parole libéral en matière de travail et d’emploi.

« Il y a absolument un ménage à faire très rapidement avant qu’il ne soit trop tard. J’ai peur pour la réputation du Québec. »

— Une citation de  Monsef Derraji, député du PLQ
Plan moyen de M. Derraji en plein débat.

Monsef Derraji, député libéral de Nelligan, dénonce les « belles paroles » et le manque d'actions du gouvernement Legault.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Il faut beaucoup plus d’enquêtes pour s’assurer de l’intégrité de notre système d’immigration et punir les entreprises et intermédiaires fautifs, ajoute le député de Québec solidaire (QS), Andrés Fontecilla.

À ses yeux, une commission publique devrait voir le jour. Étant donné l’ampleur qu’a prise l’immigration temporaire et les nombreuses preuves d’abus qui se multiplient, il faudrait peut-être se faire une idée globale sur ce phénomène qui est amené à prendre de l’ampleur au Québec, croit l'élu montréalais.

« Ça devient de plus en plus un business pour toutes sortes d’intermédiaires pas très scrupuleux. »

— Une citation de  Andrés Fontecilla, député de QS

Des sanctions prévues, prévient Québec

Le gouvernement Legault se défend de faire preuve de mollesse dans ce dossier.

Selon Jean Boulet, près de 300 activités de vérification ont été menées l’an passé auprès des agences, et quasiment autant auprès des employeurs.

Une escouade d’enquêteurs a également été créée, soutient-il. Un règlement, encadrant les activités des agences de recrutement, est aussi entré en vigueur au début 2020, rappelle-t-il.

Ces vérifications, réalisées avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ont permis d’identifier plusieurs non-conformités, comme le non-paiement des jours fériés, des congés, des vacances [ou] la majoration du temps supplémentaire, détaille Jean Boulet.

« Oui, il y a des activités de surveillance. Oui, on corrige le tir. »

— Une citation de  Jean Boulet, ministre du Travail

S'il y a des frais illégalement réclamés, il faut qu’il y ait des dénonciations, soutient le ministre du Travail. Même les agences et les entreprises faisant affaire avec des intermédiaires basés à l’étranger ne sont pas à l’abri de sanctions, souligne-t-il.

Une firme québécoise pourrait être tenue responsable des agissements frauduleux et illicites d’un intermédiaire. Elle s’expose aux mêmes amendes, sanctions et conséquences, soutient Jean Boulet.

Des interventions en espagnol

Pour assurer le respect des droits des travailleurs étrangers temporaires, différentes interventions sont menées, explique le cabinet du ministre Jean Boulet. Il y a un comité tactique sur les agences de placement de personnel et le travail au noir, avec des représentants de la CNESST, Revenu Québec, le MTESS et la Sûreté du Québec. Une quinzaine d’inspecteurs à la CNESSTs’occupent de toutes vérifications en lien avec les agences, et une escouade formée de six agents en prévention propose depuis l’an passé des séances d’information en espagnol concernant les droits des travailleurs. Cette année, plus de 150 ateliers ont été offerts dans près de 140 établissements, mentionne-t-on.

Gros plan de François Legault.

François Legault a réclamé auprès de Justin Trudeau le rapatriement à Québec du dossier des travailleurs étrangers temporaires, mais il n'a jamais obtenu gain de cause.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Un rapatriement toujours espéré

En arrivant au Québec, ces travailleurs étrangers temporaires détiennent un permis fermé. Ils sont liés à leur entreprise pour la durée du contrat, qui varie de deux à trois ans.

À plusieurs reprises, le Parti québécois a dénoncé cette rigidité. La députée Méganne Perry Mélançon souhaite que ces travailleurs soient rattachés à un bassin régional, plutôt qu’à un employeur unique.

Québec solidaire abonde dans le même sens. Je suis convaincu que le permis de travail fermé ouvre la porte à toutes sortes d’abus, renchérit Andrés Fontecilla.

Qu’en pense Jean Boulet? Je n’ai pas de position là-dessus, dit-il, sans fermer la porte. Si un travailleur étranger temporaire se trouve dans une impasse, il faut certainement éviter que le système ne le pénalise.

Mais ce sujet n’a pas été abordé avec Ottawa, qui codirige ce programme d’immigration, explique M. Boulet. Québec souhaite en obtenir les pleins pouvoirs, mais le gouvernement Legault se heurte, depuis son élection, au refus de l’équipe de Justin Trudeau.

Jean Boulet, qui veut poursuivre le dialogue pour un éventuel rapatriement, se dit néanmoins fier des assouplissements annoncés au début d'août avec le gouvernement fédéral. Les entreprises québécoises peuvent désormais embaucher jusqu’à 20 % de travailleurs étrangers temporaires dans des postes à bas salaire. La limite était fixée à 10 %.

Cette mesure ne contredit-elle pas la position de François Legault? Ce dernier avait déclaré au début de mai, devant des chefs d’entreprise, avoir un problème avec les immigrants touchant moins de 56 000 $ par an.

Je ne ferai pas trop de commentaires là-dessus, répond le ministre Boulet, visiblement gêné.

C’est important pour nous d'accroître le PIB, d'accroître la richesse collective au Québec, précise-t-il. L’important, c’est que ce sont des personnes qualifiées qui répondent bien à nos besoins.

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