Patrick Watson clôt le FIJM sur un point d’orgue

Patrick Watson au FIJM 2021
Photo : FIJM / Victor Diaz Lamich
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
D’une sublime beauté, d’un grand réconfort et d’une générosité proche de la munificence : le spectacle de Patrick Watson a été, dimanche, le point d’orgue de la plus curieuse des 41 présentations du Festival international de jazz de Montréal (FIJM). Et peut-être celle dont nous avions le plus besoin…
Musicalement, la beauté sonore, musicale et mélodique sont toujours au rendez-vous avec Watson qui, à l’instar de tous ses collègues vus aux Francos et au FIJM depuis une dizaine de jours, était fou de joie de se produire sur scène devant une foule de 2500 personnes.
On l’a saisi d’entrée de jeu – même avant que Watson et ses collègues n’arrivent sur les planches – quand une procession de vélos illuminés est venue déambuler sur la place des Festivals. L’enchaînement (piano-voix) de Lost With You s’est ensuite fait tout en douceur, avant que Mishka Stein (basse) et Andrew Barr (batterie, percussions) se joignent à Watson. Déjà, on voulait s’élever vers le ciel étoilé.
Le groupe s’est étoffé avec l’arrivée des chanteuses Kyla Carter et Ariel Engle (La Force) et du quatuor Cobalt (Guillaume Villeneuve, Diane Bayard, Benjamin Rota, François Leclerc) dont la touche sensible et les pizzicatos précis ont coloré une version étonnante de Big Bird in a Small Cage.
La sublime Slip Into Your Skin a exactement fait ça, elle nous est entrée dans les pores, mettant la table pour une interprétation de The Wave à donner des frissons, où la voix si particulière de Watson et de ses choristes nous ont transportés loin de nos tracas quotidiens.
Watson a ensuite chanté en trio (Melody Noir) au point de créer une intimité digne du Club Soda, ou en s’éclatant avec tous les artistes dans une fabuleuse et tonique explosion musicale (A Mermaid In Lisbon).
Durant The Great Escape, Watson a cédé tout l'espace et le centre de la place des Festivals aux danseurs des Ballets jazz de Montréal, Shanna Irwin et Marcel Mejia, qui ont livré une chorégraphique sensuelle, amoureuse et athlétique au possible. Une manière étonnante d’apprécier la chanson tirée du classique Close to Paradise.
Beauté, donc, dans le fond et dans la forme. Seule rupture stylistique, dirons-nous, l’apparition de lasers durant la vivifiante Turn Into the Noise. Remarquez, ce n’est pas si étonnant quand on sait que la chanson est tirée de l’album Love Songs For Robots, mais ça jurait un peu dans le décor des petites ampoules jaunes.
Watson et ses collègues ont poursuivi jusqu’à conclure avec une version belle et intense de Here Comes The River. C’est durant les applaudissements nourris et l’ovation monstre que j’ai réalisé qu’il était déjà 23 h 06. Sacrilège! Watson a dépassé le couvre-feu de six minutes… Que va-t-il se passer pour Lighthouse, prévue au rappel?
Tout s’est passé comme prévu, finalement. Le pianiste est revenu sur scène et il a expliqué aux festivaliers la suite des choses.
Écoutez, je n’ai plus le droit de jouer à cette heure, mais on va le faire. Juste piano-voix. Et éteignez les lumières!
Watson a commencé à interpréter la douce chanson avec de la lumière sur scène, mais elle s’est amenuisée peu à peu, au moment où les deux écrans géants se sont éteints. Et lorsque Watson en était à ses dernières notes, quand il était dans le noir total, on l’a entendu dire : Bonsoir tout le monde. Ne faites pas de bruit, ou ils vont me tuer.
Et le plus étrange des Festivals de jazz jamais vu s’est terminé sans une ultime ovation après la dernière note.
Impériale Charlotte Day Wilson
Une voix aussi pénétrante que céleste, une sensualité doublée d’une langueur qui lui va à ravir, des chansons de mouture R&B et soul mâtinées de jazz : Charlotte Day Wilson a proposé quelques moments d’éternité, samedi soir, en clôture, sur la place des Festivals.
Selon les besoins, la Torontoise multi-instrumentiste a offert ses compositions au piano (la majorité d’entre elles), à la guitare (Find You) ou au saxophone (Changes). Elle a interprété plusieurs compositions de son récent disque (Alpha) et quelques morceaux choisis qu’elle a produits depuis le milieu des années 2010, notamment Stone Woman (aérienne) et Work, chaudement acclamée, qui l’a révélée.
Si, sur la forme, le concert est plutôt statique, le fond est hautement émouvant, comme la voix de la chanteuse. Cette émotivité atteint parfois le nirvana (Mountains, Falling Appart) quand les voix de Charlotte Day Wilson et de son formidable trio de choristes se fusionnent. Un grand moment musical de partage.
Shay Lia
Vedette montante de la scène R&B, la Montréalaise d’adoption Shay Lia (Shanice Dileita Mohamed) a eu droit à un parterre fougueux, deux heures avant Charlotte Day Wilson.
La jeune femme a de la présence sur scène et une aisance à danser. Quelque chose comme de la graine de Beyoncé, tant dans l’attitude que dans la gestuelle. Avec un trio de musiciens (basse, claviers, batterie), elle a enchaîné ses chansons, dont Chances, du Montréalais Kaytranada, qui a eu droit à un bel accueil.
Parfois, la voix de celle qui nous explique avoir été inspirée par Stevie Wonder semble être un peu perdue dans le mix, mais elle s’en sort plus qu’honorablement devant un public qui salue son audace et sa jeunesse.
Mais il s’est quand même passé un truc curieux. Née en France, élevée à Djibouti (Afrique francophone), la chanteuse qui a salué ses parents en direct sur YouTube avec un éclatant Maman, papa, je vous aime!
ne s’est jamais adressée à la foule en français durant une heure.
C’est d’autant plus étonnant qu’elle vit à Montréal depuis bientôt 10 ans et qu’elle a accordé une entrevue en français au collègue Pierre Landry après sa prestation, pour les besoins de la chaîne YouTube du FIJM.
Même pas un Bonsoir Montréal!
? Comprends pas. Mettons ça sur l’inexpérience.
La fête avec The Brooks
The Brooks, meilleur groupe de funk à Montréal? Y a-t-il vraiment concurrence? Visiblement pas à la lumière de la prestation offerte vendredi soir au parterre symphonique. Le groupe s’est offert un festin qui avait tout du régal pour la foule nombreuse.
Avec Play the Part, qui semble toujours sortie d’un disque de James Brown, Mama, Never Tought, Where the Party At et Funklife, le collectif a fait danser le public avec des chansons et des musiques qui évoquaient tous les grands du passé du funk et de la soul.
Le charismatique chanteur et tromboniste Alan Prater semblait parfois avoir du mal à croire qu’il était là (comme nous). L’énergie, les solos de trompette et de saxophone, les rythmes galopants ou lascifs : l’intensité et le plaisir n’ont pas cessé durant plus d’une heure.