Élections fédérales : débattre pour donner une place à la culture
Animé par Catherine Perrin, le débat regroupait les représentants des cinq partis fédéraux principaux.

La culture ne fait pas la manchette durant la campagne électorale.
Photo : getty images/istockphoto / PinkBadger
La culture, si présente durant la pandémie, l’est moins dans les débats de l’actuelle campagne électorale fédérale. C’est pour cela que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC) et le Département de communication de l’Université de Montréal ont organisé, le 13 septembre, un débat sur les enjeux culturels avec des représentants des cinq partis politiques principaux.
Ces organisations voulaient que la culture soit mise de l’avant. La culture, ce n’est pas juste de l’argent, c’est ce qui fait la cohésion d’une société. On en a besoin, particulièrement nous, le petit village gaulois francophone en Amérique du Nord, ainsi que les Autochtones
, a expliqué Alain Saulnier, professeur à l’Université de Montréal et coorganisateur du débat, à Catherine Richer, chroniqueuse culturelle du 15-18.
Alain Saulnier se désole du peu d’intérêt pour la culture dans cette campagne électorale. Notre espoir est que ça ne meurt pas [en cette fin] de campagne. Il faudrait que, jusqu’au 20 [septembre, date des élections], on parle encore de culture. J’aimerais entendre les gens parler davantage de Radio-Canada, de l’Office national du film, de l’assurance-emploi, de droits d’auteur, car ce sont des dossiers tellement importants.
Les points essentiels abordés
Animé par Catherine Perrin, le débat regroupait Mathieu Goyette (Parti vert), Steven Guilbeault (Parti libéral), Steve Shanahan (Parti conservateur), Martin Champoux (Bloc québécois) et Alexandre Boulerice (Nouveau Parti démocratique).
Les principaux points abordés étaient la sortie de la crise liée à la pandémie, la rémunération des artistes, les géants du web, le rôle des institutions culturelles, le contenu autochtone et francophone, ainsi que la Loi sur le droit d’auteur et la radiodiffusion. Des points qui représentent l’ensemble des préoccupations du milieu culturel.
L’un de ses points a fait l’unanimité : le fait que les artistes ont besoin de l’aide gouvernementale pour sortir de la crise engendrée par la pandémie.
« Tous les partis reconnaissent que les travailleurs autonomes, c’est le cas de la majorité des artistes, n’ont pas droit à un salaire décent et minimum lorsqu’ils n’ont pas d’emploi. La pandémie a fait en sorte que des milliers de personnes ont perdu leur emploi et ont été obligées de se réorienter. Le fait qu’on veuille s’attaquer au régime de l’assurance-emploi m'apparaît une très bonne chose. Il y a une ouverture manifeste. »
Les candidats ont aussi parlé du projet de loi C-10, qui devait réformer la Loi sur la radiodiffusion et donnait au CRTC le pouvoir de soumettre les diffuseurs numériques (YouTube, TikTok, Facebook, etc.) aux mêmes règles que les diffuseurs traditionnels. Un projet de loi qui est mort au feuilleton en raison du déclenchement des élections fédérales.
Tout le monde a reproché aux conservateurs d’avoir torpillé ce projet de loi et aux libéraux d’avoir déclenché des élections. Tout le monde a des vœux pieux, mais dans les faits, j’ai hâte de voir le résultat des élections, mais aussi des programmes qui seront mis en place. Tout est à recommencer, on vient de perdre une année complète
, indique Alain Saulnier.
Il ajoute qu’une réforme de la Loi sur la radiodiffusion est attendue depuis 1991. Il faut encore reporter d’une autre année l’adoption d’une nouvelle loi qui va être en mesure de corriger le fait qu’on vient de vivre la transition numérique, mais on la vit en retard. Ça fait des années qu’on aurait dû commencer à y travailler et mettre au pas les géants numériques pour qu’ils soient sur un même pied d’égalité que les entreprises canadiennes.
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L’importance économique de la culture
L’objectif était aussi de montrer que la culture était un vecteur économique. La CDEC a rappelé par voie de communiqué que le PIB de la culture excédait les 57 milliards de dollars en 2019, soit 2,7 % du PIB canadien, et employait en 2018 plus de 655 000 personnes, situant la culture loin devant les secteurs de l’agriculture, de l’extraction des ressources naturelles, du pétrole et du gaz naturel, des services publics ou de l’automobile.
La culture n’a jamais eu une place importante au sein des débats électoraux, aussi bien celui-ci que les précédents. On oublie que la culture occupe une place excessivement intéressante. Je ne comprends pas pourquoi on ne l’aborde pas, d’autant plus que la pandémie nous a fait la démonstration que les gens de la culture se sont appauvris pendant que les géants du numérique se sont enrichis. C’est complètement scandaleux
, pense Alain Saulnier, en citant les chiffres.
« Les gens devraient revenir à ce qui leur a permis de passer au travers de la dernière année. Ce qui leur a donné de l’espoir et les a rendus heureux. On s’est beaucoup appuyés sur la culture, mais la culture, c’est financier. Il faut investir. C’est un investissement dans le bonheur, le mieux-être des gens et l’économie. Il n’y a pas beaucoup de dossiers qui réussissent à rallier tous ces aspects. »
Inquiétude sur le droit d’auteur
La rémunération des auteurs et autrices est aussi sur la sellette, notamment depuis qu’en 2012, le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur le droit d’auteur pour ajouter des exceptions.
Dans une lettre ouverte, signée par Copibec, l’Union des écrivaines et écrivains québécois, l’Association nationale des éditeurs de livres, le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, l’Association des journalistes indépendants du Québec, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), la Société de développement des périodiques culturels québécois, les hebdos et les quotidiens du Québec, on dénonce les effets négatifs de ces modifications sur le milieu du livre. On demande de protéger les autrices, les auteurs et les maisons d’édition. Il en va de la vitalité, de la diversité et de la richesse de la culture canadienne
.
« Ils ont raison. Le malheur veut que l’application des droits d’auteur soit complexe quand on vit dans une ère numérique. [...] Dans le débat, il y avait une certaine confusion. [...] Ça en fait en sorte qu’on ne parlait pas tous de la même chose. Ça traduit aussi le fait que les gens qui étaient sur place ne maîtrisaient pas tous le dossier de la culture. C’est dommage pour un dossier aussi important. »
C’est évident que les représentants du Parti libéral, du NPD et du Bloc québécois étaient plus au courant des dossiers. Ils ont aussi les plateformes les plus complètes sur ces sujets
, ajoute Hélène Messier.
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