L’éloge du fil, une exposition à la fibre artistique

Gatineau accueille jusqu'au 17 octobre la Triennale en métiers d’art. Ici, les œuvres d'Éric Tardif, à gauche, et de Catherine Lessard, à droite.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Revisiter le fil sous toutes ses coutures : c’est la proposition explorée par une douzaine d’artistes en métiers d’art originaires du Québec et de l’Outaouais. Leurs œuvres sont installées jusqu’au 17 octobre à Gatineau, où l’Espace Pierre-Debain accueille la troisième édition de la Triennale en métiers d’art, L’éloge du fil.
Un des buts de la Triennale est de faire découvrir au public ce que sont les métiers d'art. On a beaucoup de galeries pour les arts visuels, beaucoup moins pour les métiers d’arts. Peu de lieux de diffusion et peu de gros événements comme celui-ci leur sont consacrés
, fait valoir la responsable arts visuels et patrimoine à la Ville de Gatineau, Josée Prud'homme.
Dès la première salle d’exposition, les œuvres qui accueillent les visiteurs semblent se répondre. L’éclat et la lumière de la série Lumen, de Kathy Ouellette, conversent avec la fragilité des œuvres de Paula Murray, de frêles parchemins de céramiques liés de façon ténue par un fil rouge, que jouxte un bol craquelé, dont les fissures évoquent les blessures de l’existence.
Dans cet espace au cœur de l’édifice patrimonial qu’est le Centre culturel du Vieux-Aylmer, la scénographie a été pensée à la réception des pièces présentées. On a joué des contrastes en installant les œuvres
, mentionne Mme Prud'homme. On a opté pour des mises en scène intimistes par moments, et plus spectaculaires à d’autres.
Tricoter des pixels
Parcelles et Winnipeg, la constellation, deux grands tricots jacquards élaborés à partir d’images satellites de territoires canadiens par l’artiste de la relève québécoise Mylène Michaud, s’avèrent particulièrement saisissantes. À travers l’inattendue parenté entre la maille et le pixel, elles offrent aux visiteurs d'étonnantes toiles textiles numériques.
Fil d’Ariane de cette démarche artistique : interroger notre relation au numérique et au temps avec, pour point de départ, des images prises sur Google Earth. Mon intérêt, c’est de partir de quelque chose d’immatériel, d’accessible en deux secondes sur le web, d’une image que je vais prendre du territoire, de quelque chose qui est très concret à la base, qui est transmis en virtuel [...] puis d’aller, moi, matérialiser cela, pendant des jours et des soirs et des semaines
, explique Mylène Michaud.
C’est d’une tout autre manière que le passage du virtuel au tangible a également inspiré Thoma Ewen, artiste tisserande bien connue dans la région outaouaise. Elle raconte comment l’image de L’Offrande, tissée de fils de laine et de coton, trouve son origine dans des séances organisées… sur Zoom.
L’Offrande est née à la faveur d’une année de méditation sur Zoom à laquelle j’ai eu la chance de participer. Cette image m’est venue après les exercices que le professeur nous a donnés
, se souvient-elle.
Éloge aux fils naturels tissés à la main, grâce à des techniques demeurées inchangées depuis le paléolithique, Thomas Ewen voit dans L’Offrande une forme de remerciement. Une démarche concrète qui prend tout son sens pour elle en ces temps de pandémie, soulignant la transition vers le virtuel
et les changements rapides
que nous vivons actuellement.
Avec les métiers d’art, on travaille avec nos mains, avec la matière réelle, on la transforme. C’est tellement important
, souligne l’artiste.
Différents médiums pour explorer la fibre
Pour cette troisième Triennale, liberté accordée aux créateurs et choix audacieux font que le le tricot et le tissage ne sont pas seuls à faire l’éloge du fil. Mise en valeur dans certaines œuvres à titre de matériau de départ, la fibre est représentée et évoquée grâce à d’autres médiums tels que le bois, le papier, la céramique ou encore l’aluminium, avec différentes orientations, différentes influences.
Pouvoir d’évocation mythologique (La vie ne tient qu’à un fil, Éric Tardif), poétique (Il est un jardin merveilleux, Catherine Lessard), organique (la sculpture Gossypium de Béla Simó), érotique (les bijoux de corps signés Caroline Arbour), fatidique (Briseuse de rêves, Christel Bergeron), embrassant des influences japonaises (les broderies délicates de Marie-Renée Otis), ou s’inspirant de techniques d’impression africaines (les linogravures de Roger Pelerin), l’ensemble des œuvres encadrent la pièce centrale de la salle, baptisée Du Culte au Culturel, et signée par la dentellière Véronique Louppe, artiste invitée de cette édition.
D’une œuvre à l’autre, la magie des métiers d’art opère. La réflexion s’installe. Et le temps suspend son fil.
Outre Thoma Ewen et Paula Murray, Béla Simó (métaux) et Éric Tardif (bois) représentent l’Outaouais, dans cette exposition collective. Les autres artistes viennent de l’Abitibi-Témiscamingue (Caroline Arbour, Diane Auger, Cristel Bergeron et Roger Pellerin), de la région de Québec (Catherine Lessard, Kathy Ouellette, Marie-Renée Otis, Mylène Michaud) et de Joliette (Véronique Louppe).