Après 9 ans en CHSLD, Jonathan Marchand enfin chez lui
Il est de retour à domicile grâce à une entente avec le réseau de la santé.

Jonathan Marchand est arrivé dans son appartement adapté le 26 août dernier, après 9 ans passés en CHSLD.
Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il a dû multiplier les sorties médiatiques et les protestations. Il a connu des périodes sombres. Mais finalement, il a eu gain de cause. Jonathan Marchand, 44 ans, vient de quitter le CHSLD Sainte-Anne-de-Beaupré, où il vivait contre son gré depuis près d’une décennie.
L’appartement adapté où il vit désormais à Québec, depuis le 26 août dernier, n’a rien de somptueux. Un simple quatre et demi, aux murs blancs, avec des pièces suffisamment grandes et des couloirs juste assez larges pour que son fauteuil électrique puisse s’y faufiler sans trop de problèmes.
Et pourtant, c’est une libération
, assure Jonathan Marchand, qui est atteint de dystrophie musculaire. En deux semaines, il a pu faire davantage de sorties qu’il n’en faisait normalement en CHSLD pendant une année complète.
« J'ai quitté pour de bon. Il n'est pas question que je retourne là. J'entame un nouveau chapitre dans ma vie personnelle, mais aussi pour faire reconnaître le droit des personnes handicapées de vivre dans la communauté. »
De l’aide 24 heures sur 24
Pour quitter le CHSLD Sainte-Anne-de-Beaupré, Jonathan Marchand a dû signer une entente avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale.
Grâce au chèque emploi-service, un programme du gouvernement québécois, il bénéficie de 189 heures de soutien à domicile par semaine. Cela correspond à 27 heures par jour. C’est une nécessité, car il vit grâce à un respirateur artificiel.
Autrement dit, il y a toujours une personne avec lui, parfois deux.
Valérie Houde, 38 ans, est l’une d’entre elles. Je suis son auxiliaire de vie
, résume-t-elle. Je suis ses bras et ses jambes. Je l'aide à accomplir tout ce que lui n'est pas capable de faire.
De l’hygiène au ménage, en passant par le lavage, les soins de santé et les sorties accompagnées, Mme Houde touche à tout. Elle n’est pas préposée aux bénéficiaires, mais elle a été formée par le CIUSSS pour offrir tous les soins nécessaires.
« C'est sûr et certain que c'est gratifiant. C'est valorisant. On voit un résultat palpable à ce qu'on fait. On apporte une vraie aide. Je me sens utile. »
Une épée de Damoclès
L’entente avec le CIUSSS vient toutefois avec de grandes responsabilités pour Jonathan Marchand. Il doit notamment embaucher lui-même son personnel et confectionner les horaires.
S’il ne parvient pas à respecter les termes de cette entente ou si son état de santé se dégrade, le réseau de la santé pourrait le contraindre à retourner vivre en institution.
Annie Ouellet, porte-parole au CIUSSS de la Capitale-Nationale, indique qu’il s’agit d’un filet de sécurité
pour Jonathan Marchand.
Le principal intéressé voit les choses autrement. C'est très clair que si jamais il y a un problème majeur, je vais retourner en dedans. Il y a toujours cette chose-là qui pend au-dessus de moi
, dit-il.
« Il faut que je continue de démontrer que ça fonctionne. Le gouvernement met énormément de pression sur moi. »
En mission pour les autres
Jonathan Marchand croit néanmoins qu’il vient de prouver qu’il est possible de sortir les personnes adultes handicapées des CHSLD, même à l'intérieur du système actuel, qui est très restrictif
.
C'est un précédent, ce qui s'est passé dans les derniers jours, et vous devez l'utiliser à votre avantage. Contactez vos intervenants à vos CISSS et vos CIUSSS, et demandez l'assistance dont vous avez besoin.
Récemment, le gouvernement Legault a abandonné la mise sur pied d’un projet pilote provincial dont le but était de tester une nouvelle solution pour les adultes handicapés vivant en CHSLD.
Le CIUSSS de la Capitale-Nationale considère cependant que le cas de Jonathan Marchand est un projet pilote en soi, « qui permettra d’évaluer les différents enjeux (ressources humaines, financières, équité, etc.) » liés à une telle démarche.
Des défis
Mais déjà, Jonathan Marchand se demande si d’autres personnes handicapées auront réellement le temps et l’énergie nécessaires pour se battre comme il l’a fait afin de sortir de son CHSLD.
« C'est un effort herculéen. J'ai du mal à voir comment d'autres vont réussir à quitter quand c'est un système qui est à sens unique. Tu n'es pas supposé sortir de là vivant. »
Patrick Martin-Ménard, avocat en droit de la santé, croit qu’il faut donner beaucoup de crédit
à Jonathan Marchand, car il craint que cette démarche ne soit pas à la portée de tous.
Le simple fait que Jonathan Marchand doive lui-même embaucher ses assistants et gérer leurs horaires de travail représente quelque chose d’extrêmement complexe
, selon Me Martin-Ménard.
Quand on pense du point de vue du patient moyen, qui n'a pas nécessairement les capacités ou les ressources de M. Marchand, c'est sûr que ça va poser un plus grand nombre de difficultés
, dit-il.
Le gouvernement devra donc s’engager à mieux accompagner les personnes qui voudront quitter leur CHSLD, selon Me Martin-Ménard.
Les salaires
Il faudrait aussi que les salaires offerts par l'intermédiaire du chèque emploi-service soient majorés, croit-il, pour s’assurer que des travailleurs voudront offrir des services à domicile aux personnes handicapées.
Actuellement, les employés de Jonathan Marchand ont un salaire horaire d’un peu plus de 18 $. À cela s’ajoute une prime pour la COVID, ce qui hausse le montant à près de 20 $ l’heure. Me Martin-Ménard croit que c’est insuffisant.
« Pour que le projet fonctionne, il faut qu'on mette des conditions gagnantes, et ça inclut de mettre des ressources financières qui vont permettre à la personne de recruter des travailleurs qui vont pouvoir trouver l'offre de travail intéressante. »
Dans sa nouvelle demeure, Jonathan Marchand promet de poursuivre son combat. Avec Coop Assist, la coopérative dont il est le président, il entend continuer de défendre les droits de ceux qui sont institutionnalisés contre leur gré au Québec.
Mais pour le moment, il savoure pleinement cette liberté nouvelle qu’il a tant attendue. Je suis vraiment content de faire partie à nouveau de la société québécoise, d'être à nouveau parmi vous, inclus dans la société. Ça, ça me fait chaud au cœur.