Redécouvrir Québec au 19e siècle, grâce à la numérisation 3D

La numérisation 3D exécutée par iSCAN offre une seconde vie au plan-relief Duberger, qui montre Québec entre 1806 et 1808
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Vous aimeriez profiter d’une promenade virtuelle dans la ville de Québec, telle qu’elle était au début du 19e siècle? Le rêve pourrait devenir réalité grâce à la production d’une copie numérique en 3 dimensions du plan-relief Duberger, une maquette détaillée de la ville réalisée il y a plus de 200 ans. Une équipe de Découverte a suivi la production de ce clone numérique unique au pays.
C’est fou ce que ça change, une ville, en 200 ans! Le Château Frontenac? Le parlement? Vous les chercherez en vain sur le plan-relief Duberger. Conçu entre 1806 et 1808, il montre une Québec bien différente. À l'époque, même les célèbres plaines d’Abraham n’étaient qu’une vaste étendue de champs.
Au lieu du Château Frontenac, le plan-relief montre un palais perché sur le cap, l’ancien château Saint-Louis. On voit aussi, sur le site de l’actuel parc Montmorency, le palais épiscopal, où se réunissaient les parlementaires d’autrefois. Autant d’endroits disparus aujourd’hui.

Le plan-relief Duberger montre le château Saint-Louis tel qu'on pouvait le voir au début du 19e siècle, sur le site occupé aujourd'hui par le Château Frontenac et la terrasse Dufferin.
Photo : Radio-Canada
Le plan-relief Duberger est, dans les faits, une étonnante machine à voyager dans le temps. Plus précis qu’une maquette sur le plan topographique, il donne vraiment l’impression de survoler la ville, comme le ferait un drone. Qu’il soit parvenu à traverser le temps jusqu’à nous est en soi un exploit. Il n’existe aucun autre objet du genre au pays.
Conscient de sa valeur historique et technique, Parcs Canada, qui en est propriétaire, espérait depuis longtemps rendre ce trésor patrimonial plus accessible. Exposé en permanence au parc de l’Artillerie, dans le Vieux-Québec, le plan-relief de bois et de carton demeure en effet trop fragile pour qu’on l’expose sans protection. Il doit être conservé dans un écrin de verre. Et il demeure peu connu du grand public.

Le plan-relief, protégé par un écrin de verre, ne peut être contemplé que de loin, ce qui fait qu'il est difficile pour le grand public d'apprécier tous ses détails.
Photo : Radio-Canada
Mais grâce à la modélisation 3D, il pourrait enfin sortir de sa cage de verre. Consultable tant par les historiens et les archéologues que par les ingénieurs ou le grand public, il pourrait ainsi être manipulé à loisir, ou même offrir une expérience immersive absolument sans pareille.
C’est finalement à iSCAN, une compagnie de Trois-Rivières, que Parcs Canada en a confié la numérisation.
J'ai fait mes études ici, à Québec, en archéologie. À la fin des années 1990, je m’intéressais déjà beaucoup aux aspects numériques. La première fois que j'ai vu cette maquette-là, j'avais un peu le rêve de produire le clone numérique. Puis aujourd'hui, c'est comme si c'était un aboutissement d'un rêve vieux de 25 ans.

Richard Lapointe, président d'iSCAN, responsable de la numérisation 3D du plan-relief Duberger
Photo : Radio-Canada
Un outil avant tout militaire
Ce qui étonne souvent l’observateur d’aujourd’hui, sensible aux qualités artistiques du plan-relief de Québec, c’est qu’il a d’abord été créé dans un but exclusivement militaire.
Au début du 19e siècle, alors que les Américains avaient acquis leur indépendance face aux Britanniques, on craignait leurs attaques contre la ville. C’est dans ce contexte que l’ingénieur britannique John By, en poste à Québec, a pris la liberté de commander à l’arpenteur Jean-Baptiste Duberger un plan-relief exposant les lacunes dans la défense de la ville.

Le plan-relief représente fidèlement la ville de Québec, en particulier sa topographie et ses ouvrages défensifs du début du 19e siècle.
Photo : Radio-Canada / André Bernard
Une fois expédié en Angleterre, le plan-relief devait servir à convaincre ses commanditaires, restés à Londres, de financer de nouveaux ouvrages défensifs pour protéger Québec.
Les plans-reliefs, c'est un peu comme le Google Earth de l'époque. Il faut savoir que ça s'adresse aux donneurs d'ordres, à ceux qui vont financer les travaux. Donc, c'est très difficile d'imaginer pourquoi tel ou tel ouvrage de défense est nécessaire, quand on n’est pas sur le terrain, puis quand on ne comprend pas la topographie des lieux.

Le lidar permet de balayer le plan-relief depuis différentes positions en produisant des milliards de coordonnées.
Photo : Radio-Canada
De la science du 19e à celle du 21e siècle
Réalisé à une échelle de 1/300, avec des dimensions qui approchent les 3 mètres sur 5, le plan-relief de Québec est remarquablement précis, particulièrement en ce qui concerne la topographie et les ouvrages défensifs de la ville. Deux cents ans plus tard, c’est avec les moyens du 21e siècle qu’on l’arpente pour en faire un clone numérique.

L'équipe d'iSCAN au travail avec le lidar au-dessus du plan-relief
Photo : Radio-Canada
Lors d’une première étape, un lidar – un faisceau laser fonctionnant sur le principe du radar – permet de balayer l’objet depuis différentes positions. Les milliards de coordonnées qu’on en tire permettent de reconstruire les bâtiments et les détails topographiques du plan-relief dans ses moindres détails. En parallèle, on prend aussi des photos, sous tous les angles possibles.
L'enjeu est de prendre des milliers de photos, des milliards de coordonnées 3D, puis de les fusionner ensemble pour réussir à faire un clone numérique précis à l'échelle de l'ensemble de la maquette.

La numérisation 3D du plan-relief permet de comparer instantanément les distances entre les bâtiments et de les comparer aux cartes 2D existantes.
Photo : Radio-Canada
Un outil au potentiel remarquable
Pour les archéologues, la maquette numérique offre la possibilité de prendre rapidement des mesures entre les différents éléments du plan-relief et de les confronter à d’autres sources documentaires. Facile d’accès, consultable à tout moment, elle permet aussi d’adopter différents angles de vue et d’accéder instantanément à une représentation en trois dimensions du terrain, un atout précieux qui s’ajoute aux cartes des ingénieurs militaires du temps.

Maggy Bernier, archéologue pour Parcs Canada, près de la Citadelle de Québec
Photo : Radio-Canada
En 2D, les plans des ingénieurs militaires sont très précis. Sauf que c'est quand même difficile, même pour un archéologue, de bien comprendre les hauteurs. On les voit, elles sont présentées en 2D, mais ça ne donne pas du tout la même perspective quand on peut les voir en 3D.

La numérisation 3D ouvre de vastes possibilités. Comme celle, peut-être, de déambuler un jour virtuellement dans la Québec d'autrefois.
Photo : Radio-Canada
En plus des avantages qu’en tireront les chercheurs sur le plan scientifique, impossible de ne pas réaliser l’énorme potentiel de la modélisation 3D du plan-relief Duberger pour le grand public, tant sur le plan touristique que pédagogique. Qui n’aimerait pas survoler Québec comme elle était au début du 19e siècle, passer sous une porte Saint-Jean méconnaissable ou arpenter ses rues et son marché public en imaginant l'atmosphère du temps? De toute évidence, les possibilités de cette seconde vie du plan-relief, sous forme numérique cette fois, semblent absolument illimitées.
Avec les informations et la collaboration de l'équipe de Découverte
Remerciements à l'historien Jean-François Caron pour sa participation