COVID-19 : des magasins d’aliments pour animaux inondés d’appels pour de l’ivermectine
Exaspéré, un commerçant a même retiré l'ivermectine de son inventaire en ligne.

L'ivermectine est un médicament souvent administré aux chevaux pour combattre les infections parasitaires.
Photo : Lone Star Tack & Feed
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des magasins d'aliments pour le bétail disent avoir reçu un déluge d’appels de personnes qui veulent acheter de l’ivermectine, un médicament antiparasitaire pour animaux, car ils croient que cela peut soigner la COVID-19 chez les humains.
L’ivermectine est un produit utilisé pour traiter certaines infections parasitaires, notamment chez les chevaux, les cochons et les moutons.
Dans certains cas, le médicament peut être prescrit aux humains atteints de certains parasites, mais dans des proportions et des formes différentes que pour les animaux.
Quatre à cinq appels par semaine
Lance Olson, gérant du magasin Lone Star Tack & Feed, près de Calgary, explique que les gens en commandent pour leurs bêtes habituellement deux fois par an : à l’automne et une fois que le sol dégèle, au printemps.
Depuis novembre, son entreprise a reçu en moyenne quatre à cinq appels par semaine pour ce produit.
Ce sont des appels du genre : "Avez-vous de l’ivermectine?" et si on répond oui, les personnes disent qu’elles veulent en acheter 120 millilitres, ce qui est assez pour vermifuger au moins 10 chevaux
, dit M. Olson.
La plupart de ces personnes n’ont même pas de numéro d’identification d'exploitation (PID), ce qui est pourtant obligatoire pour tous éleveurs en Alberta, précise-t-il.
Il est même interdit de vendre de l’ivermectine aux personnes qui n’en ont pas.
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Les propriétaires de deux autres commerces albertains, qui ont demandé à ne pas être nommés, ont confirmé avoir observé le même phénomène.
Michael Chatenay, chirurgien à l’Hôpital Grey Nuns d’Edmonton, dit qu’une personne positive à la COVID-19 lui a réclamé de l’ivermectine la semaine dernière. Il ajoute qu’un autre patient a fait la même demande à un de ses collègues peu après.
C’est inquiétant. Des gens qui sont déjà craintifs ou inquiets à l’idée d’être vaccinés cherchent et s’accrochent à ces traitements qui pourraient leur causer du tort
, dit-il.
On ne sait pas ce que ce produit destiné aux animaux peut faire au corps humain. Ne l’achetez pas à cette fin. Ce n’est pas sécuritaire et cela ne vaut pas la peine de courir le risque.
Consommer des quantités ou des types d’ivermectine non prescrits peut causer de la diarrhée, des nausées, des vomissements ou de l’hypotension, entre autres.
L’efficacité contre la COVID-19 n’est pas prouvée
Même si elle est principalement utilisée contre les parasites, l’ivermectine a un mode d’action qui fait croire aux chercheurs qu’elle pourrait aussi bloquer l’action de certains virus.
Aucun essai clinique randomisé n’a prouvé son efficacité en tant que traitement contre la COVID-19.
La principale étude à ce sujet avait été prépubliée, c'est-à-dire publiée avant d’avoir été revue par les pairs, sur la plateforme Research Square en novembre 2020.
Elle a été retirée en juillet, en raison de questions d’ordre éthique après que des chercheurs eurent signalé plusieurs disparités dans la méthodologie.
Quelques études (Nouvelle fenêtre) (en anglais) basées sur des analyses statistiques ont noté une plus faible mortalité chez les personnes atteintes de la COVID-19 traités avec de l’ivermectine, tout en soulignant que seules des études cliniques randomisées peuvent prouver un lien de cause à effet.
Le problème avec l’ivermectine, ce n’est pas une conspiration ou une quelconque différence idéologique ou politique. C’est que cela ne fonctionne pas [...] Prendre des médicaments pour animaux n’est pas la meilleure façon de se protéger, c’est la vaccination.
Des échos américains en Alberta
Pourtant, dès novembre, de nombreux politiciens et personnalités de droite américains ont commencé à vanter les effets de l’ivermectine contre la COVID-19.
Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis ont noté une importante augmentation des cas d’empoisonnement à l’ivermectine et demandé aux médecins d’y faire attention.
Dans un gazouillis publié samedi, le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (Food and Drug Administration) a rappelé au public que les personnes ne sont pas un cheval ou pas une vache
, l’incitant à cesser d’ingérer de l’ivermectine, un médicament destiné au bétail.

Des brochures contenant de la désinformation sur la COVID-19 et notamment sur l'ivermectine ont été distribuées à Banff, en Alberta, cette semaine.
Photo : Andrew Thullier
Ces avertissements n’ont pas empêché certaines personnalités albertaines de parler des prétendus bienfaits de l’ivermectine contre la COVID-19.
Kevin J. Johnston, un candidat à la mairie de Calgary connu pour ses positions d’extrême droite, qui a récemment plaidé coupable à des accusations de harcèlement criminel envers le personnel de Services de santé Alberta, a suggéré aux Albertains de se procurer de l'ivermectine dans des magasins de nourriture pour les animaux ou des fermes.
Derek Sloan, le député ontarien controversé qui se présente désormais comme indépendant dans la circonscription de Banff-Airdrie, a parlé à plusieurs reprises de l’ivermectine comme d’un médicament prometteur contre la COVID-19.
La chroniqueuse et animatrice radio Danielle Smith a aussi laissé entendre que Services de santé Alberta et le Collège des médecins et des chirurgiens de l’Alberta cachaient de l’information au sujet de l’ivermectine.
Ça me fâche
, admet Lance Olson, de Lone Star Tack & Feed.
Il fait remarquer que certaines provinces n’exigent pas de numéro d’identification d'exploitation pour acheter des médicaments destinés au bétail. Il a, par exemple, reçu un nombre croissant de commandes d’ivermectine en provenance de la Colombie-Britannique au début de l’été.
Son commerce a donc décidé d'enlever l’ivermectine de son inventaire affiché en ligne en juillet. Il a également cessé d’accepter les commandes d’ivermectine provenant de l’extérieur de l’Alberta.
Nous ne voulons pas être responsables d’une surdose, ou du fait qu’une personne mal informée en donne à son enfant
, dit-il.
Avec des informations de Sarah Riegers