Ces Afghans qui reviennent vivre au pays des talibans
« Nous avons quitté l'Afghanistan à cause des bombardements et d'autres problèmes [...]. Mais maintenant, grâce à Allah, la situation est normale, donc nous y revenons », explique un exilé sur le chemin du retour.

Des centaines d'Afghans souhaitant rentrer dans leur pays attendent au poste-frontière de Chaman, le 21 août.
Photo : Getty Images / AFP/Pigiste
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« Maintenant, il y a la paix ». À la frontière pakistanaise, des familles afghanes attendent impatiemment de rentrer au pays, loin de Kaboul où des milliers d'autres tentent désespérément de fuir.
Du poste-frontière pakistanais de Chaman, où elles stationnent avec des camions chargés de tapis, draps, vêtements et même de chèvres, elles ont une vue imprenable sur le sud de leur pays, l'Afghanistan.
Ils sont environ 200 à attendre impatiemment d'y rentrer, à l'inverse des milliers de leurs compatriotes qui assiègent l'aéroport de Kaboul pour fuir le pays, dans un chaos dont les images ont fait le tour du monde depuis la reconquête surprise mi-août de Kaboul et du pays par les islamistes.
Eux qui ont fui la guerre entre Occidentaux et talibans lors des deux dernières décennies estiment que le nouveau pouvoir a ramené ce qu'ils recherchent avant tout : la paix.
Nous avons quitté l'Afghanistan à cause des bombardements et d'autres problèmes qui ont affecté les musulmans. Mais maintenant, grâce à Allah, la situation est normale, donc nous y revenons
, explique à l'AFP l'un d'eux, Molavi Shaib.
Maintenant la paix a été rétablie
, abonde un autre, Muhammad Nabi.

Des Afghans exilés au Pakistan arrivent au poste-frontière de Chaman, le 22 août.
Photo : Getty Images / AFP
Marquée par une tranchée de trois mètres de profondeur remplie de barbelés, la frontière séparant Chaman de la ville afghane de Spin Boldak, principal point d'entrée des marchandises dans le sud afghan, voit passer chaque jour des milliers de personnes.
Avec l'offensive des talibans, le Pakistan y a renforcé les contrôles et la sécurité, compliquant parfois le passage.
Nous avons nos affaires, nos femmes et enfants attendent. Nous voulons traverser, mais on n'y est pas autorisé. On demande au gouvernement pakistanais de pouvoir le faire, car il n'y a plus de guerre
, ajoute Muhammad Nabi.
Discriminés au Pakistan
Près de deux millions d'Afghans ont fui au Pakistan au cours des quatre dernières décennies, car la guerre a ravagé l'Afghanistan. Et Islamabad clame depuis plusieurs années ne pouvoir en accueillir davantage.
Au Pakistan, nombre de réfugiés afghans se sont sentis mal accueillis et largement discriminés. Ils sont un facteur important de la délicate équation diplomatique entre l'Afghanistan et le Pakistan.

Au poste frontière de Chaman, le drapeau taliban (à droite) a remplacé le drapeau afghan depuis que les talibans ont pris le contrôle du pays.
Photo : Getty Images / AFP
Ces 20 dernières années, le désormais ancien régime pro-occidental de Kaboul n'a cessé d'accuser Islamabad, historiquement proche des talibans qui se sont en partie réfugiés chez lui, de les soutenir.
Sur la plaine nue du poste-frontière de Chaman, des dizaines de camions empoussiérés, chargés d'affaires et d'enfants, sont garés, le temps de remplir les papiers nécessaires et d'être autorisés à passer.
À l'arrière d'un des camions, un adolescent porte un bébé à côté d'un tas d'affaires d'où émergent un seau, un lit, un vélo. Séparé de lui par une chèvre blanche, un autre garçon est assis sur un coussin jaune.
Tous estiment qu'ils auront désormais une vie meilleure en Afghanistan.

Des Afghans qui fuient les talibans sont aussi nombreux au poste frontière de Chaman, le 24 août.
Photo : Getty Images / AFP
Originaire de Ghazni, une province située plus au nord, sur la route de Kaboul, Wali Ur Rahman se dit heureux
d'y retourner.
Ghazni, peuplée notamment de pachtounes, l'ethnie d'origine des talibans, était depuis près de 20 ans un point chaud de la guerre entre les forces afghanes et occidentales d'un côté, les rebelles islamistes de l'autre.
Nous serons bien mieux là-bas
, ajoute Wali Ur Rahman. Bien éloigné de ses compatriotes qui, à Kaboul notamment, craignent de violentes représailles des talibans contre ceux qui ont travaillé pour l'ancien gouvernement ou avec des Occidentaux.