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Réformes policières à Toronto : encore un fossé entre actions et attentes

La Commission des services policiers de Toronto se dit satisfaite des progrès réalisés depuis un an, mais pour certains observateurs, la police continue de « passer à côté » de questions centrales comme le définancement.

Une jeune femme brandit une pancarte où il est écrit « Defund the Police » devant un agent torontois.

La Commission des services policiers de Toronto a adopté un projet de réforme à la suite de manifestations et débats sur le rôle de la police l'été dernier.

Photo : Radio-Canada / Rozenn Nicolle

Il y a un an, en plein été de mobilisation contre la brutalité policière et le racisme systémique, la Commission des services policiers de Toronto (TPSB) adoptait un projet de réforme de 81 recommandations.

Aujourd’hui, 36 de ces recommandations ont été mises en œuvre d’après le tableau de bord (Nouvelle fenêtre) interactif de la Commission.

Certaines des mesures classées comme accomplies impliquaient simplement plus de collaboration avec la Ville et la province.

D’autres visaient une meilleure transparence : la police a par exemple commencé à publier une version détaillée, ligne par ligne, de son budget ainsi que des informations sur les audiences disciplinaires. Un protocole d’entente a été conclu pour que le vérificateur général de la Ville de Toronto puisse, à l'avenir, examiner les finances de la police.

Le quartier général et le logo de la police de Toronto.

La police promet de mettre en œuvre, ou au moins d’aborder 80 % des recommandations d’ici la fin de l’année 2021.

Photo : Radio-Canada

La police de Toronto s’était par ailleurs engagée à mieux répondre aux crises de santé mentale. Elle a récemment étendu les heures d’activité de ses équipes mobiles d’intervention en cas de crise (MCIT), qui jumellent policiers et infirmières. Un projet pilote pour que des appels de crise au 911 soient redirigés vers des travailleurs communautaires spécialisés a aussi été lancé en collaboration avec le centre Gerstein.

La Commission et le Service de police citent également, parmi leurs réalisations, le programme de caméras d’intervention et la réforme du protocole sur les fouilles corporelles.

De quoi assurer un bon départ, selon le président de la Commission, Jim Hart. En entrevue avec Radio-Canada, il se dit ainsi très satisfait de ces avancées, même s’il note qu’il reste beaucoup de travail à faire, entre autres dans le domaine de la formation des policiers.

Des demandes supplémentaires

Pour plusieurs critiques toutefois, ce plan manquait dès le départ d’envergure et n’a pas encore amené de changements en profondeur.

Il y avait plusieurs bonnes recommandations et une bonne analyse de la nature du problème, reconnaît l’avocate torontoise Saron Gebresellassi, mais elle estime que la police continue d’éviter une question primordiale : la réduction de son budget.

Je vais toujours revenir sur ce point. C’est la priorité pas juste pour moi, mais vraiment pour la communauté, pour plusieurs organisations. C’était la lutte qu’on a vue l’année dernière. Et on n’a pas vu les résultats.

Les mots clés [employés par la police] sont vraiment bons. Mais moi, si j'étais leur stratège, j’aurais fait le travail de façon différente pour vraiment imaginer un nouvel avenir et c’est de ça qu’on a besoin : un monde différent.

Une jeune femme, assise dans un bureau, en vidéoconférence.

L'avocate torontoise Saron Gebresellassi.

Photo : Zoom

John Sewell, ancien maire de Toronto et coordonnateur de la Toronto Police Accountability Coalition, pense aussi que la police doit retirer encore plus de tâches à ses agents, pour les réattribuer à la communauté. Au contraire, on en ajoute plus aux policiers, dit-il. Par exemple, on a étendu les MCIT alors que les gens ont demandé clairement que ces [interventions] reviennent à des organismes communautaires.

Le port de caméras par les agents est un autre écran de fumée selon lui, beaucoup d’argent qui est dépensé, alors que ces caméras ne semblent pas influencer le comportement des policiers.

John Sewell regrette que d'autres mesures, concrètes, ne soient toujours pas abordées. Par exemple l’instauration d’un processus de vérification préalable par la Couronne des accusations portées par les policiers, comme recommandé (Nouvelle fenêtre) par la Commission ontarienne des droits de la personne, qui a établi que les personnes noires étaient disproportionnellement visées par des accusations qui étaient par la suite retirées ou suspendues.

Je ne crois pas qu’ils soient vraiment en train de rebâtir le lien de confiance avec le public, parce qu’ils ne changent pas les structures de base qui traitent de la discrimination, conclut-il.

Quel chef pour mener ces réformes?

La Commission des services policiers s’était aussi engagée, parmi ses recommandations, à être plus transparente et à l'écoute de la communauté dans la sélection du prochain chef de la police de Toronto après le départ de Mark Saunders.

Or, après avoir conclu une phase de consultations, elle a récemment annoncé que ce processus prendrait plus de temps que prévu puisque le contrat du chef par intérim, James Ramer, a été prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022.

Un choix défendu par Jim Hart dans le contexte actuel. Nous avons un chef qui est très respecté par la Commission, la communauté et les agents eux-mêmes. Donc ça, c’est important. Et si on regarde où on se trouve : on est au milieu d’une pandémie, on a ces 81 recommandations, ainsi que les recommandations sur les personnes disparues, et un chef qui gère ces trois dossiers solidement.

Donc, de notre point de vue, amener un nouveau chef au milieu de tout ça, ce n’était pas le meilleur moment.

Un homme assis dans une salle de conférence, avec à l'arrière-plan, des drapeaux.

Jim Hart est le président de la Commission des services policiers de Toronto.

Photo : Zoom

Si John Sewell voit là l’expression du statu quo, Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, croit que la Commission témoigne ainsi de sa confiance à l’égard du chef Ramer. Ça montre que, de leur point de vue, il est dévoué aux réformes et aux recommandations que la Commission tente de mettre en place.

Répondre aux attentes

Dans tous les cas, ce sera bien à la communauté de juger des résultats de la police et de son chef, admet Jim Hart. Mais il demande encore un peu de temps avant de tirer des conclusions. Lorsque toutes ces recommandations seront instaurées, on va devoir revenir vers la communauté et l’écouter à nouveau, pour voir quel est vraiment l’impact que tout ça a. C’est la prochaine étape, affirme-t-il.

Christian Leuprecht constate certainement un changement d’attitude de la part de la Commission depuis l’an dernier. Il semble qu’elle prend maintenant plus au sérieux sa tâche, qu’elle reconnaît les défauts et qu’elle est prête à donner des directives claires au chef de police.

Un homme, portant une chemise et un casque d'écoute, assis devant un fond jaune, en vidéoconférence.

Christian Leuprecht est professeur au Collège militaire royal du Canada à Kingston et à l'Université Queen's.

Photo : Zoom

La Commission – c’est dans la loi ontarienne – devrait représenter les intérêts stratégiques de la communauté comme telle, et je crois qu’il y a une certaine admission de sa part qu’elle a traîné et qu’elle n’a pas vraiment fait son boulot de gouvernance avant, et qu’il y a un rattrapage important non seulement de la part du Service de police, mais en particulier en tant que gouvernance du Service de police, poursuit-il.

Mais il pense aussi que les forces de l’ordre devront tôt ou tard passer à la vitesse supérieure, sans quoi les attentes du public continueront d’évoluer plus rapidement que les transformations des services policiers.

Je crains que le décalage entre les attentes, les valeurs, les besoins et les priorités du grand public et la manière dont les services policiers sont livrés continue de s’élargir et donc on a besoin des réformes très agressives et presque révolutionnaires pour assurer que les services reflètent mieux les attentes du grand public, résume-t-il.

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