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Quarantaine « déguisée » pour des enfants de retour de voyage

Vue d'ensemble du hall d'embarquement de l'aéroport de Québec. On y voit des guichets et des gens avec des valises.

Des parents dénoncent des règles complexes et contraignantes imposées aux enfants qui reviennent d'un voyage à l'étranger.

Photo : Radio-Canada / Vincent Pichard

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Ottawa a annoncé des assouplissements au retour au pays des enfants de moins de 12 ans non vaccinés. Si la quarantaine ne leur est plus imposée, il leur est toutefois impossible de fréquenter écoles et services de garde pendant 14 jours. Des parents confus dénoncent des règles complexes et contraignantes imposées à des enfants pour qui la vaccination n’est pas encore accessible.

Margot est la mère de trois enfants âgés de 10 à 14 ans. Le plus jeune n’est pas encore vacciné puisque la santé publique ne le permet pas. La fratrie reviendra seule au Canada par la voie des airs dans les prochains jours et escortée par un agent de bord.

La mère de famille se démène depuis plusieurs jours pour savoir si son benjamin devra respecter une quarantaine ou non, mais impossible pour elle de savoir s’il existe des dispositions pour un cas comme le sien.

Lorsqu’elle contacte les autorités pour obtenir des réponses, elle se heurte à des informations contradictoires. J’ai appelé des agents d’information trois fois et on m’a dit trois choses différentes, explique-t-elle, un peu à bout de patience.

À court d’options, elle se joint à un groupe Facebook sur lequel des milliers de voyageurs s’entraident en partageant leur expérience et en tentant d’éclaircir les règles sur les retours au pays qui évoluent sans cesse.

La gestionnaire du groupe virtuel Canada Quarantine and Travel Information Voyage, Nesrine Bisa, remarque d’ailleurs depuis les dernières semaines que les règles entourant les enfants portent particulièrement à confusion.

Chaque jour, plusieurs messages, ou des appels à l’aide plutôt, de parents déroutés sont lancés à la communauté en ligne. Les directives changent sans cesse, c’est vraiment mêlant. Les parents ne savent plus quelle est la vraie information. On essaie de les aider, mais c’est difficile, soupire-t-elle.

Des assouplissements contraignants

Le 9 août, le gouvernement fédéral a mis en ligne une mise à jour concernant les règles applicables aux enfants non vaccinés de moins de 12 ans qui voyagent avec des parents qui sont, eux, pleinement vaccinés. Ces nouvelles directives stipulent que ces mineurs ne sont plus tenus de se mettre en quarantaine à leur retour au pays, ce qui était réclamé par bien des parents.

Par contre, l’enthousiasme de ces derniers s’est brusquement étouffé lorsqu’ils ont compris que la disparition de la quarantaine s’accompagnait d’une interdiction pour les enfants de fréquenter l’école, un camp, une garderie ou quelconque activité d’envergure dans un lieu achalandé pendant les 14 jours suivant leur arrivée.

Les enfants peuvent toutefois visiter un lieu public peu achalandé, comme un parc ou une plage, à condition de porter un masque et de maintenir une distanciation physique avec les autres. Sauf s’ils sont âgés de moins de 5 ans, les enfants devront subir des tests de dépistage avant et après leur arrivée au Canada.

Une quarantaine ou ça, ça revient à la même chose, lance Margot. Elle juge abusif de maintenir des contraintes aussi importantes à des parents pleinement vaccinés et qui se plient aux règles.

« Moi, j’irais bien le faire vacciner mon garçon, mais on ne peut pas! Alors, pourquoi nous punir pour quelque chose sur quoi on n’a pas de contrôle? »

— Une citation de  Margot, mère

Le porte-parole du Regroupement des comités autonomes de parents du Québec, Sylvain Martel, s’inquiète de son côté des conséquences que cette mesure aura pour les parents et les enfants qui reviendront au pays juste avant la rentrée scolaire.

Pour les parents, c’est sûr que ça veut dire que le retour au travail n’est pas nécessairement possible si les enfants ne peuvent aller à l’école ou à la garderie. Et pour les enfants, manquer les premières semaines d’école, c’est énorme, ça peut rendre leur intégration difficile, indique-t-il, avant d’ajouter que les nouvelles directives sont parfois imprécises et qu’il est complexe pour les parents de naviguer entre les règles imposées par les différents paliers de gouvernement.

Un homme regardant la caméra, posant devant un fond gris foncé.

Sylvain Martel trouve que les règles actuelles compliquent la vie des parents.

Photo : Gracieuseté de Sylvain Martel

Sylvain Martel s'étonne qu'Ottawa se soit permis d’imposer des règles en matière d’accès à des établissements scolaires ou de garde qui sont de compétence provinciale.

Questionné à ce sujet, le ministère de l’Éducation du Québec répond que le fédéral peut statuer comme il l’a fait et que ces mesures doivent être respectées par les voyageurs de retour au pays.

Ces restrictions importantes transforment les assouplissements en une sorte de quasi-quarantaine qui se justifie mal, selon l’expert en virologie Benoit Barbeau.

Même avec la présence du variant Delta, les enfants ne sont pas des vecteurs majeurs du virus. Dans ce contexte-là, on s’attendrait à ce que les enfants puissent bénéficier de certains privilèges, estime le professeur au Département de sciences biologiques à l’UQAM.

D’imposer cette quarantaine déguisée pendant une période de 14 jours, c’est peut-être exagéré.

Benoit Barbeau pense que le gouvernement devrait clarifier son message et simplifier les règles afin de concéder quelques privilèges supplémentaires à ces enfants non vaccinés.

Des règles complexes

Nesrine Bisa a fondé en février le groupe Facebook qui compte désormais plus de 40 000 membres. Devant la prise rapide de popularité de cette communauté sur les réseaux sociaux, la Montréalaise dit s’être rendu compte d’un problème sérieux de manque de communication et d’informations de la part du gouvernement.

Une femme aux cheveux longs et portant des lunettes sourit à la caméra.

Nesrine Bisa a fondé le groupe Facebook « Canada Quarantine and Travel Information Voyage ».

Photo : Gracieuseté de Nesrine Bisa

« On ne sait pas qui appeler pour avoir des éclaircissements quand on a des questions. Il n’y a personne. Et quand on reçoit des informations, on nous dit tout et son contraire. Donc, avec notre groupe, on fait un petit peu le travail que le gouvernement devrait faire. Ce n’est pas normal! »

— Une citation de  Nesrine Bisa, gestionnaire du groupe Facebook Canada Quarantine and Travel Information Voyage

Elle estime que les informations diffusées sur le site du gouvernement du Canada sont souvent floues et incomplètes, parfois même contradictoires, car mal mises à jour. Le cas de Margot et de ses enfants non accompagnés est un bon exemple.

L’information à ce sujet ne se retrouve pas en ligne. Après avoir questionné l’Agence de la santé publique du Canada, Radio-Canada a appris qu’une règle existe bel et bien : les enfants de moins de 12 ans non vaccinés et non accompagnés ne bénéficient pas des mêmes assouplissements que les autres. Ceux-ci doivent faire une quarantaine stricte à leur retour au Canada.

Toutefois, si les enfants sont non accompagnés, mais qu’ils voyagent en vertu d'une entente écrite ou d'une ordonnance du tribunal concernant la garde, le droit de visite ou la parentalité, quarantaine et dépistage disparaissent. Un méandre de règles que la mère de famille qualifie de kafkaïen.

Margot ajoute qu’elle a l’impression, en lisant les témoignages partagés par d’autres parents en ligne, que même pour les agents des services frontaliers, les informations ne sont pas clairement transmises.

Par exemple, la directive qui stipule que tous les enfants non vaccinés, sauf ceux de moins de 5 ans, demeurent soumis aux exigences de dépistage du jour 1 et du jour 8, ne semble pas appliquée scrupuleusement selon elle. Certains enfants sont testés à leur arrivée à l’aéroport, d’autres non. Certains devront faire le test du huitième jour, d’autres non. On a l’impression que c’est un peu au bon vouloir du douanier.

Radio-Canada a pu parler à des parents vaccinés d’enfants âgés de 5 à 12 ans non vaccinés qui sont revenus dans les derniers jours au pays et qui n’ont pas eu à faire de dépistage à leur arrivée ou bien à qui on n’a pas remis de trousse de dépistage à domicile à réaliser le huitième jour après leur arrivée.

Certains se sont aussi fait dire par un agent des services frontaliers que la quarantaine était encore obligatoire, malgré le changement de règles depuis lundi.

Nesrine Bisa a aussi remarqué une application non systématique des règles en place à la lumière des milliers de commentaires, témoignages et questions de voyageurs qu’elle a lus ces derniers mois. C’est souvent très aléatoire. Ça dépend de l’agent sur qui on tombe à l’aéroport. Ça crée beaucoup de stress pour les voyageurs de ne pas savoir à quoi s’attendre, souligne-t-elle.

Elle demande que le gouvernement fédéral diffuse des informations plus complètes et facilite l’accès à de l’information fiable pour les personnes ayant des questions à poser.

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