Reconquérir le bitume en cinq initiatives vertes
Rémi Froment s'est fait un jardin au centre-ville de Montréal spécifiquement pour attirer les insectes, particulièrement les papillons monarques.
Photo : Radio-Canada / Pasquale Harrison-Julien
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Que ce soit sur un petit bout de balcon ou sur le toit d’un entrepôt grand comme un terrain de soccer, les actions se multiplient pour réanimer une biodiversité malmenée, diminuer les effets des gaz à effet de serre et réduire les îlots de chaleur là où le goudron est roi. Tour d’horizon de cinq initiatives qui vont de la guérilla jardinière à la politique institutionnelle.
Un jardin pollinisateur dans une mer de bitume
Si on ne baisse pas les yeux, les chances sont grandes de manquer la petite oasis fleurie de Rémi Froment, située à quelques pas de la gare d’autobus de Montréal. Entre le béton et le bitume, une cour située au niveau d'un demi-sous-sol offre aux passants une vue sur 200 types de fleurs.
« On a décidé de planter des fleurs qui attireraient des papillons. Je suis assez satisfait de me dire : j’ai donné une chance aux papillons qui sont passés par là de butiner, ou même aux abeilles, aux bourdons, de manger un peu. »
Les fleurs n’attirent pas que les insectes. Le voisinage et les passants sont nombreux à s’arrêter pour s’extasier devant ce jardin posé dans un milieu incongru. Ce que je trouve intéressant, c’est que des personnes de toutes sortes de classes sociales s’arrêtent. Et ça, j’aime bien. C’est un peu comme si ça ralliait les gens
, décrit Rémi Froment.
Ce qu’il espère, c’est que son geste soit imité par d’autres. Il ne faut pas oublier qu'ici, c’est juste une petite cour, mais c’est une petite cour parmi une grande superficie. À elle seule, elle ne fait peut-être pas beaucoup de choses, mais multipliée par plein de citoyens, ça peut avoir un impact positif.
Une version audio de ce reportage sera diffusée à Désautels le dimanche
Un espace de fraîcheur entre quatre chantiers
À Griffintown, un ancien centre industriel montréalais, le quartier se transforme depuis presque 20 ans pour accueillir à nouveau des résidents. Mais les parcs et les espaces verts se font attendre, si bien que le quartier se transforme en îlot de chaleur dans cet immense chantier à ciel ouvert.
Jonathan Cha, résident de l'endroit depuis huit ans, s’est approprié un passage qui mène à sa copropriété. Un lieu en théorie privé, mais emprunté par les piétons qui passent par là. Sur une trentaine de mètres, du lierre posé sur une pergola offre ombre et fraîcheur. Et sur une distance équivalente, 400 types de plantes, de fleurs et d’arbustes fruitiers ainsi qu’un petit potager bordent le sentier.
« C’est certain que l’ampleur du geste, ça fait en sorte qu’il a une portée politique. Ça montre le pouvoir citoyen. Ça montre aussi le pouvoir de l'espace vert ou du jardin, même dans un endroit où on ne l’attend pas. »
Et il voit les retombées de son travail de jardinier : des oiseaux et des insectes y sont désormais présents, ce qui n’était pas le cas avant, et la température baisse par les grands jours de chaleur. Autre bénéfice insoupçonné : les riverains inciviques ne déposent plus leurs ordures ou leurs vieux matelas à cet endroit.
Toutefois, Jonathan Cha reste modeste sur la portée de son geste. Il faut toujours mettre la priorité sur les grands gestes, les grands projets, qui sont portés par les gouvernements, qui sont portés par la Ville. Ça a un impact plus grand en matière de superficie et d’occupation
, ajoute-t-il.
Des « bombes » vertes pour la planète
À Cornwall, en Ontario, Kristen Campbell cherchait il y a quelques années une activité à faire avec sa fille. En écoutant des vidéos sur YouTube, elles ont eu l’idée de faire des bombes de graines, notamment avec de la glaise, puis de les lancer sur leur propre terrain et en bordure de certains sentiers. Résultat : presque sans effort, des fleurs sont apparues.
Puis, leur activité du dimanche s’est transformée en petite entreprise qui s’appelle aujourd’hui Radical Roots. Kristen et sa fille vendent leurs bombes de graines sur le web et dans des marchés fermiers.
« À ce jour, nous avons vendu 40 000 bombes de graines au Canada seulement. Ma mission, c’est d'outiller les gens pour leur donner une façon de participer à un effort de conservation. Oui, on peut recycler, composter, et c’est chouette de le faire, mais c’est plus difficile de sentir qu’on participe réellement. Avec des bombes de graines, on peut voir le résultat. »
Ses clients, majoritairement résidents de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, lui envoient régulièrement des photos des fleurs qui proviennent de ses bombes de graines
. Plus récemment, elle a commencé à travailler avec différents gouvernements et ONG pour fleurir des espaces publics.
Des microforêts pour reboiser les parcs
Le concept de microforêt, né au Japon, s’appelle la méthode Miyawaki. Son but : recréer un écosystème basé sur les principes d’une forêt naturelle en plantant un grand nombre d’arbres et d’arbustes sur une petite superficie. Au début du mois de juin, l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie a transposé le concept dans deux de ses parcs : Père-Marquette et Pélican.
« Ça fait en sorte que les arbres et les espèces poussent beaucoup plus rapidement, demandent beaucoup moins d’entretien et sont plus résilients. Donc, on va se retrouver rapidement avec une petite forêt. »
Historiquement, de nombreux parcs de la métropole ont été imaginés pour accueillir des terrains de sports et manquent d’endroits ombragés.
Maintenant, on a une conscience complètement différente de l’utilisation des parcs. Surtout avec la COVID. Pour les gens qui n’ont pas de cour, c’est devenu l’endroit où se rencontrer. Et ils cherchent de l’ombre
, explique François Croteau. Il mise aussi sur la présence d’arbres pour capter davantage de carbone.
Arbre-Évolution, une coopérative qui a épaulé l’arrondissement montréalais dans la création des microforêts, ne chôme pas cet été devant l’engouement partout au Québec pour des projets de verdissement du genre. C’est peut-être un beau problème, maintenant. On ne peut pas fournir des arbres à toutes les municipalités qui nous envoient des projets
, explique Julien Hamelin-Lalonde, chargé de projet chez Arbre-Évolution.
Un toit végétal pour répondre aux changements climatiques
Lors de l’inauguration du métro, la Société de transport de Montréal (STM) – qui s’appelait alors la CTCUM – avait accordé une grande importance à l’architecture des stations, mais pas à leur intégration dans l’environnement. Ce à quoi tente de remédier le chef de la section architecture de la STM, Riccardo Di Marco. Il mise notamment sur la construction de toits végétalisés sur quatre bâtiments de la STM.
« Le toit va servir de filtre naturel. Il va pouvoir absorber l’eau de pluie. Il va aussi amener une nouvelle biodiversité, qui s’installera dans le quartier. C’est également une bonne façon de réduire les îlots de chaleur. »
Si une toiture verte coûte presque deux fois plus cher qu’une toiture standard, il y a des économies à faire, selon Riccardo Di Marco. L’été, le bâtiment du centre Stinson, qui possède le plus grand toit végétalisé de la société de transport, affiche une température de 5 degrés moins élevée que la normale. L’hiver, les coûts de chauffage baissent de 25 % dans cet établissement d’une superficie plus grande qu’un terrain de soccer.