La prochaine vague, la pandémie des non-vaccinés
Il sera difficile pour les personnes non vaccinées d'éviter le variant Delta, avertissent les experts en santé publique.

Depuis les dernières semaines, les personnes hospitalisées en raison de la COVID-19 sont majoritairement non vaccinées.
Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le nombre de cas de COVID-19 commence de nouveau à remonter au Canada, à l’instar de ce qui se passe en Europe et aux États-Unis. Et cette fois, il est clair que le virus a son œil sur ceux qui n’ont pas reçu deux doses du vaccin.
Depuis quelques semaines, le président des États-Unis, Joe Biden, le répète souvent : Cette nouvelle vague sera la pandémie des non-vaccinés.
Le Dr David Fisman, professeur à l'École de santé publique Dalla Lana, à l'Université de Toronto, croit que ce phénomène sera le même au Canada. Je crois que nous allons connaître une vague parallèle qui va durement frapper ceux qui ne sont pas vaccinés. Ces personnes ne pourront pas échapper au virus cet automne.
Oui, la campagne de vaccination au Canada est l’une des plus efficaces au monde, mais la bataille n’est pas encore gagnée, rappelle le Dr Fisman.
« Il faut faire très attention. Quand on dit que 70 % à 80 % de la population est vaccinée, c’est merveilleux, mais c’est quand même entre 8 et 11 millions de Canadiens qui ne sont pas vaccinés. »
C’est suffisamment de personnes vulnérables à la maladie qui risquent d’engorger le système de santé si elles sont infectées, précise l'épidémiologiste.
Des données frappantes
Les données ne mentent pas; la résurgence des cas de COVID-19 est clairement alimentée par les personnes non ou sous-vaccinées.
Par exemple, au Canada, depuis le début de la campagne de vaccination le 14 décembre 2020, la majorité (89,7 %) des cas sont survenus chez des personnes non vaccinées.
Oui, certaines personnes seront infectées même après avoir reçu deux doses, mais le nombre demeure très bas, dit Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l'UQAM et spécialiste en virologie.
Au Canada, seulement 0,5 % des infections depuis janvier touchent des personnes doublement vaccinées.
En date du 10 juillet, parmi les 7,8 millions de Canadiens entièrement vaccinés, moins de 3000 personnes (0,04 %) ont reçu un diagnostic de COVID-19.
Les Canadiens non vaccinés comptent pour 85 % des hospitalisations et 82 % des décès au Canada.
Environ 90 % des cas et des hospitalisations au Québec sont des personnes non vaccinées ou ayant reçu une seule dose.
En Ontario, 95,4 % des cas, 92,6 % des hospitalisations et 92,3 % des décès depuis décembre sont des personnes non ou sous-vaccinées.
En Alberta, 94,7 % des cas, 92,1 % des hospitalisations et 86,9 % des décès depuis janvier sont des personnes non ou sous-vaccinées.
En Colombie-Britannique, la moitié des personnes infectées au cours de la dernière semaine avaient entre 15 et 29 ans, et 95 % des cas étaient des personnes non ou sous-vaccinées. Toutes les personnes aux soins intensifs en raison de la COVID-19 n’avaient pas été vaccinées.
Le portrait est le même aux États-Unis : la moitié des nouveaux cas de la dernière semaine proviennent de sept États, ont les taux de vaccination sont parmi les plus bas.
Selon la Kaiser Family Foundation, 94 % des cas, hospitalisations et décès aux États-Unis sont parmi ceux qui ne sont pas vaccinés ou qui ont reçu une seule dose.
La Floride, qui compte le quart des quelque 100 000 cas quotidiens aux États-Unis, continue de battre de nouveaux records d’hospitalisations – soit plus de 12 000 par jour. En comparaison, au Canada, au plus fort de la pandémie, 5000 personnes étaient hospitalisées en raison de la COVID-19.
La moitié des personnes hospitalisées en raison de la COVID-19 en Floride ont entre 25 et 55 ans, et 96 % d’entre elles ne sont pas vaccinées, selon la Florida Hospital Association.
En Arkansas, au cours de la dernière semaine de juillet, 90 % des nouvelles infections, 91 % des hospitalisations et 85 % des décès concernaient des personnes non vaccinées.
En juillet, en Espagne, 11,4 % des nouveaux cas sont des personnes qui ont reçu une dose; 83,1 % n'avaient pas été vaccinés.
Le 19 juillet dernier, le chef scientifique de l’Angleterre a indiqué que 60 % des hospitalisations étaient le fait des personnes non vaccinées.
Le variant Delta frappera durement les non-vaccinés
Benoit Barbeau ajoute que les gens non vaccinés sont non seulement plus à risque d'être infectés, mais aussi plus susceptibles d’avoir des symptômes graves et d’être hospitalisés s’ils sont infectés par le variant Delta. C'est criant, le variant est beaucoup plus transmissible et il déferle à travers ces îlots de personnes non vaccinées. Le virus va créer des éclosions importantes dans ces groupes.
Jeudi, le premier ministre du Québec François Legault a d’ailleurs lancé un avertissement aux personnes non vaccinées : Vous vous mettez à risque et vous mettez à risque l'ensemble de la société.
Les hôpitaux au Royaume-Uni et aux États-Unis rapportent que les patients sont de plus en plus jeunes et de plus en plus malades. Selon des études préliminaires, le risque d’hospitalisation pourrait être jusqu’à deux fois plus élevé pour le variant Delta que pour le variant Alpha.
Selon le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario, les personnes non vaccinées sont huit fois plus susceptibles d’être infectées, et les personnes de 60 ans sont 15 fois plus susceptibles d'être hospitalisées en raison de la COVID-19.
Selon l’Agence de santé publique du Canada, les personnes entièrement vaccinées étaient 70 % moins susceptibles d’être hospitalisées et 50 % moins susceptibles de mourir des suites de la maladie.
« Le message est clair : le vaccin donne un bénéfice extraordinaire à ceux qui acceptent de le recevoir. »
Doit-on rendre la vaccination obligatoire?
Selon le Dr Fisman, les personnes vaccinées commencent à s’impatienter devant celles qui hésitent à se faire vacciner. Nous sommes dans une situation où la majorité des Canadiens qui souhaitent être vaccinés l’ont été. Ça sera très difficile, s’il y a une nouvelle vague, d’imposer de nouvelles mesures et des restrictions à tous. Les personnes vaccinées ne voudront pas subir les conséquences à cause d’une minorité qui résiste.
Il croit qu'il serait nécessaire d’imposer des passeports vaccinaux et d'obliger certains groupes à se faire vacciner – particulièrement les travailleurs de la santé – pour éviter d'attiser la colère des personnes vaccinées.
Considérant l’impact sur l’économie et le système de santé, c’est une évidence de vacciner les personnes qui interagissent avec les personnes les plus vulnérables. Ne pas le faire est complètement insensé
, dit le Dr Fisman.
Il croit par ailleurs que les passeports vaccinaux convaincront un certain pourcentage de gens de se faire vacciner.
« Certaines personnes résistent parce qu’il n’y avait pas de conséquences ou d’inconvénients à le faire. »
« La pandémie n'est pas finie »
Si la démographie de la prochaine vague risque d’être différente, l’impact sur le système de santé pourrait être tout aussi grand.
C’est pourquoi ces deux experts croient que les autorités doivent relâcher les mesures de façon graduelle, sans quoi, la vague risque d’être bien pire que ce qu’elles imaginent. Le port du masque et la distanciation physique sont de mise dans les lieux publics, même si le taux de vaccination est élevé.
« Nous savons que nous ne sommes pas tirés d'affaire. Il y a encore beaucoup d’inconnues. Nous sommes dans la dernière phase de la pandémie. Je crois qu’il faut agir avec prudence. »
Selon Benoit Barbeau, il faudra non seulement surveiller de près les régions où le taux de vaccination n’est pas élevé, mais aussi le nombre global de cas. Ce virus – comme tous les virus –, plus il se propage, plus il mute. Si on a 3000-4000 cas par jour [au Canada], le virus… pourrait s’adapter au vaccin…
, avertit-il.
Et c’est ce qui inquiète les experts en ce moment : l’émergence d’un variant qui échappe aux vaccins causée par une vague importante d’infections parmi les personnes non vaccinées.
Il ne faut pas penser que la pandémie est finie et que tout est réglé
, dit Benoit Barbeau. Il faut pousser l’idée d'avoir une couverture vaccinale qui est au maximum.
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