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Inondations, sécheresses, canicules : l'été 2021 est un aperçu de ce qui nous attend

Des personnes portant des parapluies marchent dans l'eau jusqu'à la taille.

Zhengzhou, capitale de la populeuse province chinoise du Henan, a été frappée par des précipitations extrêmes, qui ont forcé l'évacuation de 200 000 personnes.

Photo : Reuters / CHINA DAILY

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Si quelqu’un avait encore des doutes sur la réalité des changements climatiques, cet été les a clairement dissipés. Inondations en Allemagne et en Chine, chaleur extrême dans l’ouest du Canada, feux de forêt hors de contrôle en Californie et en Sibérie, sécheresse en Iran et en Argentine : le climat semble complètement détraqué.

Ce qu'on vient de vivre cet été est exceptionnel à tout point de vue, observe Philippe Gachon, professeur au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur du Centre pour l'étude et la simulation du climat à l'échelle régionale (ESCER).

Cinquante degrés dans le désert du Sahara, c’est une chose, mais nous n'avons jamais vu, historiquement, des températures de 50 degrés Celsius à 50 degrés [de latitude] Nord. Cela n'a jamais existé ou, en tous les cas, on ne les a jamais enregistrées.

« 50 degrés Celsius à 50 degrés de latitude nord : la seule façon que cela est possible, c'est parce qu'il y a quelque chose dans le système qui est déréglé. »

— Une citation de  Philippe Gachon, professeur au Département de géographie de l'UQAM

42,5 degrés à Seattle, 46 degrés à Portland : à la fin du mois de juin, plusieurs villes du Nord-Ouest américain ont enregistré des températures inédites.

L’ouest du Canada n’a pas été épargné. Le village de Lytton, en Colombie-Britannique, a établi un record canadien avec 49,6 degrés. Le Service des coroners de Colombie-Britannique soupçonne cette chaleur inaccoutumée d'avoir contribué à au moins 815 morts subites.

Deux personnes sont debout à la plage avec des gratte-ciel derrière.

Il a fait 46,6 degrés à Vancouver lors de la vague de chaleur qui a frappé le nord-ouest du continent pendant une semaine, à la fin juin.

Photo : Ben Nelms / CBC

Faron Anslow, climatologue au Pacific Climate Impacts Consortium, à Victoria, est coauteur d’une étude, publiée par le World Weather Attribution (Nouvelle fenêtre) (en anglais), qui démontre que cette vague de chaleur aurait été pratiquement impossible sans les changements climatiques.

Le changement climatique a rendu cet événement environ 150 fois plus probable, affirme M. Anslow. Cela ne veut pas dire que c'était impossible avant, mais on aurait dû attendre très longtemps pour vivre un événement semblable et il aurait fallu un ensemble de circonstances vraiment très spéciales pour qu’il se produise.

Des enfants se baignant dans un lac.

L’année dernière, la Sibérie avait vécu une vague de chaleur extrême alors qu'il a fait 38 °C à Verkhoyansk, une ville située au-dessus du cercle arctique, à environ 4660 km au nord-est de Moscou.

Photo : The Associated Press / Olga Burtseva

Selon l’étude, un tel événement de chaleur extrême, qui ne devrait survenir qu'une fois en 1000 ans, aurait lieu plutôt tous les 5 à 10 ans dans un monde plus chaud de deux degrés, ce que nous pourrions atteindre dès 2040 avec le niveau d'émissions de gaz à effet de serre (GES) actuel.

Les scientifiques préviennent depuis longtemps que les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les pluies intenses et les ouragans, sont appelés à se multiplier avec les changements climatiques.

« Nous avons eu un aperçu de ce qui nous attend vers le milieu du siècle. »

— Une citation de  Faron Anslow, climatologue au Pacific Climate Impacts Consortium

[Les événements extrêmes] se produisent avec une vitesse et une rapidité qu'on n'avait pas anticipées, affirme M. Gachon. On savait que les canicules surviendraient de façon plus exacerbée, plus intense, mais on pensait que ça arriverait plus tard au cours du 21e siècle.

Des pluies dévastatrices

Des secours sont organisés sur une autoroute inondée

Des opérations de sauvetage ont eu lieu sur une partie inondée et endommagée d’une autoroute allemande. Les violentes crues de la nuit du 14 au 15 juillet ont aussi touché le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique.

Photo : Getty Images / Sascha Schuermann

Qu’en est-il des pluies diluviennes en Europe et en Chine? Si la quantité d’eau tombée en un si court laps de temps était exceptionnelle, ce genre d’événements correspond à la nouvelle normalité dans un climat changeant, précise M. Anslow, qui mène actuellement une étude sur le débit record des rivières en Allemagne et en Belgique lors des pluies de juillet.

Dans une atmosphère qui se réchauffe, l'air est capable de retenir plus d'humidité, alors quand il y a enfin des précipitations, il tombe une énorme quantité d’eau, ce qui entraîne des inondations comme celles que nous avons vues, ajoute-t-il.

Dans la province du Henan, en Chine, il est tombé en trois jours l’équivalent de près d’une année de précipitations. Des tunnels routiers et une partie du métro de Zhengzhou, la métropole, ont été inondés. Au moins 71 personnes sont mortes.

Quand il y a des précipitations d’une telle intensité, l’eau ne peut plus s'infiltrer dans le sol, qui est saturé, et finalement, ce qui tombe en surplus, ça ruisselle et ça va directement dans les cours d'eau, explique Alain Mailhot, professeur d'hydrologie urbaine à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Les cours d'eau grossissent, se gonflent, et c’est ce qui provoque des inondations.

« Ce qu'ont vécu l'Allemagne et la Chine, si ça avait frappé ici, ça aurait aussi causé des dommages; peut-être pas autant, parce qu'on est moins densément peuplés, mais ça aurait causé des dommages. »

— Une citation de  Alain Mailhot, professeur d'hydrologie urbaine à l’INRS

Bien sûr, il y a toujours eu des sécheresses, des inondations et des feux de forêt, mais jamais de cette ampleur ni à cette fréquence, notent les chercheurs. Qui plus est, les autres événements naturels, eux, ne sont pas en augmentation, remarque M. Gachon.

Il n'y a pas d'augmentation du nombre de tsunamis, de tremblements de terre et d’éruptions de volcans à travers le monde; la seule tendance qui est notable, c'est que les phénomènes comme les tempêtes, les inondations, les vagues de chaleur et les sécheresses augmentent de façon exponentielle, précise-t-il.

La Terre va connaître de bonnes et de mauvaises années, remarque Faron Anslow. C'est un processus aléatoire. Si vous lancez une pièce, vous pouvez tomber sur face plusieurs fois de suite, cela ne signifie pas que la pièce est truquée; c'est juste une question de chance.

C’est une combinaison des changements climatiques et de beaucoup de malchance qui explique que tous ces événements se produisent cette année.

Graphique concernant l'occurence des désastres hydrologiques.

Entre 1987 et 1998, on a enregistré une moyenne de 195 désastres hydrométéorologiques par année. La courbe augmente brusquement à partir des années 2000.

Photo : Base de données internationale des catastrophes du Centre de recherche de l’épidémiologie des désastres de l'Université catholique de Louvain

Le Canada et le Québec sont-ils à risque?

Le Canada est l'un des pays les plus touchés par les changements climatiques. Il se réchauffe, en moyenne, à un rythme deux fois plus élevé que le reste de la planète, et le Nord canadien se réchauffe encore plus rapidement.

Pour les gens qui habitent dans le nord du Québec, les changements climatiques, ce n'est pas de la science-fiction, constate Alain Mailhot. Ils ont les deux pieds dedans.

Des hivers plus courts, la fonte du pergélisol et les glissements de terrain, entre autres, sont déjà une réalité.

Une pancarte indique que la patinoire est fermée.

La période d'ouverture des patinoires extérieures au Québec a grandement diminué à cause du réchauffement climatique.

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

Dans les régions plus au sud, les étés sont plus chauds et les hivers moins froids. Des précipitations sous forme de pluie en plein mois de février pourraient facilement entraîner des inondations même en hiver, explique M. Mailhot.

Des événements extrêmes comme les pluies diluviennes ou les vagues de chaleur pourraient-ils survenir à l'est du Canada?

Il n’y a aucune raison pour que ça n'arrive pas, répond Alain Mailhot. Quand on pense au déluge du Saguenay, c'est un très bel exemple. Des centaines de millimètres d'eau sont tombés en deux ou trois jours, causant des dommages considérables.

« Ça peut arriver et ça va arriver. Les modèles climatiques sont quasi unanimes : c'est très fortement vraisemblable que ce genre d'événement arrive plus souvent dans le futur. »

— Une citation de  Alain Mailhot, professeur d'hydrologie urbaine à l’INRS

Une meilleure préparation

Il n’y a pas de doute que nous allons vivre sur une planète de plus en plus chaude, mais cela variera d’année en année et de saison en saison, souligne Faron Anslow. Une année, ce seront les inondations, puis la suivante, une vague de chaleur ou la sécheresse, explique-t-il. Cela rend la planification vraiment difficile.

Il faut donc faire une analyse de risques à partir des prévisions des climatologues, pense-t-il, et prendre des décisions selon l’impact que pourraient avoir les événements.

Un champ de blé de la ferme biologique familiale Loiselle à Vonda, en Saskatchewan.

Le manque de pluie et les chaleurs extrêmes ont ravagé les cultures dans une grande partie de la Saskatchewan.

Photo : Marc Loiselle

Les agriculteurs de l’Ouest, qui ont beaucoup souffert lors de la dernière canicule, pourraient, par exemple, planter des cultures mieux adaptées à la chaleur. Ils devront également prendre en compte les besoins d’irrigation. Des groupes de travail se penchent déjà sur la question. La demande d’électricité liée à la climatisation devra aussi être revue.

L'est du Canada n'étant à l'abri ni des pluies diluviennes ni des vagues de chaleur, il est grand temps de nous préparer ici aussi, croit Philippe Gachon.

On devrait notamment développer des systèmes d'alerte qui ne soient pas seulement basés sur des critères météorologiques ou hydrologiques, mais aussi sur les possibles conséquences des événements, affirme M. Gachon.

« Vingt millimètres de pluie qui tombent sur un sol saturé, ce n'est pas du tout la même chose que vingt millimètres qui tombent sur un sol qui peut en prendre. L’impact ne sera pas le même. »

— Une citation de  Philippe Gachon, professeur au Département de géographie de l'UQAM
Une maison blanche au milieu des flots déchaînés.

Des pluies diluviennes se sont abattues sur le Saguenay entre le 18 et le 21 juillet 1996 provoquant le débordement de plusieurs rivières.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

C’est ce qui est arrivé au Saguenay en 1996, rappelle-t-il. Il y a eu des précipitations très abondantes, mais surtout un mois de juillet qui avait été plus humide. Il avait plu pas mal, les sols étaient saturés et les rivières n’étaient plus capables d'en prendre.

Et à moyen terme, il faut, bien sûr, éviter de construire (ou de reconstruire) en zone inondable.

Plus facile à dire qu’à faire, cependant. Convaincre les résidents des régions ensevelies sous les eaux d'aller s'établir ailleurs n'est pas simple, observe M. Mailhot.

« On parle des inondations en Allemagne et en Chine comme si c'était une autre planète, alors que ça peut très bien arriver ici. Il n'y a aucune raison de penser qu'on est à l'abri de ça. Le passé l'a bien montré. »

— Une citation de  Alain Mailhot, professeur d'hydrologie urbaine à l’INRS

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