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Des capteurs de CO2 dans des commerces pour réduire le risque de COVID-19

Québec promet d'équiper les écoles avec des capteurs de CO2, mais qu’en est-il des commerces, restaurants et autres endroits où se déroulent des rassemblements intérieurs?

Portrait de Nina Djavanmard devant la grande fenêtre de son café où des plantes sont posées.

Pendant l'été, Nina Djavanmard garde les fenêtres grandes ouvertes dans son café Byblos à Montréal. Cet hiver, elle espère que l'installation d'un capteur de CO2 lui permettra de mieux contrôler la qualité de l'air et de prévenir des éclosions de COVID-19.

Photo : Ivanoh Demers

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Dans le cadre d’un projet pilote du groupe COVID-STOP, des commerces montréalais ont installé des capteurs de dioxyde de carbone (CO2) dans leurs bâtiments dans l’espoir d’éviter des éclosions et de démontrer à quel point la ventilation peut jouer un rôle protecteur dans le contrôle de la pandémie.

Au Québec, on a récemment augmenté la capacité des bars, des restaurants et des salles de spectacle, et bientôt le masque pourrait ne plus être obligatoire à l'intérieur. Ce sont des lieux où la transmission est possible, dit Nimâ Machouf, épidémiologiste. On veut proposer des façons d’ouvrir en toute sécurité.

Si la vaccination est une arme essentielle dans la lutte contre la COVID-19, Nancy Delagrave, physicienne et coordonnatrice scientifique de COVID-STOP, rappelle qu’il faut plusieurs types d’intervention pour venir à bout de la pandémie. La ventilation est une façon peu coûteuse de combattre le virus. Et ça va fonctionner, peu importe le variant. Si on avait investi 1 % de l’énergie qu’on a mise dans la vaccination sur la ventilation, on serait ailleurs..., dit celle qui a proposé ce projet pilote.

Au café Byblos, sur la rue Laurier à Montréal, avec la chaleur estivale, les fenêtres sont grandes ouvertes. Mais la propriétaire, Nina Djavanmard, a accepté d’installer un capteur de CO2, sachant que la situation risque d’être différente à l’automne. Je me doutais que la qualité et la circulation de l’air seraient bonnes avec les fenêtres ouvertes. J’ai hâte de voir [la qualité de l’air] cet hiver quand elles seront fermées.

Elle ajoute qu’il est de plus en plus difficile de demander aux clients de porter le masque lorsqu’ils ne sont pas attablés. Pouvoir mesurer la qualité de l’air dans son café lui redonne un peu plus de contrôle, dit la propriétaire.

Mme Djavanmard espère qu’en mesurant la qualité de l’air, elle pourra protéger ses employés et convaincre le gouvernement de ne pas tout refermer si les cas augmentent à l’automne. Ça sera un argument de plus, dit-elle.

Des petits appareils simples à utiliser

Un appareil noir fixé au mur, près d'un cabaret de verres.

Ce petit capteur mesure les niveaux de CO2 dans une pièce. La lumière est verte si les niveaux sont sous 1000 ppm, et rouge s'ils sont au-dessus de ce seuil.

Photo : Ivanoh Demers

Il faut rappeler que le SRAS-CoV-2 se transmet principalement par l'air. S’il n’est pas possible de déterminer avec exactitude combien de particules virales sont dans une pièce ou un bâtiment, mesurer la quantité de CO2 est une façon indirecte de mesurer le risque de propagation d’un virus. Les personnes infectieuses expirent des particules virales en même temps qu'elles expirent du dioxyde de carbone. Ainsi, le taux de CO2 peut être un indicateur de la quantité de particules virales présentes dans l’air.

Les capteurs ont été conçus par André Courchesne. Avant la pandémie, cet informaticien a vendu des capteurs à des agriculteurs aux États-Unis qui voulaient mesurer les taux de CO2 pour optimiser la croissance des plantes dans leurs serres.

Celui-ci avait été surpris par la façon un peu archaïque utilisée par le gouvernement du Québec pour mesurer la qualité de l’air dans les écoles cet hiver. Par exemple, les mesures prises par les gouvernements étaient faites de façon ponctuelle et avec une méthodologie divergente. Ils n’ont pas regardé les tendances. Ils n’ont pas vu l’effet sur plusieurs heures, plusieurs jours, déplore M. Courchesne.

Les capteurs utilisés dans le cadre de ce projet pilote mesurent les taux de CO2 toutes les 15 minutes et les données sont stockées dans un nuage informatique.

Les courbes peuvent être facilement affichées sur une tablette ou un écran dans le commerce, et il est même possible de télécharger les données grâce à un code QR. Les capteurs ont une petite lumière qui devient rouge lorsque les taux de CO2 sont au-delà des normes recommandées.

« Comme ça, vous pourrez juger de la qualité de l’air d’un endroit comme on juge la qualité d’un repas dans un restaurant. »

— Une citation de  Nimâ Machouf, épidémiologiste

Mme Djavanmard dit que l’appareil est simple et peu intrusif. Chaque fois que je passe à côté, je regarde si la lumière est verte.

Ailleurs dans le monde

Le projet de COVID-STOP s’inspire notamment de la Belgique, où les restaurants, les bars, les gyms, les piscines et les commerces doivent tous installer des capteurs de CO2 et afficher publiquement la qualité de l’air dans leur bâtiment. Si les capteurs affichent des niveaux entre 900 et 1200 parties par million (ppm), les propriétaires sont tenus d’agir. Si les taux demeurent élevés, un inspecteur sera envoyé sur place. Des amendes sont prévues envers les propriétaires récalcitrants.

Le Royaume-Uni suggère aussi l’utilisation de ce type de capteur aux commerçants, sans toutefois l’imposer.

Le Japon utilisait ces appareils avant même le début de la pandémie, surtout en raison de l’importante pollution atmosphérique. Par exemple, certains cinémas affichent le taux de CO2 à l’entrée des salles.

Un écran montre le nombre de parties par million pour le CO2 dans chaque salle de cinéma.

Au Japon, des cinémas affichent les taux de CO2 dans chaque salle.

Photo : Twitter / @NOGjp

Le groupe espère convaincre d’autres commerces d’installer ces capteurs, qui coûtent environ 200 $.

Mme Machouf rappelle que de nombreux restaurants et lieux de travail ont dû fermer en raison d’éclosions, un coup dur pour des commerces qui peinent déjà à survivre avec la pandémie.

C’est une mesure pour les rendre plus autonomes, et pour qu’ils puissent contrôler leur environnement et offrir un environnement sain.

Quelles sont les normes de CO2 acceptables?

Les capteurs permettent aux commerçants de prendre conscience de la qualité de l’air que respirent leurs clients et leurs employés, dit la physicienne Nancy Delagrave. Il s’agit d’un mouvement de transparence et de visualisation du risque.

Mais afficher les taux de CO2 doit aussi être accompagné d’éducation. La majorité des gens ne savent pas ce que ça veut dire et quelles sont les limites sécuritaires, explique Mme Delagrave.

Malheureusement, les consignes données aux commerces, et les messages envoyés à la population, c’est qu’il n’y a presque pas de transmission aérienne et qu’il faut se laver les mains. Tout ça a retardé la compréhension, déplore Mme Delagrave.

Une personne tient un téléphone sur lequel apparaît un graphique des niveaux de CO2 mesurés sur plusieurs jours.

Il est possible de consulter l'historique des données, pour aider les commerçants à voir si les mesures qu'ils prennent, comme ouvrir les fenêtres, ont un impact sur la qualité de l'air. Ici, on voit un graphique provenant d'un capteur de l'Université de Santiago au Chili, qui propose elle aussi d'utiliser des capteurs de CO2 pour réduire les risques de propagation de la COVID-19.

Photo : Reuters / IVAN ALVARADO

Selon l'American Society of Heating, Refrigeration and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE), lorsque les taux de CO2 sont trop élevés, les gens commencent à ressentir une certaine fatigue, des maux de tête, de la chaleur.

Tout le monde qui a été dans une salle de conférence remplie de monde a connu ces symptômes. Mais on ne les associe pas à la qualité de l’air, explique l'ingénieure en bâtiment Manuelle Croft.

ASHRAE oriente la conception des systèmes pour maintenir autour de 1000 ppm. La CSST, fixe la limite maximale à 5000 ppm pendant 8 heures, précise Mme Croft.

Mme Croft estime que ces normes pourraient être resserrées lorsque le virus circule beaucoup dans la communauté ou s’il y a de nombreuses éclosions.

Le taux de ventilation devrait être ajusté en fonction du nombre de personnes dans une pièce et selon l'activité. La transmission sera différente si tu as 30 ados qui expirent en même temps dans un cours d’éducation physique comparativement à quelques personnes, dans un bureau, qui ne bougent pas, dit Mme Croft.

Lorsqu’on parle de virus respiratoires, comme la COVID-19, Nancy Delagrave rappelle que, plus un virus est contagieux, plus le taux de CO2 doit être bas pour éviter la transmission.

« Avec le variant Delta, les études montrent que la charge virale est 1000 fois supérieure à la souche originale. Donc, il est mieux de viser des taux plus bas. »

— Une citation de  Nancy Delagrave, physicienne

Par exemple, une étude dans des écoles à Taïwan aux prises avec des éclosions de tuberculose a montré que, lorsqu’on a réduit de 3000 ppm à 600 ppm les taux de CO2, les cas ont diminué de 97 %.

Mme Delagrave indique qu’on pourrait éviter des éclosions importantes, comme celle au Méga Fitness à Québec, en améliorant la ventilation dans les lieux clos cet automne.

Les capteurs de CO2 sont un des éléments qui pourraient avoir un grand impact pour maîtriser les éclosions, dit Mme Croft.

Que faire lorsque les taux de CO2 sont trop élevés?

Il y a plusieurs solutions simples, explique Mme Croft. Comme nous, les bâtiments doivent respirer. Il faut leur apporter de l’air extérieur, dit-elle.

Ouvrir les fenêtres et partir la ventilation (extracteur de salle de bain ou les hottes dans une cuisine, par exemple) sont les premiers gestes à poser.

Si ces mesures ne sont pas suffisantes, c’est signe qu’il y a des problèmes dans le système de ventilation mécanique du bâtiment. Un système de ventilation a plusieurs composantes et il suffit qu’un de ces morceaux soit défaillant ou mal calibré pour que la ventilation ne soit pas adéquate, précise Mme Croft.

Et selon cette ingénieure en bâtiment, un grand nombre de commerces et d’édifices ont des systèmes de ventilation qui ne sont pas fonctionnels ou qui sont mal ajustés.

« Le fait d’avoir des données sur la qualité de l’air nous donne un indicateur et peut nous aider à mettre le doigt sur le problème. Ça nous aide à gérer les risques et à avoir une meilleure maîtrise de la situation. »

— Une citation de  Manuelle Croft, ingénieure en bâtiment

Mme Croft croit qu’au cours des dernières années, le public a été beaucoup plus sensibilisé à la question de la consommation d’énergie qu’à la qualité de l’air. La pandémie a changé la donne. Avant, la ventilation, c’était un mal nécessaire. Maintenant, les gens commencent à voir que c’est une bonne chose, la qualité de l’air.

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