Un prêtre mis à l'écart après des propos offensants sur les survivants des pensionnats
Dans une déclaration vidéo publiée sur la page Facebook de l’archidiocèse, Mgr LeGatt « renie » et « désavoue » les paroles du prêtre, qui ne peut plus prêcher et enseigner de façon temporaire.
Le prêtre Rhéal Forest a affirmé que des survivants mentent au sujet des agressions subies dans les pensionnats pour Autochtones.
Photo : Facebook / St. Emile Parish
L’archidiocèse de Saint-Boniface interdit à l’un de ses prêtres de prendre la parole en public, de prêcher et d’enseigner, à la suite de propos offensants qu’il a tenus à l’égard des survivants des pensionnats pour Autochtones.
Dans un sermon prononcé devant les paroissiens de l’église St. Emile, à Winnipeg, le 10 juillet, le prêtre, Rhéal Forest, a affirmé que des survivants des pensionnats mentent au sujet des abus sexuels pour obtenir plus d’argent du processus de règlement avec le gouvernement fédéral.
S’ils voulaient de l’argent supplémentaire, sur les sommes déjà données, ils devaient parfois mentir. Mentir sur le fait qu’ils avaient été abusés sexuellement et, hop, 50 000 $ de plus. C’est assez difficile de ne pas mentir quand on est pauvre
, a-t-il dit.
Rhéal Forest a aussi reproché aux Autochtones et aux médias de répandre des faussetés sur les pensionnats.
Il a ajouté que tous les Autochtones qu’il a connus au cours de ses 22 années de service dans le Nord aimaient les pensionnats. Il a reconnu que quelques-uns avaient été maltraités, en affirmant qu’une partie des mauvais traitements devait être imputée aux gardiens laïques plutôt qu'aux religieuses ou aux prêtres.
Regardez le sermon du père Rhéal Forest, en anglais (attention, certains propos pourraient choquer) :

Father Rheal Forest delivers a sermon at St. Emile Roman Catholic Church in Winnipeg on July 10, one of several in which he made unfounded accusations about residential school survivors. (St. Emile Parish/Facebook)
Photo : St. Emile Parish/Facebook
Ces déclarations ont été faites pendant des messes célébrées à l’église catholique romaine de St. Emile, alors qu'il remplaçait le père Gerry Sembrano, qui était en vacances. Les messes célébrées par Rhéal Forest ont été publiées sur Facebook.
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Si j’avais eu un fusil, je leur aurais tiré dessus
Dans son rapport de 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada relève plus de 40 condamnations d’anciens membres du personnel des pensionnats qui ont commis des violences sexuelles ou physiques envers des élèves. Au 31 janvier de la même année, elle avait reçu près de 38 000 réclamations relatives à des traumatismes résultant de violences physiques et sexuelles dans les pensionnats.
Lors de la messe célébrée le 18 juillet, le père Forest a évoqué une autre paroisse de Winnipeg récemment vandalisée par l'inscription des mots Save the children
, une expression utilisée en référence aux pensionnats.
Alors que je passais tout près, j'ai ressenti de la colère. Si j’avais eu un fusil et les avais vus, j’aurais été : Boum! juste pour les effrayer, et s’ils ne s’étaient pas enfuis, je leur aurais tiré dessus
, a-t-il dit en riant dans son sermon.
ll s’est ensuite repris en ajoutant : Mais ça n'aiderait pas, c’est mal de faire ça. J’irais plutôt leur parler.
Il a ensuite blâmé les médias qui, selon lui, font croire aux vandales que l’Église catholique a tué des enfants des pensionnats pour Autochtones.
Des paroles fausses
et dommageables, dit l’archidiocèse
CBC a fait une demande à l’archidiocèse de Saint-Boniface pour une entrevue avec Rhéal Forest. L’archidiocèse étudie la demande.
L’archidiocèse a été informé des commentaires lundi, quand CBC lui a signalé la teneur des vidéos. Ces dernières ont été retirées depuis, a fait savoir Daniel Bahuaud, porte-parole de l’archidiocèse et de l’archevêque Albert LeGatt.
Dans une déclaration vidéo à ce sujet publiée sur la page Facebook de l’archidiocèse jeudi, Mgr LeGatt renie
et désavoue
les paroles du prêtre.
Les paroles de cette homélie ont vraiment causé beaucoup, beaucoup de dommages, mais pas seulement des dommages, elles sont fausses, ce qu’il dit est faux
, affirme l’archevêque. Dans leur fausseté, [ces paroles] apportent énormément de douleur et de peine.

Monseigneur Albert Legatt, archevêque de Saint-Boniface, réagit sur les propos des pensionnats pour Autochtones dans le sermon de l'abbé Rhéal Forest du 10 juillet 2021.
Photo : Radio-Canada / Facebook / Archidiocèse de Saint-Boniface
Il souligne que ces paroles sont particulièrement blessantes pour les catholiques autochtones, notamment dans le nord de la province, dont certains lui ont fait part de leur séjour dans les pensionnats.
Il y a des moments où le troupeau sait où on devrait aller et les bergers ont besoin d’écouter le troupeau pour être de bons pasteurs
, ajoute Mgr LeGatt.
Il dénonce une attitude, une culture et une vision des choses fausses
de la part du prêtre, lesquelles pourraient être qualifiées de racistes
. L’archevêque n’est cependant pas allé jusqu’à dire que Rhéal Forest est raciste.
Il précise qu’il connaît le cœur du prêtre et qu’il a vu sa compassion envers des Autochtones.
L’interdiction de prêcher et d’enseigner est d’ailleurs temporaire, dit Mgr LeGatt à plusieurs reprises dans la vidéo. Il note que Rhéal Forest reste prêtre et qu’il peut continuer certaines activités, telles que l’onction des malades.
Réaction d’un ancien pasteur autochtone
Le leader autochtone Kyle Mason, un ancien pasteur, s’est dit surpris que quiconque au sein de [l’Église catholique] puisse être aussi déconnecté, aussi dépassé et avoir des opinions aussi révoltantes
.
M. Mason affirme que, si l’Église était vraiment préoccupée par la réconciliation ici au Canada, elle s’assurerait que tous les prêtres et tout le personnel soient bien informés et qu’il n’y ait pas de place pour ce genre de commentaires
.
M. Mason s’est dit satisfait que Rhéal Forest ne puisse plus prêcher ou prendre part à des activités éducatives de l’Église.
Il aimerait que le prêtre en apprenne davantage sur ce qui s’est réellement passé dans les pensionnats avant d’être autorisé à reprendre ses activités publiques.
- Ligne bilingue d'appui pour les survivants des pensionnats pour Autochtones : 1 866 925-4419
Avec les informations de Jenn Allen