Mary Simon officiellement nommée gouverneure générale du Canada
Mary Simon est officiellement devenue gouverneure générale du Canada, lundi.
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
C'est au son des 21 coups de canon honorifiques que Mary Simon est devenue lundi la 30e gouverneure générale du Canada.
Elle a été officiellement assermentée par le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, lors d'une cérémonie sobre en raison de la pandémie de COVID-19. Outre le premier ministre Justin Trudeau, 44 personnes y ont pris part.
Une Inuk, Mary Simon, devient la première représentante autochtone à occuper cette fonction, une des plus hautes du pays.
Dans un discours d'une quinzaine de minutes prononcé à la fois en anglais, en inuktitut et en français, la nouvelle gouverneure générale a présenté ce qu'elle souhaitait mettre de l'avant durant son mandat.
La réconciliation entre le Canada et les Inuit, les Premières Nations et les Métis a occupé une place centrale dans son discours. Mme Simon a insisté sur son héritage autochtone et sur son implication pour l'avancement des droits de ces communautés.

Mary Simon est devenue aujourd'hui la trentième gouverneure générale du Canada. Dans son premier discours à la nation, elle a mis l'accent sur la réconciliation, les changements climatiques et son engagement à apprendre le français. Reportage de Laurence Martin.
Notre société doit reconnaître ensemble nos moments de regret, à côté de ceux qui font notre fierté, car cela crée un espace pour la guérison, l’acceptation et le rétablissement de la confiance
, a-t-elle dit, mentionnant au passage les découvertes de tombes anonymes près des anciens pensionnats pour Autochtones.
La gouverneure générale affirme ainsi vouloir jeter des ponts entre les milieux et cultures qui reflètent le caractère unique et la promesse de notre grand pays
.
« La réconciliation doit appuyer les Autochtones pendant qu’ils guérissent de l’héritage destructeur de la colonisation qui a fait tant de ravages dans leurs vies. »
Le Canada est un pays de l’Arctique
, a dit Mme Simon, en insistant sur la nécessité de protéger les territoires du Nord contre la menace des changements climatiques. La double crise mondiale de la destruction de la nature et du changement climatique est sans aucun doute le défi de notre époque
, a-t-elle ajouté.
Mary Simon a également indiqué qu'elle ferait de la question de la santé mentale une de ses priorités.
En tant que gouverneure générale, je m’engage à profiter de ce moment de l’histoire de notre pays pour poursuivre le travail de déstigmatisation de la santé mentale afin qu’elle soit considérée de la même façon que les maladies physiques et qu’on y consacre la même attention, la même compassion et la même compréhension
, a-t-elle ajouté.
La question de la langue au premier plan
Le discours d'installation de Mary Simon a été marqué par la question de la langue. Elle a elle-même souri à quelques reprises alors qu'elle s'exprimait en français. Parfois, c'est difficile de prononcer, mais j'apprends
, a-t-elle dit, s'éloignant à ce moment de son texte.
Le fait qu'elle ne maîtrise pas la seconde langue officielle du Canada a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Bilingue, Mary Simon parle anglais et inuktitut, mais s'exprime difficilement en français.
À peine annoncée le 6 juillet, sa nomination a aussitôt suscité de vives critiques pour cette raison. Plus de mille plaintes ont été déposées auprès du Commissariat aux langues officielles du Canada en moins d'un mois.
« Ma langue maternelle, l’inuktitut, est la langue qui définit les Inuit comme peuple et c’est le fondement même de notre survie. Ma langue seconde, l’anglais, m’a ouvert les portes du reste du monde. Je m’engage à apprendre l’autre langue officielle du Canada, le français. »
Mme Simon a abordé cette épineuse question dans son discours. Elle a affirmé que de nombreux Canadiens lui ont exprimé leur appui à [sa] promesse d’apprendre le français et qu'ils [lui] ont même offert de [l]’accompagner dans [sa] formation
.
À ce stade de notre histoire commune, on voit bien que de nombreuses langues forment l’essence même de notre pays, tout comme les histoires de ceux et celles venus au Canada en quête d’une nouvelle vie
, a-t-elle ajouté.
Mary Simon s'est également engagée à passer une partie de son mandat à la Citadelle de Québec.
Interrogé à ce sujet en marge de la cérémonie, le ministre du Patrimoine du Canada Steven Guilbeault s'est voulu rassurant. J'invite tout le monde à regarder la feuille de route impressionnante de Mary Simon. C'est une personne hors de l'ordinaire
, a-t-il dit.
Il a de plus confirmé que Mary Simon a commencé à suivre des cours de français, comme elle l'avait promis lors de sa nomination. Bientôt, nous aurons une francophone et une francophile de plus parmi nos rangs
, s'est réjoui le ministre du Patrimoine.
« Je pense qu'elle sera capable de s'adresser à des gens, de comprendre le français. C'est une femme qui nous a montré qu'elle était capable de faire de grandes choses et je suis convaincu qu'elle va y arriver. »
Un moment historique
, selon Viviane Michel
C’est quand même une grande fierté pour nous, femmes autochtones de toutes les nations
, a souligné la présidente de Femmes autochtones du Québec, Viviane Michel, qui a raconté avoir eu quelques frissons en regardant la cérémonie d’installation de la 30e gouverneure générale.
« Elle devient notre mentore, dans la forme de leadership qu’on peut avoir, et aussi qu’on peut avoir une place, nous, en tant que [personnes issues des] Premières Nations dans des postes aussi importants. »
Mme Michel a également salué l’appel à l’unité et à la réconciliation lancé par Mary Simon.
Apprendre notre histoire est vraiment un pas important pour nous, mais pour tous les Canadiens, parce que nous cohabitons ensemble et il faut se connaître mieux
, a-t-elle noté.
La militante originaire de Uashat mak Mani-utenam est également convaincue que Mary Simon a toutes les aptitudes nécessaires pour remplir sa promesse d’apprendre le français.
N’oublions pas qu’elle est déjà bilingue : elle parle sa langue et elle parle anglais
, a-t-elle insisté. On avait notre langue [avant] les premiers contacts. On parlait seulement notre langue. On a appris votre langue et je suis certaine qu’elle va aussi atteindre cet objectif-là.
Une carrière bien remplie
Mary Simon succède à l’astronaute Julie Payette, qui a démissionné au début de l’année dans la controverse.
La nouvelle représentante de la reine Élisabeth II est bien connue dans le nord du pays, où elle est considérée comme un pilier de la communauté inuit.
Née en 1947 à Kangiqsualujjuaq, au Québec, d’une mère inuk et d’un père britannique qui gérait un poste de traite de fourrure de la baie d'Hudson, Mary Simon est une ancienne animatrice de radio qui a représenté son peuple dans diverses instances depuis plusieurs décennies.
Entre 1978 et 1985, Mary Simon a occupé les postes de vice-présidente puis de présidente de la Société Makivik, qui gère le développement économique et social dans le Grand Nord québécois. À ce titre, elle s'est trouvée à la table des négociations entourant le rapatriement de la Constitution, en 1982, aux côtés de René Lévesque.
La nouvelle gouverneure générale possède également une longue expérience en diplomatie, qualité qui était recherchée par le gouvernement Trudeau, selon plusieurs experts. Elle a notamment présidé le Conseil circumpolaire inuit de 1986 à 1992, a été ambassadrice du Canada au Danemark au tournant des années 2000, en plus de représenter le pays au Conseil de l’Arctique de 1994 à 2003.
Mary Simon est officière de l’Ordre du Canada, de l’Ordre national du Québec et de l’Ordre d’or du Groenland.
Elle a également participé en tant que témoin honoraire à la Commission de vérité et réconciliation, qui a permis, entre 2009 et 2015, d’entendre des milliers de témoignages de survivants des pensionnats pour Autochtones afin d’éclairer cette page sombre de l’histoire du Canada.