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Avortement : le Mississippi demande à la Cour suprême de renverser Roe c. Wade

Une femme, dont on ne voit pas la tête, lit la Bible près d'une pancarte qui dit : « Priez pour mettre un terme à l'avortement ».

Dans cette photo datant d'avril 2018, une militante opposée à l'avortement attend l'arrivée de patientes devant la seule clinique d'avortement du Mississippi, la Jackson Women's Health Organization, l'une des parties au litige.

Photo : Getty Images / AFP/BRENDAN SMIALOWSKI

  • Sophie-Hélène Lebeuf

Défendant une loi restreignant les interruptions de grossesse, l'État conservateur plaide pour l'annulation de l'arrêt emblématique Roe c. Wade qui, il y a un demi-siècle, a reconnu le droit des femmes à obtenir un avortement.

Après avoir deux fois perdu en cour, le Mississippi demande au plus haut tribunal du pays d'approuver sa loi controversée qui interdirait, à de rares exceptions près, l'avortement après 15 semaines de grossesse. Adoptée en 2018, la loi avait été bloquée en première instance. Une cour d'appel avait ensuite confirmé la décision.

Dans la défense de son texte législatif, le bastion républicain conteste les fondements mêmes de deux décisions reconnaissant le droit constitutionnel à l'avortement, Roe c. Wade et Planned Parenthood c. Casey.

Depuis 1973, le premier fait jurisprudence dans un pays où le gouvernement fédéral n'offre pas de cadre législatif sur les interruptions de grossesse. La Cour suprême avait confirmé l'arrêt Roe c. Wade près de 20 ans plus tard dans le dossier Planned Parenthood c. Casey, jugeant que les États ne pouvaient pas imposer un fardeau indu à une femme enceinte désirant un avortement avant la période de viabilité du fœtus, vers 24 semaines de grossesse ou un peu après.

Ces décisions constituent des erreurs flagrantes, sont désespérément inapplicables et ont infligé des dommages sévères, affirme la procureure générale du Mississippi, Lynn Fitch, dans un mémoire de 60 pages déposé jeudi.

Les arguments présentés confirment ainsi les craintes des défenseurs du droit à l'avortement. Ceux-ci étaient convaincus que les lois adoptées par les États républicains pour rendre l'avortement moins accessible avaient en fait pour but d'être contestées en cour afin d'infirmer la décision de 1973.

La conclusion que l'avortement est un droit constitutionnel n'a aucun fondement dans le texte, la structure, l'histoire ou la tradition.

Une citation de Extrait du mémoire présenté par le Mississippi

Roe et Casey sont des décisions dépourvues de principes qui ont porté atteinte au processus démocratique, empoisonné notre discours national et la loi – et, ce faisant, porté préjudice à cette Cour, écrit Mme Lynch.

La loi du Mississippi interdit l'avortement après 15 semaines, sauf lors de complications médicales ou d'anomalies fœtales très sévères, mais contrairement aux lois de certains États, n'encourt pas d'exception pour les victimes de viol et d'inceste.

Une loi encore plus restrictive, adoptée en 2019 et elle aussi bloquée par les tribunaux, abaisse le seuil à six semaines. Elle comporte également, de façon préventive, une disposition qui interdirait l'avortement si l'arrêt Roe c. Wade était renversé.

Un test pour la cour à majorité conservatrice

Devant d'immenses rideaux rouges, les quatre juges placés derrière, debout, et les cinq placés devant, assis, prennent une photographie officielle.

De gauche à droite en commençant par la rangée du haut, les juges de la Cour suprême américaine, Brett Kavanaugh, Elena Kagan, Neil Gorsuch, Amy Coney Barrett, Samuel Alito, Clarence Thomas, John Roberts (juge en chef), Stephen Breyer et Sonia Sotomayor.

Photo : Getty Images / AFP/ERIN SCHAFF

Au cours des dernières années, la Cour suprême américaine a rendu des décisions favorisant les partisans du libre choix, mais c'est la première fois qu'elle se penche sur la question depuis qu'elle est composée aux deux tiers de juges qui ont été nommés par des présidents républicains.

En 2020, avant la mort de la juge progressiste Ruth Bader Ginsburgh et l'arrivée de la conservatrice Amy Coney Barrett, une fervente catholique, la Cour suprême avait invalidé une loi de Louisiane très restrictive qui ciblait les cliniques d'avortement grâce au vote déterminant du juge en chef, John Roberts.

Le juge conservateur avait uni sa voix à la minorité progressiste, en invoquant les précédents et non en se prononçant sur le fond. Il avait fait valoir que la loi de la Louisiane était presque identique à une loi du Texas qu'avait déjà invalidée la Cour suprême quelques années auparavant.

En mai dernier, le tribunal a accepté d'entendre la cause mise de l'avant par le Mississippi, à la grande satisfaction des opposants à l'avortement, mais au désarroi de ceux qui le défendent.

Le tribunal avait dit vouloir se cantonner à une question juridique pour déterminer si toutes les interdictions d'avorter avant la viabilité [du fœtus] sont contraires à la Constitution.

Le Susan B. Anthony List, un groupe pro-vie, y avait alors vu une occasion historique pour la Cour suprême de reconnaître le droit des États à protéger des horreurs d'avortements douloureux et tardifs les enfants non nés.

Le Center for Reproductive Rights, qui avait initialement saisi la justice contre cette loi, avait pour sa part dit entendre les alarmes [sonner] bruyamment devant cette menace.

Le groupe présentera son mémoire au nom du Jackson Women's Health Organization, seule clinique d'avortement du Mississippi, en septembre. Le tribunal devrait ensuite entendre les arguments des parties à l'automne ou au début de l'hiver. Sa décision est attendue d'ici juin, quelques mois avant les élections de mi-mandat.

Les experts prévoient que la Cour suprême n'invalidera pas totalement Roe c. Wade, mais ils croient probable qu'elle en diminuera la portée en octroyant une plus grande latitude aux États, ce qui risque d'augmenter les disparités territoriales déjà importantes.

La plus haute juridiction américaine est désormais composée de six juges conservateurs et de trois juges progressistes.

Pour séduire la droite religieuse lors de la campagne présidentielle de 2016, Donald Trump avait notamment promis de nommer au sein des tribunaux fédéraux des juges opposés à l'avortement.

Au cours de son unique mandat, il a pu nommer trois juges à la Cour suprême, cimentant la majorité conservatrice du tribunal, vraisemblablement pour des décennies.

Le nouvel équilibre de la Cour a galvanisé les opposants à l'avortement, notamment les États républicains, comme l'Alabama, le Kentucky, le Mississippi et le Missouri, qui ont multiplié les lois restreignant l'avortement au cours des dernières années.

La plus sévère, en Alabama, assimile l'avortement à un homicide et prévoit pour les médecins qui le pratiquent des peines pouvant aller jusqu'à 99 ans de prison.

Avec les informations de Washington Post et CNN

  • Sophie-Hélène Lebeuf

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