L’Alberta plaide pour légaliser la possession de poivre de Cayenne

Le ministre albertain de la Justice veut qu'Ottawa permette au public de posséder du poivre de Cayenne à des fins de légitime défense.
Photo : Peter Evans
Le gouvernement albertain demande à Ottawa de modifier le Code criminel pour permettre au public de posséder du poivre de Cayenne afin de s'en servir en cas d'attaque.
Dans une lettre envoyée mercredi à Ottawa, le ministre albertain de la Justice, Kaycee Madu, écrit qu’il faut permettre aux Albertains et à tous les Canadiens de se défendre dans des circonstances où ils font face à un danger imminent
.
Il veut que le poivre de Cayenne soit retiré de la liste des armes prohibées pour faciliter cela.
Le ministre mentionne que les incidents haineux ont augmenté en Alberta. Plusieurs femmes qui portent le voile ont notamment affirmé avoir été poussées et invectivées dans les rues d’Edmonton et de Calgary.
Le ministre de la Justice dit aussi que les attaques en lien avec l’utilisation de drogues sont en hausse.
Il est ironique qu’une personne vulnérable qui transporte du poivre de Cayenne à des fins de légitime défense puisse fort possiblement recevoir une peine de prison plus longue que celle de son attaquant
, écrit Kaycee Madu.
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Pas une solution magique, selon une experte
Lisa Silver, professeure agrégée de la Faculté de droit de l’Université de Calgary, estime que l’intention du gouvernement albertain est louable, mais qu’il y a deux problèmes liés à la solution proposée.
Il est impossible de [décriminaliser] la possession de poivre de Cayenne uniquement pour les victimes, car comment les définit-on?
, explique-t-elle.
Un agresseur risquerait donc tout autant de s’en servir qu’une personne agressée.
La professeure précise aussi que le fait de légaliser la possession de poivre de Cayenne ne signifie pas nécessairement qu’une personne peut en utiliser sans risquer de poursuites criminelles.
N’importe quoi peut être considéré comme une arme, selon le Code criminel, même un livre
, dit-elle.
La notion de légitime défense, dont les victimes de crime peuvent se servir en cour, s’applique de la même façon, que l’arme utilisée soit légale ou non, selon Lisa Silver.
Cette dernière craint donc que la modification du Code criminel demandée par l’Alberta ne crée un faux sentiment de sécurité chez les victimes de crimes.
Plutôt que d’armer les victimes, il faudrait mieux les protéger
, ajoute-t-elle.
Des peines plus graves pour les crimes haineux
Kaycee Madu demande aussi à Ottawa d’établir des peines minimales obligatoires pour les personnes reconnues coupables de crimes motivés par le racisme ou la haine.
Il affirme dans sa lettre que le système juridique a tendance à faire preuve de clémence envers ce type de crimes.
Il cite l'exemple d’un Edmontonien qui a été reconnu coupable de trois agressions motivées par le racisme dans trois incidents séparés. Ce dernier a été condamné à 7 mois de prison et, comme il était détenu en attendant son procès, il sera libéré 35 jours après sa condamnation.
Les Albertains ont besoin de savoir que [...] ces agresseurs seront réellement punis et n'ont pas droit à l’indulgence récemment observée
, dit Kaycee Madu.
Kaycee Madu a par ailleurs récemment annoncé la création d’une unité provinciale d’action contre les crimes haineux ainsi que d’un poste d’agent de liaison communautaire.
Le gouvernement albertain a aussi créé un programme de subventions pour les organismes et les communautés qui veulent améliorer la sécurité de leurs lieux de culte.