Les sœurs Carpentier vraisemblablement encore en vie au déclenchement de l’alerte Amber

L'alerte Amber pour retrouver Norah, Romy et Martin Carpentier a été lancée à 15 h le 9 juillet (archives).
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le drame de Saint-Apollinaire ne se serait pas joué aussi rapidement que la Sûreté du Québec (SQ) l’a affirmé après le mystérieux accident survenu le soir du 8 juillet 2020. Un an après les événements, tout indique que Martin Carpentier et ses deux filles, Norah et Romy, étaient encore en vie le lendemain matin, a découvert Radio-Canada.
Au lever du jour, le 9 juillet dernier, l’irréparable était commis
, a pourtant insisté Guy Lapointe en point de presse le 22 juillet 2020. Il était alors encore le grand patron des communications à la SQ . Tout ça se déroule dans les premières 12 heures
.
Considérant que l’accident s’est produit peu après 21 h le 8 juillet et qu’à ce moment de l’année le jour se lève vers 5 h, la Sûreté du Québec laissait entendre qu’en huit heures à peine, Martin Carpentier s’était sauvé avec Norah et Romy, était entré dans une roulotte pour y dérober un briquet ainsi qu’une pelle, pour ensuite tuer ses filles et s’enlever la vie à plus de cinq kilomètres du lieu de l’accident.
Tout ce qui pouvait être fait a été fait
, a alors insisté Guy Lapointe pour rassurer la population sur la qualité du travail des policiers. Surtout quand on sait maintenant la vitesse à laquelle le drame s’est joué
.
Or, au cours des derniers mois, plusieurs sources ainsi que des membres des familles concernées ont confié à Radio-Canada leur surprise d’entendre cette affirmation lors du point de presse de la SQ
.Une demi-douzaine de sources qui ont participé à l’opération sur le terrain ou à l’enquête indiquent plutôt que les fillettes ont été tuées environ 18 heures après l’accident, soit le 9 juillet en fin d’après-midi, pratiquement au même moment où l’alerte Amber a été déclenchée.
Selon nos informations, lorsque Norah et Romy ont été retrouvées le 11 juillet, en fin d’avant-midi, un des deux corps présentait encore des rigidités. Il s’agit de l’un des indicateurs importants pour préciser le moment de la mort.
Par ailleurs, la scène du crime et les indices recueillis sur place démontrent que les deux fillettes auraient passé du temps dans le boisé avec leur père avant qu’il commette l’irréparable. D’abord, Martin Carpentier n’aurait pas seulement transité par la roulotte, mais il y aurait passé la première nuit avec ses filles.
Certains éléments, comme un abri en construction et un feu en préparation, tendent aussi à démontrer qu’ils s’apprêtaient à passer une deuxième nuit en forêt. Des indices qui ont pu être constatés par les proches, à l’endroit où les filles ont été retrouvées sans vie, à plus de deux kilomètres du lieu de l’accident.
Une cinquantaine de mètres séparaient les deux corps.
Le Bureau du coroner corrige le tir
En réponse au point de presse du 22 juillet 2020, le Bureau du coroner n’avait pas tardé le lendemain à faire une mise au point avec un communiqué dans lequel il rappelait que ce n’est pas la responsabilité de la police de préciser le moment d’une mort, mais bien au coroner.
C'est la coroner qui devra se prononcer là-dessus parce que c'est une information qui s'obtient après avoir fait de nombreuses démarches et après avoir consulté de nombreux experts
, précise la coroner en chef, Me Pascale Descary.
« On a senti le besoin de corriger le tir. »
Me Descary explique que la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès est claire : c'est le coroner qui doit déterminer l’identité de la personne décédée, le moment ainsi que le lieu, la cause probable et les circonstances d’un décès.
Sans s’avancer sur les détails de l’affaire Carpentier, la coroner en chef admet cependant que ce genre de dossier est plus complexe.
Dans certains cas, c'est beaucoup plus simple parce qu'on a un témoin visuel qui a vu la personne, disons, s'effondrer. On a exactement le moment du décès, le lieu du décès. Dans certains cas, c'est plus nébuleux, comme celui-là
, explique-t-elle. Donc là, ça prend vraiment un travail de recherche par tous les moyens qui existent.
« On travaille avec la mort, on travaille avec la mort violente, on travaille avec parfois peu d'information. Il faut travailler très fort pour essayer de refaire le fil des événements pour répondre à nos questions, pour la société, pour les familles. C'est ça notre rôle. »
Me Descary mentionne qu’une autopsie et un examen externe du corps peuvent être suffisants pour préciser le moment d’une mort, mais qu’il faut aussi tenir compte de tous les éléments circonstanciels du lieu où l’on trouve les dépouilles, de son état général, son apparence. Les policiers, les témoins, peuvent tous être mis à contribution pour aider le coroner.
Le coroner est un peu le chef d'orchestre, c'est lui qui coordonne, qui s'assure d'aller chercher les bons experts, les personnes les mieux placées pour mener à bien sa mission
, illustre Me Descary.
Les rapports sur les morts de Martin, Norah et Romy Carpentier devraient être rendus publics avant la fin de l’automne.
Je pense que ce sera le moment fort, lorsque la coroner [Sophie] Régnière, qui fait un travail remarquable [...] dans ce dossier comme dans l'ensemble de ses dossiers, rendra publics ses rapports et qu'elle fera le point sur ses constats
, conclut la coroner en chef.
Je lui fais extrêmement confiance
Bien que la SQsi l’alerte Amber avait été déclenchée avant, ça n’aurait rien changé
, la maman des deux petites victimes, Amélie Lemieux, pense autrement.
Dans une entrevue accordée à Radio-Canada en novembre dernier, elle soulevait des questions. Pourquoi ils n'ont pas fait une alerte Amber avant? Puis, qu'est-ce que ça aurait coûté de plus de l'avoir fait avant?
Mme Lemieux mentionnait qu'il y avait lieu de se questionner et de modifier certaines façons de faire
.
Elle disait faire confiance à la coroner responsable du dossier. Je sais qu'elle va être la meilleure pour soulever des questions
, dit Amélie Lemieux. Pour avoir parlé avec elle, je sais qu'elle ne laisse rien au hasard, donc je lui fais extrêmement confiance
.
Pas de commentaire, dit la SQ
La SQles circonstances entourant les décès de Norah, Romy et Martin Carpentier font présentement l’objet d’une investigation de la part du Bureau du coroner
.
Guy Lapointe, qui a depuis été transféré au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) comme conseiller à la direction en matière de communication, a refusé de nous accorder une entrevue.
Joint au téléphone, il se défend néanmoins en affirmant que toutes les informations mentionnées lors de ce point de presse lui ont été transmises par le service des enquêtes et ont été approuvées au préalable par la haute direction de la SQ
.Le fil des événements
L’alerte Amber a été déclenchée le 9 juillet vers 15 h. Martin Carpentier et ses deux filles, Norah et Romy, manquaient à l’appel à la suite d’un accident de voiture survenu la veille, peu après 21 h, sur l’autoroute 20 à la hauteur de Saint-Apollinaire.
Les corps des deux fillettes ont été retrouvés sans vie le 11 juillet, en fin d’avant-midi, un peu plus de 2 kilomètres plus loin. La chasse à l’homme qui s’en est suivie pour retrouver leur père a duré 10 jours.
Martin Carpentier a été retrouvé mort le 20 juillet, le jour des funérailles de ses deux filles, à un peu plus de 5 kilomètres du lieu de l’accident.