ArchivesLa Butte à Mathieu, le rendez-vous des chansonniers québécois de 1959 à 1976

De 1959 à 1976 des jeunes se rendaient à La Butte à Mathieu à Val-David pour entendre ceux qui allaient devenir les plus grands chansonniers québécois.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y a 45 ans, à l’été 1976, la boîte à chansons La Butte à Mathieu fermait ses portes après 17 ans d’activité. Située dans le village de Val-David dans les Laurentides, La Butte a accueilli tous les plus grands chansonniers du Québec. Retour en archives sur ce lieu mythique de la chanson d’ici.
C’est en 1959 que l’artiste peintre et graphiste Gilles Mathieu fonde La Butte à Mathieu dans un bâtiment de ferme de Val-David.
La Butte à Mathieu est considérée comme la première boîte à chanson du Québec. Elle voit le jour la même année que celle des Bozos situés à Montréal.
La Butte à Mathieu permettra à des auteurs, poètes, monologuistes, comédiens, interprètes et musiciens de travailler avec la langue québécoise.
C’est à la Butte que font leurs débuts des chanteurs comme Jean-Pierre Ferland, Robert Charlebois et Tex Lecor.

Robert Charlebois se fait connaître du public dans les années soixante à La Butte à Mathieu (1964).
Photo : Radio-Canada
Raymond Lévesque y tiendra durant 12 ans des revues de l’actualité et de chansons.
À l’automne, je présentais les Jérolas. Ce soir, j’ai Les Cyniques pour deux samedis, j’ai Renée Claude, ensuite Georges Dor. J’ai Félix Leclerc qui vient au mois de novembre, Yvon Deschamps. Jean-Pierre Ferland au mois de décembre.
Des artistes français de renom comme Guy Béart, Claude Nougaro, Barbara et Colette Renard se rendront également à Val-David.
Quatre ans après l’ouverture de sa boîte à chansons, le 14 juillet 1963, le propriétaire donne une entrevue à l’émission Présence de l’art.

Présence de l’art, 14 juillet 1963
Par-delà la voix du chanteur Claude Léveillée qui interprète au piano Le rendez-vous, Gilles Mathieu explique que l’ambiance des lieux, créée avec des antiquités, des filets de pêche, des nappes à carreaux, des chandelles et même quelques animaux de ferme, a attiré les jeunes.
Comme La Butte à Mathieu ne sert pas de boissons, il n’est pas obligé de refuser ceux qui n’ont pas 20 ans. Le public est surtout composé d’étudiants qui se rendent à Val-David par le train du Nord, en autobus ou sur le pouce.
Chaque samedi, en plus de présenter des vedettes, les premières parties sont assurées par des débutants, qui pour certains deviendront les prochaines têtes d’affiche.
La butte ce n’est pas seulement une salle de spectacle, je me suis organisé pour en faire un peu un village canadien. J’ai construit des maisons alentour, j’ai des animaux. C’est un peu comme une ferme.
La butte ouvre le samedi après-midi et ferme le dimanche en soirée.

Déjà 20 ans, 16 septembre 1983
Comme l’explique le journaliste Pierre Nadeau dans ce reportage tiré de l’émission 20 ans déjà, le succès de La butte naît d’un concert de Félix Leclerc.
En moins d’un an, tout ce que le Québec compte de poètes, de chanteurs, d’auteurs-compositeurs sait que La butte est plus qu’une simple boîte. L’endroit est sympathique et c’est la fête toutes les fins de semaine.
L’aventure de La Butte a duré 17 ans. Avec l’ouverture de la Place des Arts et la décision du gouvernement de financer les théâtres et maisons de la culture qui présentaient alors des tours de chant, les chansonniers ont délaissé les boîtes à chansons pour les salles de spectacle.
Nous, les boîtes à chansons, le gouvernement ne nous a jamais aidés. Nous avons été obligés, un moment donné, de ne présenter que de la relève, et la relève, ça n’attire pas beaucoup…
Au début de juin 1976, faisant face à un déficit important, Gilles Mathieu est contraint de mettre la clé sous la porte faute de financement de la part du gouvernement.

Ce soir, 3 juin 1976
Comme l’annonce l’animateur Gabi Drouin au bulletin de nouvelles du 3 juin 1976, La Butte procède à une vente aux enchères.
En 2010, Gilles Mathieu s'est vu remettre le titre de chevalier de l’Ordre de la pléiade du Québec pour sa contribution à l’essor de la culture québécoise.