Des marches sur la Côte-Nord pour rendre hommage aux victimes des pensionnats

Au début du mois de juin, des paires de souliers ont été accrochés sur la clôture du site du festival Innu Nikamu à Mani-utenam pour rendre hommage aux 215 victimes à Kamloops (archives).
Photo : Radio-Canada / Daniel Fontaine
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En cette fête du Canada, des marches étaient organisées sur la Côte-Nord pour rendre hommage aux victimes des pensionnats autochtones au pays.
À Pessamit, près de Baie-Comeau, une marche a été organisée en fin d'après-midi jeudi et a rassemblé une centaine de personnes.
L’ambiance, c’est d’une tristesse profonde, une blessure profonde. Par chance, nous avons évolué d’une certaine façon et les pensionnats ne sont plus présents, mais je dirais qu'en tant que parent, j’imagine que toute la population et les Premières Nations sont affectées présentement, aujourd’hui, même si vous voyez des sourires, le cœur est blessé
, a soutenu l'une des organisatrices de l'événement, Danielle Hervieux.
La plupart des participants à cette marche commémorative étaient vêtus d'un t-shirt orange. Mme Hervieux explique la symbolique de ce vêtement.
C'est l’histoire d’une petite fille qui est partie en pensionnat. Sa grand-mère, voulant lui faire plaisir, lui a offert un t-shirt orange pour son départ. Arrivée au pensionnat, le t-shirt, elle se l’est fait enlever, mais ce n’est pas seulement le t-shirt qui s'est fait enlever, c’est sa culture, sa langue. Son esprit et sa vie ont été volés en fait
, raconte-t-elle.

Une cérémonie en mémoire des disparus des pensionnats autochtones s'est tenue jeudi après-midi à Pessamit.
Photo : Radio-Canada / Zoé Bellehumeur
De son côté, le Centre d’amitié autochtone de Sept-Îles (CAASI) et l’Institut culturel Tshakapesh ont organisé conjointement une marche en soirée à Mani-utenam.
Chandelles et lanternes étaient distribuées sur place aux marcheurs se déplaçant ensuite de l’entrée de la communauté vers le site de l’ancien pensionnat.

Une marche aux chandelles s'est tenue jeudi soir à Mani-utenam pour souligner la mémoire de ceux qui ont dû séjourner dans les pensionnats autochtones.
Photo : Radio-Canada / Marie Kirouac-Poirier
On veut aller honorer nos défunts et les enfants qui ont été retrouvés
, affirme l’intervenante psychosociale au CAASI, Nicole Wapistan, en faisant référence aux sépultures retrouvées sur les sites avoisinants d’anciens pensionnats à Kamloops et près de Cranbrook en Colombie-Britannique, ainsi qu'en Saskatchewan.
Il faut respecter ce qui se passe présentement en 2021 et [qui met en lumière] ce génocide. Il faut dire la vérité!
Les chefs innus de la région ont annoncé mercredi que des fouilles auraient lieu sur le site de cet ancien pensionnat à Mani-utenam où près de 200 jeunes innus ont été envoyés chaque année de 1952 à 1971.
Alors que plusieurs municipalités du pays ont annulé leurs célébrations de la fête du Canada, les chefs innus de la Côte-Nord ont plutôt appelé les Canadiens à prendre la journée pour réfléchir aux nombreuses victimes des pensionnats autochtones.
Il appartient [aux Canadiens] de décider s’ils jugent approprié de fêter en ce moment où ils prennent conscience du passé colonial de leur pays et des horreurs qui y ont été perpétrées dans le but d’anéantir l’âme des nations autochtones présentes sur l’ensemble du territoire
, ont déclaré les élus innus de la région d’une même voix dans un communiqué émis mercredi.
De passage à l’émission Bonjour la Côte jeudi matin, le chef d’Ekuanitshit, Jean-Charles Piétacho, a rappelé que les corps retrouvés aujourd’hui sont ceux d’Autochtones qui auraient été nos contemporains s’ils n’étaient pas décédés.

Jean-Charles Piétacho est chef de la communauté innue d'Ekuanitshit en Minganie (archives).
Photo : Radio-Canada
Les gens pensent souvent que ça s’est passé dans les années 1800. Mais non, c’est arrivé il n’y a pas si longtemps, dans les années 1970 et 1990, et ce sont ces mêmes personnes-là qu’on retrouve dans les fosses communes
, raconte le chef d'Ekuanitshit.
On ne pourra jamais oublier ce que moi, j’ai subi, ce que tous les anciens pensionnaires ont subi à Mani-utenam au niveau des abus physiques et sexuels. C'est inimaginable.
La moindre des choses aujourd’hui, ce serait qu’on puisse vivre un deuil national et que l’ensemble des Canadiens et des Québécois puissent savoir ce qu’on ressent depuis des années
, souhaite le chef Piétacho.
Avec des informations de Marie Kirouac et de Zoé Bellehumeur