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Redoubler d'efforts pour contrer le décrochage scolaire

Un adolescent, assis, dans un stationnement, un sac d'école à ses pieds.

Avant même que la pandémie ne frappe, 28 % des jeunes présentant des difficultés scolaires finissaient par décrocher, selon le spécialiste de la réussite scolaire Égide Royer.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Radio-Canada

Le gouvernement du Québec et les acteurs du milieu de l’enseignement devront s’activer au cours des prochaines semaines pour empêcher que le problème du décrochage scolaire, déjà sérieux dans la province, ne s’amplifie encore davantage dans la foulée de la pandémie de COVID-19.

C’est du moins le point de vue du psychologue spécialisé en réussite scolaire Égide Royer, dans la foulée des récentes données publiées par Le Journal de Montréal montrant que plusieurs centres de services scolaires rapportent une hausse significative de jeunes ayant abandonné l’école cette année.

À Montréal, par exemple, 430 élèves du secondaire ont officiellement quitté les bancs d’école au terme de cette année, comparativement à 209 l’an dernier. Cela signifie concrètement qu’ils ont cessé d’aller à l’école pendant 20 jours consécutifs.

D’autres centres de services scolaires ont rapporté des situations similaires au quotidien, mais pas tous : le tiers des quelque 15 centres qui ont relayé des résultats rapportent plutôt un taux de décrochage scolaire stable ou en baisse.

Pour Égide Royer, la hausse du décrochage n’est guère une surprise. Il rappelle que les données compilées par le ministère en 2018 montraient que 17 % des garçons et 10 % des filles abandonnaient l’école. Ce taux grimpait à 28 % pour l’ensemble des élèves éprouvant des difficultés scolaires.

Or, pandémie oblige, pour une deuxième année d'affilée, les élèves de la troisième à la cinquième secondaire ont été contraints de faire l’école à distance, une situation particulièrement difficile pour ceux qui peinent déjà à réussir.

Le secret, c’est un accompagnement individualisé

Selon M. Royer, les résultats obtenus par les milieux de scolarisation alternatifs montrent la voie à suivre. Les adolescents qui les fréquentent ont des taux de décrochage plus faibles, avoisinant les 9 % ou 10 %, note-t-il, en évoquant des données de l’an dernier.

Le secret, c’est un accompagnement individualisé, une forme de mentorat […] d’accompagnement des jeunes qui sont à risque. Et là, il va falloir que […] les écoles secondaires elles-mêmes, les centres de services scolaires, fassent pareil, a-t-il plaidé lors d’une entrevue à Tout un matin.

Cet accompagnement systématique, qui peut prendre la forme d’un tutorat, par exemple, devrait d’ailleurs être l’une des clés pour aider les jeunes à demeurer à l’école jusqu’à l’âge de la majorité, ajoute Égide Royer.

C’est l’idée de dire : comment on peut faire pour te supporter, mon grand ou ma grande, pour que tu sois en apprentissage jusqu’à 18 ans? explique-t-il. Il va falloir qu’on se penche [là-dessus]. Et probablement que [la période] post-COVID va être un contexte très pertinent pour se pencher […] sur le fait qu’à l’école […] on soit en apprentissage jusqu’à 18 ans pour l’obtention d’un diplôme.

[Il faut] mettre énormément de mesures d’accompagnement pendant un an, deux ans, trois ans, et par la suite modifier la Loi de l’instruction publique.

Une citation de Égide Royer, spécialiste en réussite scolaire

Selon Égide Royer, il faudra aussi se méfier de l’impact de la reprise économique sur le décrochage scolaire. Plus le taux de chômage diminue, rappelle-t-il, plus le taux de décrochage scolaire augmente. Or, de nombreux jeunes en âge de travailler pourraient ne pas résister à l’appel des sirènes du marché du travail.

Si vous avez eu une année scolaire cahin-caha, que vous êtes un garçon, d’un milieu défavorisé, que vous avez des retards scolaires, et que vous avez un emploi qui vous donne 400 $-450 $ par semaine… Si vous avez 16 ans, c’est une fortune… , illustre-t-il.

S'adapter aux jeunes

Dans ce contexte, le spécialiste des questions de réussite scolaire appelle d’ailleurs les écoles secondaires à revoir leurs manières de faire et à s’adapter à ces jeunes pour qu’ils demeurent sur les bancs d’école d’une manière ou d’une autre.

L’idée [qu’un jeune] puisse travailler quelques heures [par] semaine et avoir accès à des cours, [qu’il soit] capable de poursuivre [son] secondaire tout en travaillant, c’est le genre d’assouplissements qu’il va falloir apporter, souligne M. Royer.

Selon lui, les bouleversements engendrés par la pandémie pourraient toutefois constituer une bonne occasion de changer ces façons de faire.

Je pense que la COVID-19 a suffisamment ébranlé, ou suffisamment amené de la souplesse dans le système [scolaire] pour apporter des solutions créatives dès les mois d’août et septembre par rapport à ce type de situations là, croit-il.

M. Royer dit aussi avoir recommandé au ministère de l’Éducation du Québec de lancer, au plus tard à la mi-août, une solide campagne nationale, faite par des jeunes pour des jeunes, destinée à rejoindre ceux et celles qui sont susceptibles de ne pas reprendre le chemin des classes en septembre.

Mélanie Marsolais, directrice générale du Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage, souligne pour sa part que les centres de services scolaires auront un portrait de la situation plus clair à la rentrée.

Selon elle, la situation rapportée par les écoles publiques de Montréal ne peut être qu'incomplète, puisque seuls les jeunes ayant quitté l’école depuis 20 jours sont considérés comme ayant abandonné l’école. Mais ceux qui n’y vont qu’une journée sur deux peuvent facilement passer sous le radar des statistiques.

En septembre prochain, [il] va falloir être rapide et vigilant au gouvernement pour voir […] combien ne sont pas retournés à l’école. Parce que plus on tarde à rejoindre ces jeunes-là, plus ce sont des jeunes qui vont s’isoler, qui n’auront plus d’espace de socialisation enrichissant, dit Mme Marsolais.

Il faut vraiment porter une attention pour que ces jeunes-là, on puisse rester en action et rapidement retourner à l’école.

C’est sûr que c’est dans les milieux défavorisés où les gens ont été particulièrement mis à mal. Pourquoi? Parce que les gens dans les milieux défavorisés n’ont pas tous les moyens, les ressources, les outils pour pouvoir pallier aux manques quand il y a des lacunes.

Une citation de Mélanie Marsolais, DG du Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage

À l’instar de M. Royer, Mme Marsolais invite les milieux scolaires à s’adapter aux jeunes. Pour que le jeune qui retourne à l’école ne soit pas face à une montagne de difficultés qui le mettent directement en échec. […] au niveau académique et socioaffectif, il va falloir voir à ce que tous les jeunes puissent s’épanouir pleinement à l’école, souligne-t-elle.

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