Pensionnats pour Autochtones : les chefs du Manitoba réclament les registres des églises
« Elles ne devraient plus pouvoir cacher quoi que ce soit en ce moment », affirme le chef Garrison Settee.

Le grand chef de Manitoba Keewatinowi Okimakanak, Garrison Settee, lors d'une visite à la Première Nation Dakota de Sioux Valley, pour en apprendre plus sur les tombes anonymes de l'ancien pensionnat pour Autochtones de Brandon. (archives)
Photo : Facebook/Manitoba Keewatinowi Okimakanak
Des militants autochtones du Manitoba souhaitent rapatrier les restes d’enfants enterrés autour de pensionnats pour Autochtones. Or, ce processus est compliqué du fait que les Premières Nations n’ont pas accès aux archives des églises qui contiennent les noms des enfants, les communautés d'où ils viennent et ce qui leur est arrivé.
Nous sommes en train d’essayer de rassembler les fils de l’histoire de ce qui s’est vraiment passé
, affirme le grand chef du Southern Chiefs Organization, Jerry Daniels.
Je crois que ces tombes et les enfants qui s'y trouvent sont une chose que l’Église voulait cacher. [...] C’est ce qui rend le tout difficile pour nous : nous ne savons pas où sont partis les membres de nos familles.
Pour pouvoir mener leurs recherches, les Premières Nations réclament que les églises ayant géré des pensionnats pour Autochtones soient plus transparentes.
Si les églises ne nous donnent pas volontairement accès à leurs dossiers sur les pensionnats, le gouvernement devrait s’en mêler et les réclamer
, estime Garrison Settee.
Les églises devraient recevoir l’ordre de fournir tous les documents qui pourraient contribuer à retrouver et à identifier les restes des enfants
, ajoute-t-il. Elles ne devraient plus être en mesure de cacher quoi que ce soit en ce moment.
« Nous ne pouvons pas être en paix jusqu’à ce que ce soit fait. Il faut que ce soit fait. »
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Jeudi, la Fédération des nations autochtones souveraines de la Saskatchewan a déclaré avoir trouvé 751 tombes lors d'une fouille du site du pensionnat pour Autochtones de Marieval. Il s'agit du plus grand nombre de tombes d'enfants découvertes sur le terrain d'un ancien pensionnat pour Autochtones au pays.
Le chef de la Première Nation Cowessess, Cadmus Delorme, indique que des enfants catholiques du sud du Manitoba étaient souvent amenés à Marieval, alors que les enfants protestants du sud de la Saskatchewan se retrouvaient au pensionnat pour Autochtones de Birtle, au nord-ouest de Brandon, au Manitoba.
Cette découverte a fait réagir les communautés autochtones du Manitoba.
Beaucoup de survivants et de leurs familles voulaient partager leurs histoires, mais personne ne voulait les écouter. Personne ne comprenait vraiment l’ampleur de l’horreur
, explique le grand chef de l’organisation porte-parole des Premières Nations du nord du Manitoba, Manitoba Keewatinowi Okimakanak, Garrison Settee.
« La vérité est enfin en train de sortir. »
14 pensionnats pour Autochtones au Manitoba
Le Manitoba comptait quatorze pensionnats pour Autochtones, selon le Centre national pour la vérité et la réconciliation à l’Université du Manitoba.
Dans une déclaration écrite, la directrice générale du centre, Stephanie Scott, souligne qu’il ne devrait jamais y avoir de cimetière à une école - point à la ligne.
Elle demande aux gouvernements et à diverses organisations de fournir des documents pour mieux établir les faits qui se sont déroulés dans les pensionnats.
La moindre des choses que les gouvernements et les églises pourraient faire serait de donner accès aux documents qui permettraient d’identifier l’emplacement de tous les enfants. Ça permettrait aux communautés de leur rendre hommage avec les protocoles et les cérémonies qui leur ont été autrefois refusés
, poursuit Stephanie Scott.
Le centre souhaite accéder aux documents des hôpitaux et des sanatoriums ayant accueilli des pensionnaires. Il aimerait également avoir accès aux certificats de décès des provinces ainsi qu'aux documents de l’Église catholique.
Pour l’instant, 104 tombes ont été découvertes dans trois cimetières de l’ancien pensionnat pour Autochtones de Brandon. Des militants soupçonnent que davantage de tombes s’ajouteront au total.
Des instituts génocidaires
Le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Arlen Dumas, croit pour sa part qu’il est important que les gouvernements parlent de génocide
.
« Nous ne devrions même pas les appeler pensionnats. C’était des instituts génocidaires. »
Le gouvernement du Manitoba a annoncé lundi 2,5 millions de dollars destinés à la recherche de tombes. Or, les trois grands chefs manitobains souhaitent que les Premières Nations puissent contrôler cet argent elles-mêmes.
Il va falloir que vous écoutiez l'expertise des leaders autochtones. C’est la seule façon d’avancer
, ajoute Arlen Dumas.
Le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, dit qu’il est d’accord à ce qu'il y ait un véritable partenariat avec les peuples autochtones
.
Il a toutefois précisé qu’il n’annulerait pas la fête du Canada dans la province en raison de la découverte, au cours des derniers mois, de tombes anonymes.
Je ne crois pas qu’interdire les célébrations de la fête du Canada soit une manière respectueuse d’aller de l’avant. Je crois que nous devrions fêter notre pays, mais le fêter avec ses verrues
, explique-t-il.
Arlen Dumas affirme qu’il est content que la découverte des 215 corps à Kamloops, il y a quelques semaines, ait braqué les projecteurs sur les pensionnats pour Autochtones.
Le côté positif, pour moi, c’est que nous sommes enfin en train d’avoir une conversation honnête à ce sujet
, conclut-il.
Avec les informations de Rachel Bergen
Ligne bilingue d'appui pour les survivants des pensionnats pour Autochtones : 1-866-925-4419