L'ombudsman militaire dénonce des ingérences politiques

L'ombudsman militaire, Gregory Lick, souhaite voir l’indépendance de son bureau inscrite dans la loi canadienne.
Photo : Gouvernement du Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Multiplication d’allégations d’inconduite sexuelle impliquant des hauts gradés et présence de radicalisés d’extrême droite dans ses rangs : l’armée canadienne est secouée depuis des mois par les scandales à répétition.
L’ombudsman de l’institution, Gregory Lick, a tiré à boulets rouges sur le gouvernement fédéral, accusant le bureau du ministre de la Défense de mener des interférences politiques tout en faisant preuve d’inaction en ce qui concerne les plaintes déposées.
Par conséquent, l’ombudsman des Forces armées canadiennes réclame aujourd’hui un projet de loi qui permettrait à son bureau d’être libre de toute ingérence. Rendre des comptes au Parlement et non au cabinet du ministre de la Défense, pour espérer une sortie de crise, c’est ce qu’a demandé sans sourciller en conférence de presse Gregory Lick, qui voit dans les intérêts politiques particuliers
un obstacle à la poursuite du mandat de l’organe de surveillance.
Il est devenu clair que l'inaction est récompensée bien plus que l'action, mais les scandales d’inconduite sexuelle qui se poursuivent sont en train de passer de la crise à la tragédie.
Les préoccupations concernant l'indépendance et le fonctionnement du bureau ont déjà fait l'objet de nombreuses discussions à la suite de révélations selon lesquelles le prédécesseur de Gregory Lick au poste d'ombudsman, M. Gary Walbourne, avait signalé une allégation d'inconduite sexuelle contre le chef d'état-major de la Défense de l'époque, le général Jonathan Vance, au ministre de la Défense, Harjit Sajjan, en mars 2018.
M. Walbourne avait alors déclaré que le ministre de la Défense avait refusé d'examiner les preuves du comportement inapproprié présumé de l'ancien chef d'état-major de la défense. À son tour, M. Lick n'a pas hésité à montrer du doigt les dirigeants qui ferment les yeux
sur les recommandations et les préoccupations formulées par son bureau dans le seul but, selon lui, de promouvoir leurs intérêts politiques et leur avancement de carrière. Ce sont les membres de la communauté de la défense qui en subissent les conséquences
, a-t-il déclaré.
Notons que l'ombudsman est indépendant de la hiérarchie militaire, mais qu'il demeure sous l'autorité directe du ministre de la Défense nationale. M. Lick a posé un constat sévère faisant allusion à des cas de représailles personnelles et institutionnelles
de la part de hauts fonctionnaires.
L’ombudsman est le canari dans la mine. Nous abordons des cas d’injustice tous les jours. Nous parlons avec des personnes qui ont été brisées par le système.
L’ombudsman a rappelé que ces problèmes ne sont pas nouveaux et qu’ils ne sont pas limités aux inconduites sexuelles. Ils sont applicables à toutes les formes de discrimination où il existe un déséquilibre du pouvoir et une peur des représailles, a-t-il expliqué. Des carrières ont été ruinées et les dommages psychologiques infligés aux victimes sont inacceptables
, a-t-il déclaré.
M. Lick a également dénoncé l’inaction collective
de l'état-major et des gouvernements successifs qui a contribué, selon ses dires, à la crise de confiance que traversent présentement les forces armées. Les mécanismes internes qui devaient soutenir ceux et celles qui ont souffert d’inconduite n’ont pas donné de résultats
, a-t-il regretté.
M. Lick estime que les officiers supérieurs se sont battus bec et ongles pour protéger leur autorité contre toute ingérence extérieure. Pendant ce temps, les responsables politiques détournaient le regard, jusqu'à ce qu'un autre scandale éclate et que le cycle recommence, soutient l'ombudsman.
Le cycle des scandales, suivis par des études, des recommandations émanant de mécanismes de surveillance indépendants, des demi-solutions et la résistance du ministère ou des Forces armées canadiennes, tout ça ne sera brisé que si des mesures sont prises.
Au-delà du terrible constat, l’ombudsman préconise des mesures fortes pour que le cycle des scandales soit brisé; il en va de la réputation et de la crédibilité même des Forces armées canadiennes, a-t-il signalé. L’état-major doit réparer les fissures afin de rétablir la confiance des militaires et de la nation tout entière.
L’opposition maintient la pression sur le gouvernement
Le gouvernement libéral soutient, pour sa part, que toutes les options sont sur la table en ce qui concerne la surveillance indépendante de l'armée. Le premier ministre Justin Trudeau a esquivé mardi une question sur le moment où les Canadiens et les militaires pouvaient s'attendre à des gestes concrets.
Nous apporterons des changements importants au fonctionnement de l'armée au cours des prochains mois, alors que Mme Arbour [ancienne juge de la Cour suprême qui doit réaliser un examen indépendant du traitement des inconduites dans l'armée] commencera à formuler des recommandations concrètes, et nous prendrons les mesures nécessaires
, a-t-il déclaré.
Le chef conservateur, Erin O'Toole, un ancien militaire, a déjà indiqué que son parti prévoyait dévoiler des mesures pour mieux promouvoir la responsabilité et la transparence au sein du gouvernement.
Le porte-parole conservateur en matière de défense, James Bezan, a indiqué dans un communiqué distinct que son parti était engagé à rendre l'ombudsman de la défense indépendant
.
Lors de la période de questions aux Communes, mardi après-midi, le député bloquiste Rhéal Fortin a demandé à nouveau au premier ministre le congédiement du ministre de la Défense, en lui suggérant de mettre fin à ses souffrances
.
Le leader du gouvernement, Pablo Rodriguez, a pris la défense de son collègue contre les basses attaques du Bloc
. Il a parlé d'un homme qui a dédié sa vie à son pays, d'un vétéran respecté, d'un homme qui est en train de transformer la façon dont fonctionnent les Forces armées canadiennes
.
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Avec les informations de La Presse canadienne