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Le Nouveau-Brunswick réfléchit à l’épandage de glyphosate sur ses forêts

L’exercice est attendu depuis deux ans. Un comité législatif se penche sur l'utilisation d'herbicides sur les terres publiques.

Un hélicoptère asperge une forêt de glyphosate.

Un hélicoptère pulvérise du glyphosate sur des terres de la Couronne près de Prince George, en C.-B.

Photo : James Steidle

Jamais la population néo-brunswickoise ne s'est autant mobilisée autour d'une pétition. Un nombre record de signatures, 35 000, a été recueilli pour que cesse l'utilisation du glyphosate sur les terres de la Couronne.

C’est fou, s’exclame Caroline Lubbe-D’Arcy, en marchant sur une parcelle de forêt publique qu’elle sait arrosée au glyphosate. La présidente du mouvement Stop spraying New-Brunswick s’indigne non seulement des ravages sur le terrain, mais du fait que ce sont les contribuables qui se retrouvent à payer l’épandage d’herbicides.

Mme Lubbe-D'Arcy conteste la vision du gouvernement qui soutient qu'il est normal que quelqu'un qui a engagé un jardinier pour prendre soin de sa cour paie les produits qui sont utilisés. Bien que la province prélève des redevances aux entreprises forestières, Caroline Lubbe-D’Arcy déplore que les profits tirés de l’exploitation des terres publiques aillent surtout dans les poches de l’industrie. De plus, la dégradation de l’habitat de plusieurs espèces l’inquiète.

Caroline Lubbe-D'Arcy sur un chemin qui mène à une coupe forestière.

Caroline Lubbe-D'Arcy fait partie du mouvement qui a lancé une pétition contre l'épandage de glyphosate. Depuis 2015, 35 000 signatures ont été recueillies.

Photo : Maude Montembeault

La militante fait partie des invités du comité de l’Assemblée législative qui doit faire des recommandations au gouvernement. Les participants ont été choisis par les élus des quatre partis qui siègent au comité permanent sur les changements climatiques. Les trois partis de l’opposition à Fredericton se sont prononcés contre l’utilisation du glyphosate. Le comité tient une rencontre mercredi, à 10 h, heure de l'Atlantique. Ses travaux se sont amorcés mardi et se poursuivront toute la semaine.

Pour le professeur en politique forestière de l’Université de Moncton Stephen Wyatt, le gouvernement doit jongler avec un enjeu d’acceptabilité sociale. Pas seulement pour l'utilisation du glyphosate, mais également pour l'aménagement de nos forêts en général, précise-t-il.

Pas différent du Tylenol ou du M. Net

Homme dans la cinquantaine en veston répond à des questions d'un journaliste devant un champ

Le reportage de Maude Montembeault

Photo : Radio-Canada

Le ministre conservateur des Ressources naturelles, Mike Holland, ne cache pas son opinion sur le glyphosate. Quand il est question de pesticides, j’en pense la même chose que sur n’importe quel produit réglementé, ce n'est pas différent du Tylenol ou du M. Net.

Cependant, comme membre du comité qui fera des recommandations à son propre cabinet, il assure qu'il est impartial et qu'il réserve son opinion. Pour une des rares fois à Fredericton, un ministre est aussi membre d’un comité législatif.

Cette double fonction fait sourciller Caroline Lubbe-D’Arcy. C’est comme s’il siégeait à un comité qui prendra des décisions sur quelque chose [qu']il a déjà été clair et qu’il ne veut pas faire, ironise-t-elle.

Le ministre répond que tous les outils utilisés en foresterie seront considérés et qu’il a l’intention de poser des questions difficiles à tous les intervenants, qu’ils soient pour ou contre le glyphosate.

Le fait d’être ministre ne me sert à rien. Nous sommes égaux dans cette salle et il s'agira pour nous de discuter et de proposer des recommandations en tant que pairs, soutient-il.

Banni au Québec

Le Québec est la seule province à bannir l’épandage de glyphosate sur ses terres. C’est le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) qui en avait fait la recommandation au gouvernement en 2001.

Ailleurs au pays, on commence aussi à y songer, note le professeur de l'Université de Moncton, Stephen Wyatt.

Les autres provinces commencent à se préparer au cas où le glyphosate serait arrêté ou au cas où la science démontre[rait] un problème avec le glyphosate. Ils commencent à examiner les alternatives possibles, souligne-t-il.

Une coupe à blanc.

Au Nouveau-Brunswick, l’industrie forestière effectue principalement des coupes à blanc sur les terres publiques.

Photo : Radio-Canada / Gil Shochat

Pour le moment, poursuit-il, plusieurs études concluent qu’il n’y a pas de risque pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé en forêt. Cependant, au cours des dernières années, d’autres ont plutôt prouvé le contraire, conclut le chercheur.

Il rappelle que le Québec a privilégié le dégagement mécanique pour conserver la biodiversité du milieu.

Nous avons merdé

Un travailleur forestier manipule du bois coupé avec de la machinerie lourde.

Au Nouveau-Brunswick, 50 % des terres appartiennent à la province.

Photo : Pierre A. Richard

L'industrie forestière constitue un des secteurs économiques les plus importants du Nouveau-Brunswick. Elle représente 1,7 milliard de dollars du produit intérieur brut (PIB), soit 4,5 %, et fait travailler 20 000 personnes.

Je dois couper les arbres et sauver les arbres, lance le ministre Holland, qui n’a pas la langue sans sa poche.

Nous, les politiciens, nous avons merdé [we screwed up], déclare-t-il au sujet de la gestion forestière. Il considère que le gouvernement a trop longtemps été à la merci de l'industrie et qu'il a oublié le volet environnemental, au fil des ans.

Il confie entendre souvent que le vrai patron, au Nouveau-Brunswick, est l’entreprise Irving, un acteur de premier plan de l’industrie forestière. Mais il jure qu’il n’est pas dans la chaise du ministre des Ressources naturelles parce que le premier ministre Blaine Higgs cherchait à y placer quelqu’un.

Mike Holland dit avoir grandi avec une scie à chaîne dans les mains et avoir à cœur la protection des terres publiques. Je suis peut-être fou, conclut-il, mais je crois que maintenir l'industrie prospère et conserver la biodiversité de la forêt publique est possible.

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