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Rapport accablant sur la détention jugée abusive de migrants au Canada

Le document cite de nombreux cas de violation des droits de la personne.

Les mains d'un détenu à l'extérieur des barreaux d'une cellule de prison.

Au Canada, les migrants sont généralement détenus dans des prisons provinciales. Il n'existe que trois centres de détention fédéraux, à Vancouver, à Toronto et à Montréal.

Photo : La Presse canadienne

Jean-Philippe Nadeau (Trois-Rivières)
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Un rapport sur les droits de la personne indique que les migrants et les réfugiés en détention au Canada sont souvent menottés, enchaînés, fouillés et enfermés avec un accès limité ou inexistant au monde extérieur.

La publication de l'étude réalisée par Amnistie internationale et Human Rights Watch (HRW) coïncide avec la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin.

Le document soutient que la détention de ces personnes est arbitraire, abusive et qu'elle peut durer des mois, voire des années, puisque leur date de libération n'est jamais définie à l'avance. Les personnes racisées ou en situation de handicap psychosocial y font par ailleurs face à plus de discrimination tout au long du processus.

Le rapport de 100 pages s'intitule : Je ne me sentais pas comme un être humain : la détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale.

Le document précise que ce groupe d'individus comprend les personnes qui ont fui la persécution pour venir chercher la protection au Canada.

« Nombre de personnes migrantes sont incarcérées dans des prisons provinciales, aux côtés de la population carcérale générale, et sont souvent mises en isolement cellulaire. »

— Une citation de  Rapport d'Amnistie internationale et Human Rights Watch
Ketty Nivyabandi en conférence de presse en ligne.

Ketty Nivyabandi est la secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada (anglophone).

Photo : Radio-Canada

Le rapport relève que la majorité des personnes détenues sont originaires d'Afrique et que les Africains sont de loin ceux qui attendent le plus longtemps en détention par rapport aux autres groupes de couleur mentionnés dans le document.

Le témoignage d'un migrant

Amnistie internationale et HRW avaient d'ailleurs invité deux témoins lors de leur conférence de presse sur une plateforme numérique jeudi matin.

Abdelrahman Elready explique qu'il est arrivé à Vancouver en 2017 en provenance d'Égypte avec sa femme et ses deux enfants.

Il affirme que le douanier de l'Agence des services frontaliers du Canada l'a interrogé de façon agressive sans lui laisser le temps de comprendre lentement en anglais ce qu'il lui voulait.

Abdelrahman Elready témoigne en ligne.

Abdelrahman Elready témoigne de son expérience lors de la conférence de presse.

Photo : Radio-Canada

M. Elready ajoute que le douanier a saisi toutes ses affaires, y compris le dispositif auditif lié à son implant cochléaire.

« On m'a envoyé dans un centre de détention où j'ai été interrogé durant trois jours, j'étais terrifié et je me sentais piégé. »

— Une citation de  Abdelrahman Elready, migrant

L'Égyptien précise qu'il n'a pas eu un accès direct à un avocat en détention et qu'il a été traité de façon honteuse et déshumanisante.

Même sort pour les enfants

Amnistie et HRW affirment que la détention arbitraire au Canada n'est pas seulement réservée aux adultes et que les enfants en font aussi les frais, ce qui est encore plus intolérable selon eux.

Ils citent le cas d'une jeune Afghane qui est arrivée au Canada en 2007, à l'âge de 7 ans, par la frontière terrestre avec ses parents et frères et sœurs.

Amina (NDLR : Il s'agit d'un nom d'emprunt pour protéger son identité), qui est aujourd'hui adulte, affirme que ses parents ont été menottés et qu'ils ont tous été détenus dans différentes pièces d'un centre de détention où les lumières étaient éblouissantes.

On nous a offert du porc, mais nous ne pouvions en manger, nous avions faim et nous étions effrayés, dit-elle sans apparaître à l'écran comme les autres intervenants, pour ne pas être identifiée.

Amina raconte qu'elle ne comprenait pas ce qu'on pouvait leur reprocher. Les membres de sa famille ont tous fait le vœu de ne plus en parler une fois qu'ils ont été relâchés dans la communauté, ajoute-t-elle.

Des recommandations

Les deux groupes proposent plusieurs recommandations à Ottawa pour remédier à la situation. Ils appellent les autorités fédérales à mettre fin aux traitements des personnes dans le système d’immigration qu'ils qualifient d'inhumains. Ils leur demandent en outre d'abolir progressivement toute détention lors de l'immigration au Canada.

Le ministre fédéral de l'Immigration en point de presse.

Le ministre fédéral de l'Immigration et de la Citoyenneté, Marco Mendicino

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Amnistie suggère par ailleurs une révision complète des procédures de détention des migrants au pays et la création d'un organisme de surveillance indépendant pour veiller à ce qu'elle qualifie de manquements de l'Agence des services frontaliers et de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

« Le système canadien de détention liée à l’immigration et ses pratiques abusives contrastent vivement avec le multiculturalisme et les valeurs d’égalité et de justice qui font la réputation du Canada dans le monde entier. »

— Une citation de  Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada (anglophone)

Amnistie demande d'ici là de mettre fin à certaines pratiques quotidiennes en détention, comme l'usage de menottes et le recours au confinement solitaire en cellule.

Elle suggère aussi de remettre en liberté les personnes qui affichent un handicap physique ou mental pour qu'ils puissent être pris en charge dans la communauté en attendant que leur dossier soit étudié devant les autorités.

Amnistie rappelle en outre au Canada ses obligations en matière des conventions internationales qu'il a signées au sujet de la torture et des droits de la personne.

La sécurité nationale du Canada ne devrait pas être un prétexte ou une raison, selon l'organisme, pour traiter les migrants de façon abusive et punitive ou pour leur retirer leurs droits fondamentaux.

Les auteurs ont mené 90 entretiens auprès de personnes qui ont été détenues pour des raisons liées à l’immigration et de leurs proches, ainsi qu'auprès de spécialistes de la santé mentale, d’universitaires, d’avocats, de membres de la société civile et de fonctionnaires.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié et l'Agence des services frontaliers du Canada n'ont pas répondu à nos demandes de réactions.

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