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Une refonte fédérale qui vise une « égalité réelle » entre le français et l'anglais

La ministre fédérale responsable des Langues officielles, Mélanie Joly

Le reportage de Christian Noël

Photo : La Presse canadienne / Mike Sudoma

Radio-Canada

La ministre fédérale responsable des Langues officielles, Mélanie Joly, a présenté mardi un projet de loi visant à protéger le français. Un geste salué par les communautés francophones minoritaires, mais perçu comme une manœuvre électoraliste par les partis d'opposition.

Par son projet de loi C-32, le gouvernement de Justin Trudeau reconnaît que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord et s'engage ainsi à le protéger et à le promouvoir.

Nos actions doivent viser l'égalité réelle entre le français et l'anglais, a déclaré la ministre Joly en conférence de presse.

En clair, avec ce projet de loi, notre but est d'adapter notre loi sur les langues officielles au 21e siècle. Il va refléter les réalités linguistiques de tous au Canada et offrir à nos enfants un monde de possibilités. Une fois qu'il deviendra loi, plus de francophones pourront travailler et vivre en français, a-t-elle soutenu.

Une modernisation est devenue nécessaire parce que l'anglais et le français ne sont pas à armes égales au pays, a-t-elle fait valoir. La première loi fédérale sur les langues officielles a été adoptée en 1969.

La ministre Joly a soutenu que le projet de loi C-32 avait pour objectif de protéger davantage la langue française, aussi bien au Québec que pour les communautés francophones en situation minoritaire ailleurs au Canada.

Les technologies numériques, les médias sociaux, les plateformes de diffusion de contenu favorisent trop souvent l'utilisation de l'anglais au détriment du français.

Une citation de Mélanie Joly, ministre responsable des Langues officielles

Le projet de loi reconnaît notamment le français comme langue officielle du Québec et le statut bilingue du Nouveau-Brunswick.

Il vise aussi à favoriser l'immigration francophone, renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles ou obliger les juges de la Cour suprême à être bilingues. Il vient aussi accorder des pouvoirs accrus au commissaire des langues officielles pour sévir contre les entreprises ou ministères récalcitrants.

Le gouvernement propose également des mesures inédites en matière de francisation, en particulier dans le secteur privé. La population a le droit d’être servie et de travailler en français, notamment dans les entreprises de compétence fédérale et dans les régions à forte présence francophone, a affirmé Mme Joly.

C'est la première fois que la Loi sur les langues officielles va s’appliquer au secteur privé, a-t-elle insisté.

Les entreprises de compétence fédérale, comme le secteur des banques, des télécommunications et de l'aéronautique, devraient pouvoir communiquer en français avec leurs employés et leurs clients.

Différents ministères fédéraux seraient mis à contribution dans le cadre de ce projet de loi. Le ministère des Affaires étrangères devrait par exemple s'engager à promouvoir le français dans les relations diplomatiques du Canada.

Parallèlement, le projet de loi vient affirmer l'importance du maintien et de la valorisation des langues autochtones au pays.

Le gouvernement libéral s'était engagé à moderniser la Loi sur les langues officielles d’ici la fin de 2020, mais la pandémie de COVID-19 a fait dérailler plusieurs projets de loi, dont celui-ci.

Bras de fer sur la loi 101?

Des détails restent à être fignolés par règlement concernant l'application du projet de loi sur la langue de travail dans les entreprises sous juridiction fédérale.

Déjà, la ministre Joly prévoit que sa réforme s'alignera sur le projet de loi 96 du Québec qui étend la Charte de la langue française aux entreprises de 25 employés et plus. Ailleurs au Canada, on vise celles de 50 employés et plus.

Selon le plan d'Ottawa, les entreprises sous juridiction fédérale au Québec auraient trois ans pour choisir si elles souhaitent souscrire à la Charte de la langue française de Québec ou au régime fédéral. Ce délai serait de cinq ans pour les entreprises dans les régions à forte prédominance francophone hors Québec qui, elles, n'auront pas le choix de souscrire au régime fédéral.

Les entreprises qui se sont déjà soumises volontairement à la loi 101 vont pouvoir continuer de le faire. Par contre, si elles ne sont pas soumises, elles doivent le faire au système fédéral qui prévoit les mêmes exceptions prévues dans la Charte québécoise, a déclaré la ministre Joly.

La réaction n'a pas tardé du côté du ministre responsable québécois de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, présent à Montréal pour une annonce.

Il y a une chose qui est sûre, c'est que les modalités associées au projet de loi québécois seront celles qui vont s'appliquer sur le territoire québécois et c'est la responsabilité du gouvernement du Québec de protéger le français, a-t-il dit.

On est ouvert à travailler en collaboration avec le fédéral, mais en s'assurant que c'est la loi québécoise qui s'applique.

Une citation de Simon Jolin-Barrette, ministre québécois responsable de la Langue française

On a juridiction en matière d'entreprise fédérale. C'est écrit dans la Constitution. Donc, qu'est-ce qu'on veut faire? Est-ce qu'on veut protéger le français ou on veut s'obstiner? Moi, je veux juste protéger le français, a rétorqué la ministre Joly.

À Ottawa, on soutient en coulisses que le projet de loi respecte le Code du travail canadien et s'appuie sur des assises légales solides.

Les francophones hors Québec se réjouissent

Pour les francophones hors Québec, certaines protections à venir demeurent ambiguës. La loi ne s'appliquera que dans les régions à forte présence francophone, mais elles ne sont pas précisées, Ottawa ayant reporté cette décision.

Selon ce qu'a dit la ministre Joly, l'Est ontarien, le nord de l'Ontario et le nord du Nouveau-Brunswick seraient ciblés, mais les spécifications restent à déterminer.

Malgré les zones d'incertitude, des groupes représentant les communautés francophones hors Québec ont accueilli très favorablement le projet de loi, soulignant qu'il répondait à plusieurs des revendications qu'ils expriment depuis longtemps.

C'est un moment de grande fierté, a déclaré par communiqué la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).

Ce projet de loi est un pas de plus – et un pas considérable – vers une loi faite sur mesure pour le Canada du 21e siècle, une loi respectée qui donnera véritablement vie à la dualité linguistique canadienne.

Une citation de Extrait de la Fédération des communautés francophones et acadienne

Saluant le travail remarquable de la ministre Joly, la FCFA a indiqué qu'elle entendait se livrer à une analyse juridique approfondie du projet de loi au cours des prochaines semaines.

La Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) s'est notamment réjouie de voir le statut bilingue de la province être reconnu.

Il ne fait aucun doute que le nerf de la guerre pour les prochaines années sera la mise en œuvre du projet, signale toutefois son président, Alexandre Cédric Doucet.

Dans un communiqué, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) s'est dite heureuse qu'une étape importante ait été franchie. On attend de voir plus de précisions, a cependant lancé son président, Carol Jolin.

Pour le Quebec Community Groups Network (QCGN), qui représente la minorité anglophone du Québec, le projet de loi C-32 n'est toutefois ni plus ni moins qu'une attaque claire contre l'égalité des langues officielles du Canada.

La Loi a été fondée sur le principe que le français et l'anglais sont égaux en droit. Toutefois, le projet de loi C-32 [...] définit le territoire accordé aux droits linguistiques et les étend à la sphère privée uniquement pour les francophones. Un tel changement aura des effets profonds pour les années à venir sur les droits linguistiques des Québécois d'expression anglaise, a soutenu le QCGN dans un communiqué.

Une manœuvre électoraliste aux yeux de l'opposition

En raison du moment choisi pour le dépôt du projet de loi, les partis d'opposition lui ont réservé un accueil beaucoup moins chaleureux que les groupes de francophones à l'extérieur du Québec.

À six jours seulement de la fin de la session parlementaire, le projet de loi mourrait au feuilleton si des élections étaient déclenchées cet été.

Ce projet de loi n'aura aucune chance de voir le jour, donc malheureusement, c'est des vœux pieux, a dit le porte-parole du Parti conservateur en matière de langues officielles, Alain Rayes. Un gouvernement dirigé par Erin O'Toole déposerait un projet de loi sur les langues officielles dans les 100 premiers jours de son mandat, a-t-il promis.

Si [les libéraux] déclenchent des élections, c'est du cynisme électoral pur, a pour sa part mentionné le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, qui assume les fonctions de critique en matière de langues officielles.

C'est très opportuniste, c'est électoraliste et c'est vraiment faire de la politique partisane un peu sur le dos des droits des francophones hors Québec.

Une citation de Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD

C'est un projet de loi qui aurait pu être déposé au début de ce mandat-ci, a-t-il fait valoir, mais les libéraux ont préféré se traîner les pieds.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a prédit que les résultats du prochain scrutin détermineraient la teneur du projet de loi.

S'ils sont majoritaires, je vous garantis un vieux 10 [dollars] bien repassé, ça ne sera pas la même loi, ils vont changer des affaires dedans et on va soudainement la trouver moins l'fun, a-t-il lancé.

Avec des informations de Christian Noël

Avec les informations de La Presse canadienne

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