« La frontière doit rouvrir », réclament élus et gens d’affaires aux États-Unis
Tandis qu'Ottawa envisage un allégement des mesures de quarantaine des voyageurs pleinement vaccinés, les pressions s'accentuent sur l'administration Biden pour qu'elle rouvre la frontière avec le Canada.

Les visiteurs canadiens, habituellement très présents à la plage d'Old Orchard dans le Maine, sont toujours absents.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Drapeaux du Québec et du Canada, affiches en français et même poutines sur certains menus : à Old Orchard Beach, dans le Maine, les signes de l'importance qu'occupe la clientèle canadienne, et particulièrement québécoise, ne trompent pas.
Au motel Beau Rivage, où flottent les drapeaux des États-Unis et du Québec, les clients québécois représentent entre 40 % et 60 % des réservations.
On s'ennuie
, admet la gérante, Sarah Alexander, elle-même née au nord de la frontière.
La reprise des activités dans la station balnéaire du Maine, où les visiteurs sont particulièrement nombreux les fins de semaine, ne parvient pas à combler l'absence prolongée des touristes venant du Canada pour certains commerces, dont le motel Beau Rivage.
Les clients américains, qui viennent surtout de régions environnantes, ne prennent que quelques jours de congé, un contraste avec les plus longues vacances des Québécois qui visitent habituellement Old Orchard, raconte Sarah Alexander. C’est un gros changement pour nous
, indique-t-elle.

Les Québécois représentent de 40 à 60 % de la clientèle du motel Beau Rivage, à Old Orchard.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Comme d’autres commerçants de la région, elle suit avec attention l’évolution des pourparlers entourant la réouverture de la frontière canado-américaine, qui est fermée depuis mars 2020.
Et même si les États-Unis décidaient de ne pas attendre le Canada pour agir, les règles de quarantaine imposées aux voyageurs canadiens de retour au pays pourraient avoir des répercussions sur son entreprise.
J'ai parlé à beaucoup de clients, ils m’ont dit ‘’moi je ne pourrai pas prendre un trois jours, cinq jours de vacances et un autre deux semaines en rentrant chez nous’’.

Le reportage de Raphaël Bouvier-Auclair
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
L’impatience d’acteurs du secteur touristique d’États frontaliers avec le Canada a des répercussions sur plusieurs élus locaux, qui sont nombreux à demander à Washington et Ottawa de s’entendre sur un plan de relance des activités à la frontière.
Des pressions bipartites sur l’administration Biden
En entrevue avec Radio-Canada, le gouverneur républicain du New Hampshire, Chris Sununu, souligne que son État, comme ses voisins de la Nouvelle-Angleterre, est en tête dans les palmarès de taux de vaccination aux États-Unis.
Au New Hampshire, 51 % de la population a ainsi reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19. Une proportion qui grimpe à 56 % dans le Maine et à 59 % au Vermont.

Le gouverneur républicain du New Hampshire, Chris Sununu, souhaite une réouverture rapide de la frontière entre les États-Unis et le Canada.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Ce sont des outils dont nous avons besoin pour la réouverture
, lance Chris Sununu, qui se dit prêt à partager des doses excédentaires dont dispose son État avec le Québec, si cela peut faciliter la relance des activités non essentielles.
La frontière doit rouvrir pour l’économie, pour les familles et pour les loisirs.
L’élu républicain n’est pas le seul à faire pression sur Washington. Des élus des deux partis, du Maine sur la côte est, à l’État de Washington sur la côte ouest, partagent des messages similaires aux siens.
Parmi eux, on compte un politicien particulièrement influent : le leader de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer. En mai, le sénateur de New York a tenu un point de presse à Massena, non loin de l’Ontario, pour réclamer un plan visant à encadrer une réouverture sécuritaire de la frontière.
[Ces élus] sont influents. La Maison-Blanche les écoute et leurs collègues au Congrès les écoutent aussi
, explique Maryscott Greenwood, présidente du Conseil canado-américaine des affaires, basé à Washington.
Selon elle, les pressions venant d’élus des deux partis font en sorte que le vent est en train de tourner
sur la question de la frontière, côté américain.
Entre les deux pays, des enjeux techniques… et politiques
Comme le confirmait le premier ministre, Justin Trudeau, mardi, Ottawa évalue certaines options, notamment la possibilité d’autoriser l’entrée sur son territoire à des voyageurs qui ont été pleinement vaccinés.
Dans ce contexte, une question s’impose : comment vérifier si un voyageur a réellement reçu les doses requises?
Aux États-Unis, les personnes vaccinées ne disposent que d’une carte des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) confirmant qu’ils ont reçu les doses nécessaires. Mais aucun système centralisé ou application mobile de vérification du statut vaccinal ne sera mis en place au niveau national, comme l’a déjà indiqué la Maison-Blanche.
Le gouverneur républicain du New Hampshire, lui-même opposé à un passeport vaccinal
, admet que cela peut représenter un défi. Mais il affirme que le Canada et les États-Unis ne peuvent se permettre d’attendre l’issue de ce débat, politiquement sensible sur le territoire américain, avant d’autoriser la relance des activités à la frontière.
Si on attend quelque chose qui ne viendra pas, quel est le but?
demande Chris Sununu.

Les frontières terrestres entre le Canada et les États-Unis sont fermées depuis mars 2020.
Photo : La Presse canadienne / Jonathan Hayward
Au-delà des considérations techniques, des enjeux politiques dictent l’état des négociations entre Ottawa et Washington, assure Maryscott Greenwood du Conseil canado-américain des affaires.
Aux États-Unis, vous avez les gouverneurs des États du nord et le leader de la majorité au Sénat qui cognent à la porte de la Maison-Blanche en demandant d’ouvrir la frontière, alors qu’au Canada il y a des différences entre ce que pensent certaines provinces et le gouvernement fédéral
, explique-t-elle.
Un sondage de la firme Léger, publié mardi, dévoilait que seulement 36 % des Canadiens appuyaient l'idée de rouvrir la plus longue frontière terrestre au monde et d’accueillir les touristes, contre 78 % d’Américains y étant favorables.
Près de la plage d’Old Orchard, loin des capitales où se tiennent les pourparlers, la gérante du motel Beau Rivage, Sarah Alexander, garde espoir de pouvoir revoir ses clients québécois au cours des prochains mois.
On a hâte
, lance-t-elle.