En deuil, une employée est dirigée vers un sexologue faute de psychologue
La pénurie de psychologues pousse Québec à former des bénévoles dans les établissements de santé pour aider leurs collègues en détresse.

La pénurie de psychologues a été exacerbée par la pandémie.
Photo : iStock
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le Programme d'aide aux employés (PAE) de l'Hôpital Sainte-Justine a proposé les services d'un sexologue à une femme traversant un deuil familial difficile, puisqu'il n'y avait pas de psychologue disponible. Un exemple concret de la grave pénurie d'intervenants psychosociaux que Québec tente de combler en formant des employés bénévoles.
Un sexologue à la place d'un psychologue : c'est arrivé non pas une, mais deux fois à des employés du CHU Sainte-Justine ces dernières semaines, raconte la présidente du Syndicat local des techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux Jessica Goldschleger.
L'autre fois, c'est une employée victime d'anxiété qui a eu la même proposition d'aide d'un sexologue.
Le PAE n'arrive pas à recruter suffisamment de psychologues, car les tarifs offerts sont inférieurs à ce qui est disponible ailleurs dans le secteur privé
, dit-elle.
Même si de nombreux sexologues sont formés et outillés pour faire de l'accompagnement psychosocial, la représentante syndicale accuse le gouvernement de ne pas financer assez ces programmes d'aide dans le réseau de la santé.
Les besoins ont explosé
La pandémie a multiplié les appels à l'aide en santé mentale et les listes d'attente se sont considérablement allongées.
Les besoins d'aide psychosociale sont particulièrement criants chez les travailleurs de la santé. Près de la moitié ont ressenti de la détresse depuis mars 2020, selon une récente étude de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Québec mise sur des veilleurs
bénévoles parmi les collègues
Conscient des besoins criants chez le personnel de la santé, le gouvernement propose de combler le manque avec des employés bénévoles formés pour soutenir leurs propres collègues.
Quelque 8000 employés recevront une formation de la Croix-Rouge pour intervenir auprès de leurs collègues et détecter les signes de détresse. Le ministre les appelle les « veilleurs ». Ils seront appuyés par 600 autres travailleurs qui joueront le rôle de pairs aidants.
« Il y a de l'anxiété, il y a de la détresse et il faut agir rapidement avant que cela ne devienne un choc post-traumatique. »
Les formations ont débuté au mois de mai et se poursuivent ces jours-ci dans 24 établissements.
Craintes pour la surcharge de travail et la confidentialité
Québec demande aux volontaires d'effectuer ce soutien sur leur temps de travail ou pendant leur pause. Une solution qui ne fait pas l'affaire des syndicats.
« Ce projet va transférer une partie de ce fardeau de soutien psychologique à des employé-es déjà surchargé-es. [...] Ce qu'il faut, c'est un programme d'aide qui ne repose pas sur nos épaules et qui réponde vraiment à nos besoins grandissants. »
Je ne pense pas que tout le monde soit capable d'assumer ces responsabilités
, explique celle qui représente des membres psychologues et travailleurs sociaux.
Nous pourrions nous retrouver dans une situation où nous aurions des informations confidentielles et litigieuses sur une ou un de nos collègues avec qui nous travaillons tous les jours
, explique Jessica Goldschleger.
Les cadres auront toutefois un service distinct de celui des employés.
Un ajout, pas un remplacement, assure le gouvernement
Le programme PAE qui a été rehaussé lors de la première vague n’a pas eu le succès désiré
, explique l'attachée de presse du ministre Carmant, Sarah Bigras, pour justifier le lancement de ce nouveau programme.
Le cabinet du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux tient toutefois à rappeler que des séances avec des professionnels demeurent toujours disponibles pour ceux qui présentent une détresse plus importante.
« Le nouveau programme de pairs aidants agit en complémentarité et vise à offrir de l’aide de proximité au sein des équipes de travail, et non remplacer le travail d’un intervenant reconnu et qualifié lorsque nécessaire. »
Du côté du CHU Sainte-Justine, l'établissement étudie actuellement avec les syndicats comment mettre en place ce nouveau programme au meilleur bénéfice des employés
.
De notre point de vue, il ne s’agit nullement de transférer aux employés la charge d’intervenir en soins psychologiques auprès de leurs collègues, dit la porte-parole du CHU, Florence Meney. Il s’agit plutôt de permettre aux collègues de détecter entre eux les personnes qui pourraient avoir besoin d’aide et les engager ainsi dans une démarche pour obtenir ladite aide.
La pénurie de psychologues est à l’échelle de la province, tient à rappeler le CHU Sainte-Justine, qui s'engage toutefois à investiguer
les raisons qui ont poussé le PAE à proposer les services de sexologues en remplacement.
Avec la collaboration de Daniel Boily