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Quelle place pour la musique en français aux Juno?

Justin Bieber, Ali Gatie, Feist et The Tragically Hip chanteront lors des 50e prix Juno, dimanche. Aucune prestation en français n’est toutefois prévue pour célébrer la musique canadienne lors de ce gala anniversaire télévisé.

Montage photo du groupe Diable à cinq, Pierre Lapointe et d'un trophée des prix Juno.

Pierre Lapointe et le groupe riponnais Le Diable à Cinq sont en nominations aux Juno.

Photo : Radio-Canada

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Que vaut un Juno pour un artiste québécois? Pierre Lapointe, cumulant plusieurs nominations en carrière (dont deux cette année), et le groupe riponnais Le Diable à Cinq, nommé pour une première fois, se prononcent.

Je trouve ça dommage, parce que c’est une institution qui se dit représenter tout le Canada, avance d’emblée Pierre Lapointe.

Ce dernier, qui a grandi à Gatineau, ne s’étonne toutefois pas de l’absence de prestations en français lors du gala télédiffusé dimanche soir et soulignant le 50e anniversaire des prix Juno. Comme à l’habitude, le prix couronnant l’album francophone de l’année sera remis vendredi, lors du gala hors ondes, au cours duquel seule Klô Pelgag chantera en français.

L’auteur-compositeur-interprète donne l’exemple des cultures autochtones, francophones et anglophones, entre autres, qui se côtoient dans l’industrie musicale du pays, mais se mélangent rarement.

 Pierre Lapointe chante en s'accompagnant au piano.

Bien que nommé deux fois, Pierre Lapointe ne s'attend pas à remporter de Juno.

Photo : Avanti Groupe / Karine Dufour

« Je pense que le Canada, c’est plusieurs solitudes unies. Ça fait qu’il y a souvent eu des frictions et la musique est juste à l’image de ces solitudes-là. »

— Une citation de  Pierre Lapointe, auteur-compositeur-interprète

Ce dernier endosse un part du blâme puisqu’il n’a lui-même jamais entrepris de démarches pour exporter sa musique. Quand je vais au Canada anglais, je joue devant des francophiles, des francophones, donc ce serait aussi ma responsabilité ou, en tout cas, ça aurait été ma responsabilité de courtiser des journalistes anglophones à plusieurs moments dans ma carrière et je ne l’ai pas fait, admet-il.

S’il a déjà disputé le titre d’Artiste de l’année à Nelly Furtado et Sarah McLachlan aux Juno après la sortie de La forêt des mal-aimés, en 2007, Pierre Lapointe n’a jamais même fait l’effort de se rendre à la remise de prix, convaincu de n’avoir aucune chance.

Cette année, Pour déjouer l'ennui pourrait être couronné Album adulte contemporain de l'année, catégorie dans laquelle il se mesure notamment avec les plus récentes parutions de Céline Dion et d’Alanis Morissette, ou encore Album francophone de l’année.

Et je ne m’attends pas à gagner cette année non plus, puis c’est correct, ajoute-t-il.

Le trad québécois « parmi les grosses pointures »

Un groupe de jeunes homme prend la pose dans la forêt avec leurs instruments.

De gauche à droite : Samuel Sabourin, Rémi Pagé, Éloi Gagnon-Sabourin, André-Michel Dambremont et Félix Sabourin.

Photo : Gracieuseté du Diable à Cinq

De son côté, Le Diable à Cinq, groupe de musique originaire de Ripon, en Outaouais, peine encore à croire que son deuxième opus, Debout!, figure parmi les finalistes pour le titre d’Album roots traditionnel de l’année.

On a hâte de voir le dénouement de ça, mais pour nous, c’est une réalisation en soi d’être nommés au gala des Juno, donc on peut juste se féliciter de ça et s’en réjouir, déclare Samuel Sabourin, chargé de la composition, du banjo ténor, du violon et de la mandoline au sein de la formation.

Pour le quintette regroupant les frères Sabourin (Éloi, Félix et Samuel), leur cousin André-Michel Dambremont et de leur ami d’enfance Rémi Pagé, il s’agit d’une première chance de mettre la main sur un prix pancanadien. Au cours de la dernière année, Le Diable à Cinq a aussi récolté une nomination à l’ADISQ (Album de l’année – Traditionnel), en plus de remporter le prix Coup de cœur du public au 42e gala.

« Ça vient nous positionner sur la scène canadienne. »

— Une citation de  Éloi Gagnon-Sabourin, membre du Diable à Cinq

Les musiciens sont ravis de voir leur musique, des rythmes traditionnels québécois accompagnés de textes folkloriques, s’élever au rang d’artistes établis comme le groupe folk Pharis & Jason Romero (Nouvelle fenêtre), déjà lauréats de deux prix Juno.

On est dans un bassin beaucoup plus large que seulement la musique traditionnelle québécoise, donc on est dans le monde de la musique roots, indique Éloi Gagnon-Sabourin, pianiste et arrangeur du groupe. On savait qu’on était capables, mais c’est la preuve que, justement, on peut se démarquer parmi ces grosses pointures.

Je pense qu’on est le premier album en français qui est dans cette catégorie-là depuis sa création, alors je crois qu’on peut parler de fierté, ici, renchérit Rémi Pagé.

Les cinq diablotins de Ripon seront ensemble (avec distanciation à l’extérieur, précisent-ils) pour connaître les lauréats du gala d’ouverture des prix Juno, vendredi soir, au cours duquel le récipiendaire de l’Album roots traditionnel de l’année sera dévoilé.

Le Québec, un écosystème à part entière

Pierre Lapointe reconnaît les efforts déployés pour créer des ponts entre les solitudes canadiennes : les prix Polaris sont un bon exemple à suivre, selon lui, la reconnaissance des communautés autochtones aussi, qui commencent juste à être entendues quoique très tardivement dans l’histoire du Canada, ou encore les journalistes du milieu anglophone invités dans des événements comme le Festival international de jazz de Montréal et le Festival de musique émergente à Rouyn-Noranda.

Or, si les artistes francophones du Québec sont aussi isolés du reste du pays, c’est d’abord qu’il n’y a pas de curiosité de la part des anglophones. Mais en même temps, nous, on ne ressent pas le besoin d’aller à l’extérieur tant que ça parce qu’on est bien ici, chez nous, croit l’auteur-compositeur-interprète.

« J’ai envie de dire [que] notre problème est lié à notre force. C’est qu’on a une industrie qui s’autosuffit énormément, au Québec, avec les subventions et le fait qu’on soit francophones. »

— Une citation de  Pierre Lapointe, auteur-compositeur-interprète

Pierre Lapointe rappelle à quel point les ventes de Daniel Bélanger, Ariane Moffatt ou encore Okoumé étaient importantes à l’époque des disques compacts, au début des années 2000. On vendait autant, sinon plus d’albums que des grandes stars canadiennes dans tout le Canada, seulement au Québec. [...] Ce qui est phénoménal, donc on n’a pas eu le réflexe, quand on chante en français, d’aller nécessairement vers [le reste du pays], soulève-t-il.

Il ne faut donc pas se surprendre, selon lui, que le contexte dicte les mœurs. Je dirais que dans la tête de plusieurs Québécois, le Félix a plus de valeur que le Juno parce qu’il a plus d’impact au Québec, fait valoir Pierre Lapointe. Ce dernier nuance aussitôt, ajoutant que d’être récompensé ça fait toujours chaud au cœur, peu importe le gala.

Le 50e gala des prix Juno se tiendra à Toronto dimanche soir et sera télédiffusé à 20 h sur les ondes de CBC.

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