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La découverte des dépouilles de Kamloops ravive de douloureux souvenirs à Mani-utenam

Tabi McKenzie devant la clôture du site Innu Nikamu à Mani-utenam.

Tabi McKenzie est venu déposer un ours en peluche et la notice nécrologique de son frère et sa sœur.

Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau

  • Marie Kirouac-Poirier

Ancien pensionnaire, Tabi McKenzie a été chaviré par la macabre découverte des restes de 215 enfants sur le terrain d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique. « 215, imagine. Il y en a encore d’autres qui n’ont pas été retrouvés. Ça m’a choqué. Ça m’a fait quelque chose. Je me suis revu quand j’avais six ans. Seul. La peur. »

Tabi McKenzie est venu déposer un ours en peluche et la notice nécrologique de son frère et de sa sœur sur la clôture qui borde le site du festival de musique Innu Nikamu, à Mani-utenam. Lieu de recueillement depuis quelques jours alors que les souliers d'enfants continuent de s'y accumuler, c'est sur ce terrain que le pensionnat Notre-Dame de Sept-Îles était en activité jusqu'en 1971. Le bâtiment a été démoli un an plus tard.

Le pensionnat Notre-Dame, à Maliotenam.

Le pensionnat Notre-Dame, à Mani-utenam, a été ouvert de 1952 à 1971.

Photo : Radio-Canada / Archives

Pendant 20 ans, près de 200 Innus de la Côte-Nord ont été pensionnaires de l’établissement chaque année.

Tabi McKenzie, son frère et sa sœur étaient du nombre. Les dommages collatéraux des traumatismes vécus au pensionnat ont emporté ces deux êtres qui lui étaient chers, pense l’ancien pensionnaire.

Plusieurs pensionnaires sont décédés dû à l’alcoolisme. Pourquoi? Ils ne pouvaient pas en parler. Ils savaient que personne n’allait les croire.

Une citation de Tabi McKenzie, ancien pensionnaire

Le destin tragique des victimes de pensionnats pour Autochtones

Consulter le dossier complet

Une femme autochtone se recueille près de souliers d'enfants déposés sur des marches en ciment.

Aujourd’hui Tabi McKenzie a brisé l’omerta et est sur le chemin de la guérison. Raconter ce qu’il a vécu est devenu vital. La colère, je ne me suis jamais demandé pourquoi j’étais violent. Je ne savais pas d’où ça venait. C’est eux qui m’ont transmis la violence, peut-il constater aujourd’hui.

Ancienne pensionnaire, Evelyne St-Onge se souvient aussi de ce passé sombre qui hante toujours le quotidien de sa communauté.

Tabi fume une cigarette et boit un jus alors qu'Evelyne est assise juste à côté de lui.

Tabi McKenzie et Evelyne St-Onge racontent leur histoire sur le site du festival Innu Nikamu, là où se trouvait le pensionnat Notre-Dame de Sept-Îles, qui a fermé ses portes en 1971.

Photo : Radio-Canada / Marie Kirouac

Il y a [eu] beaucoup de sévices. Tu ne vois pas tes parents et tu n’as pas le droit de parler ta langue. [...] En étant pensionnaire, j’étais séparée de mes parents, et séparée de ma culture. Séparée de ma grand-mère, des histoires, des techniques, la forêt. Ils m’ont pris très très jeune et plus tard j’ai fait une grosse crise d'identité, témoigne celle qui est aujourd’hui engagée dans la transmission de sa culture.

Tuer l’Indien dans l’enfant, c’était l’objectif visé par ces établissements connus par près de 150 000 Autochtones au pays de 1820 à 1996.

Pour Evelyne St-Onge, l’histoire tragique des pensionnats marque le début d’un long combat qui perdure pour pouvoir un jour cohabiter avec la société en toute égalité.

Peluches et souliers accrochés à une clôture par une journée ensoleillée.

Depuis quelques jours, des paires de souliers s'accumulent sur la clôture du site du festival Innu Nikamu, à Mani-utenam, pour rendre hommage aux 215 victimes de Kamloops.

Photo : Radio-Canada / Daniel Fontaine

Ça a été notre changement de vie quand on a changé nos souliers. Avant on portait des mocassins, d’un coup on s’est retrouvés toute la gang avec des bottines. Ça a été le début de la colonisation, illustre-t-elle.

Aujourd’hui Evelyne St-Onge et Tabi McKenzie racontent leur histoire pour qu’elle soit reconnue.

Qu’on les trouve [les restes de 215 enfants], c’est triste à dire, mais ils vont nous aider à être reconnus dans ce pays, affirme Evelyne St-Onge comme un désolant constat.

La grand-mère a pourtant en elle un espoir miraculeux. En accrochant les mocassins de sa fille et les souliers de sa petite-fille à la clôture du site Innu Nikamu, elle ajoute un souhait à son geste : je veux un avenir meilleur et que ma petite-fille soit bien dans les prochaines années pour la nouvelle société.

  • Marie Kirouac-Poirier

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