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« Commençons par la vérité » : parlons-nous assez des pensionnats autochtones à l’école?

Une peluche laissée au cimetière du pensionnat autochtone de l'École industrielle de Regina, en Saskatchewan, en mémoire des enfants décédés.

Dans les derniers jours, des peluches ont été laissées un peu partout au Canada, en mémoire des enfants décédés dans les pensionnats autochtones.

Photo : CBC / Matthew Howard

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La découverte tragique des dépouilles de 215 enfants sur le site d’un ancien pensionnat autochtone confronte à nouveau le Canada à son histoire coloniale. Pour plusieurs leaders et éducateurs des Premières Nations, c’est l’occasion de repenser la manière dont celle-ci est enseignée.

C’est probable qu’on en retrouve dans toutes les écoles. Des enfants disparus, dont les parents n’ont jamais eu de nouvelles que leurs enfants étaient décédés, regrette Renée Lachance Chartrand, une enseignante autochtone de 4e année de la région du Grand Sudbury.

Pour elle, partager un passé lourd d’émotions comme celui des pensionnats autochtones est délicat. Il s’agit d'un événement choquant, qui bouleverse parfois ses jeunes élèves. Malgré la douleur, l’enseignante juge qu'il est nécessaire d’aborder ces histoires sur les bancs d’école.

« Il faut reconnaître que nous sommes responsables, sur l’île de la Tortue, de partager la réalité afin que tous puissent participer à la réconciliation. »

— Une citation de  Renée Lachance Chartrand, enseignante à l'École St-Denis
Des souliers dans un escalier.

De petits souliers rappelant ceux des enfants disparus ont également été déposés dans plusieurs villes ontariennes, dont Hearst.

Photo : Radio-Canada / Francis Bouchard

Dans un courriel, une porte-parole du ministère de l’Éducation de l’Ontario souligne que la province a rendu obligatoire en 2018 l’enseignement de l'histoire des Premières Nations, des Métis et des Inuit pour les élèves de la 4e à la 8e année, ainsi que ceux en 10e année.

Cette révision du curriculum, entamée sous le règne des libéraux, aborde des sujets importants, comme les pensionnats et les traités, selon le gouvernement.

Et pourtant, Renée Lachance Chartrand soutient que plusieurs de ses collègues hésitent encore à parler de ces passages sombres de l’histoire canadienne.

Ils ont peur de dire de mauvaises choses malgré le fait que je leur donne des ressources, des présentations. Ils ont quand même peur de s’engager de façon plus profonde, dit-elle.

Outiller les enseignants

Depuis qu’il est chargé du volet de l’éducation au sein de la Nation Nishnawbe Aski, le grand chef adjoint Derek Fox constate lui aussi certaines craintes dans le milieu éducatif ontarien en ce qui a trait à l'enseignement de certains événements de l'histoire autochtone.

Je connais les raisons : comment un enseignant non autochtone peut-il enseigner quelque chose d’aussi tragique et traumatisant à des enfants? Quel est le bon âge pour enseigner ça? Vont-ils comprendre? souffle-t-il.

L’homme politique dit lui-même se poser ces questions quant à l’éducation de ses quatre enfants, notamment en cette période de deuil en raison de la découverte à Kamloops.

M. Fox est toutefois convaincu que le système scolaire doit en faire plus. Il revendique des formations afin que les enseignants soient mieux outillés pour enseigner l’histoire autochtone de façon appropriée.

« On doit dépasser le point où les enseignants disent : "je ne sais pas comment enseigner cela, car je ne suis pas autochtone". La majorité des enseignants ne sont pas membres d’une Première Nation! »

— Une citation de  Derek Fox, grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe Aski.
Le grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe-Aski, Derek Fox, en converse avec CBC News.

Derek Fox s'occupe du volet de l'éducation au sein de la Nation Nishnawbe Aski depuis plusieurs années.

Photo :  CBC

Carole Bouffard, enseignante à l’École Saint-Joseph de Wawa, semble avoir pris le conseil de Derek Fox à la lettre. Elle a été la première à offrir un cours de français ne présentant que des œuvres d’auteurs des Premières Nations, Métis et Inuit en Ontario.

Les élèves étudient les textes poétiques, les textes narratifs, les textes argumentatifs d’auteurs autochtones très contemporains. Ça leur permet de se questionner sur les sujets qui sont traités dans celles-ci, explique-t-elle.

Son cours aborde ainsi des sujets comme celui de l’identité autochtone, des pensionnats, de la colonisation et de la Loi sur les Indiens.

« On ne peut pas s’empêcher de parler de ces traumatismes, qui ne sont pas nécessairement de l’histoire. Ils sont encore actuels. »

— Une citation de  Carole Bouffard, enseignante à l'École Saint-Joseph de Wawa
Portrait de Carole Bouffard

Carole Bouffard est également conseillère en orientation.

Photo : Soumise par le Conseil scolaire Nouvelon.

Mme Bouffard souligne toutefois l’importance de faire preuve de sensibilité dans sa démarche.

Il faut notamment avoir de bons partenariats avec les communautés des Premières Nations environnantes afin qu’elles puissent nous guider dans ce processus, souligne-t-elle.

Écouter les voix autochtones

Pour l'Association de l’éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’Ontario, le cursus scolaire doit être revu pour mieux représenter l'histoire coloniale canadienne. Et pour ce faire, sa coprésidente Natalka Pucan affirme que les Autochtones doivent jouer un rôle déterminant dans son développement.

« Les peuples autochtones doivent mener la révision des curriculums et des cours dont les jeunes ont besoin. »

— Une citation de  Natalka Pucan, coprésidente de l'Association de l’éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’Ontario

Le gouvernement de Doug Ford soutient entretenir un dialogue constant avec [ses] partenaires autochtones sur la manière dont [il] peut continuer à intégrer l'apprentissage et la perspective autochtones dans [les] écoles et à tirer parti de cet apprentissage obligatoire.

Natalka Pucan reconnaît que, depuis peu, le gouvernement est plus enclin à consulter les Premières Nations. Elle juge toutefois l’effort insuffisant.

L’éducatrice se rappelle encore vivement comment Doug Ford a annulé des séances de révision du curriculum scolaire avec des membres des Premières Nations dès son arrivée au pouvoir (Nouvelle fenêtre).

Un an plus tard, en 2019, son gouvernement a mis en place un nouveau cursus autochtone pour les élèves de la 9e à la 12e année qui a été critiqué par plusieurs groupes politiques des Premières Nations.

On aurait pu réellement renforcer le contenu autochtone à l’élémentaire et au secondaire. C’était un manque total de respect. C’était un pas en arrière, affirme le député néo-démocrate Sol Mamakwa, porte-parole de l'opposition en matière d'affaires autochtones.

Son ton est sans appel : la province doit organiser de nouvelles séances avec les membres des Premières Nations afin d’étoffer le cursus scolaire.

« La religion a été utilisée pour nous opprimer. Les gens doivent savoir. Je me demande parfois moi-même ce qu’il y avait avant tout ça. »

— Une citation de  Sol Mamakwa, député néo-démocrate de Kiiwetinoong et porte-parole de l'opposition en matière d'affaires autochtones
Le député autochtone s'est recueilli ce matin à Queen's Park, où des souliers ont été déposés à la mémoire des enfants.

Le député autochtone s'est recueilli lundi à Queen's Park, où des souliers ont été déposés à la mémoire des enfants.

Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis

Commençons par la vérité

Pour le grand chef de la Nation Anishinabek Glen Hare, la découverte des restes de 215 enfants en Colombie-Britannique marque un tournant dans la réconciliation avec les peuples autochtones.

L’histoire nous disait qu’on mentait, qu’on exagérait. En 2021, les histoires d’horreurs que personne ne croyait se révèlent vraies, dit-il, encore ébranlé.

Il demande au gouvernement de l’aider à enseigner l’histoire telle qu’elle est dans les écoles.

« Assurons-nous que la vérité soit enseignée dans nos écoles. Ces événements sont choquants à lire, mais ils sont encore plus difficiles à vivre. Alors, commençons par la vérité. »

— Une citation de  Glen Hare, grand chef de la Nation Anishinabek
Glen Hare posant devant le fleuve.

Le grand chef de la Nation Anishinabek Glen Hare.

Photo : Radio-Canada / Zacharie Routhier

Le grand chef espère aussi voir l’enseignement de langues autochtones obligatoire dans les écoles de la province.

Vous voulez parler d’éducation et de nos enfants? Ajoutez nos langues dans le curriculum! Faites-en des langues officielles, au même titre que le français et l’anglais.

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