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AnalyseLes mauvais projets ne viennent jamais seuls

François Legault répond à une question.

François Legault, premier ministre du Québec

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », avait coutume de dire l’ancien président français Jacques Chirac. On pourrait dire la même chose des mauvais projets d’infrastructures publiques : ils ne viennent jamais seuls.

C’est ce qui fait que, de façon perverse, le tunnel entre Québec et Lévis et le REM de l’est de Montréal pourraient bien rapidement servir de justification l’un à l’autre.

Les deux projets sont régionaux plutôt que nationaux. Ils vont tous les deux coûter 10 milliards de dollars, selon les premières estimations. Ce sont aussi deux projets douteux en matière d’aménagement urbain qui sont à la recherche d’appuis.

Comme le premier ministre François Legault a déjà commencé à faire du troisième lien une bataille Montréal-Québec et rejeter ses opposants dans le camp des montréalistes, il est évident qu’il va continuer à exploiter cette faille. On y reviendra plus loin.

Pour l’heure, on a rarement vu un premier ministre être aussi transactionnel dans la défense d’un projet d’infrastructures qu’il évalue clairement en sièges pour la CAQ plutôt qu’en bénéfice de tous. Et la grande région de Québec et de Chaudière-Appalaches, tout le monde le sait, c’est la base politique de la CAQ.

En pleine Assemblée nationale, en réponse à une question de la cheffe de Québec solidaire, Manon Massé, M. Legault a lancé cette phrase qui ne laisse aucun doute sur son objectif réel : Je comprends qu'elle a deux députés à Québec, mais on verra l'année prochaine combien il en reste. Puis, à ce que je sache, elle n'en a aucun dans Chaudière‑Appalaches, puis ça va rester comme ça.

Intérêt partisan

L’intérêt strictement partisan du troisième lien pour la CAQ est d’autant plus évident qu’il est rare qu’un premier ministre choisisse de se marier avec un projet avant même que des études sérieuses viennent en démontrer l’utilité – on n’a d’ailleurs droit qu’à des anecdotes de la part du gouvernement depuis 10 jours – et avant même qu’une estimation rigoureuse des coûts ait pu être faite.

Mais quand on voit le trajet et les nombreux échangeurs qui devront être construits à chaque sortie, quand on voit la technologie retenue et qui exigera la construction du plus gros tunnelier du monde, on peut certainement s’interroger sur l’estimation du coût de 10 milliards de ce projet qui ne se réalisera que dans 10 ans.

En faisant son annonce en grande pompe et avec aussi peu de recul, le premier ministre s’est véritablement mis dans une impasse. Le projet doit aller de l’avant, il est impossible de reculer sans dire aux électeurs de la grande région de Québec qu’ils feraient bien de défaire son gouvernement.

Il y a un petit côté stade olympique dans tout cela. Une infrastructure qu’on doit finir parce qu’un décideur téméraire a trop investi et s’est trop avancé pour reculer, quitte à se rendre compte en cours de route qu’on est en train de construire un coûteux éléphant blanc.

C’est là que la rivalité Québec-Montréal et le projet de REM de l’Est va faire partie du débat. Un des éléments importants du projet de troisième lien est de faire sentir à la grande région de Québec « qu’elle aura sa part du gâteau ». Une part égale à celle de Montréal qui aura droit à son 10 milliards de dollars d’investissements dans le REM.

Évidemment, il ne s’agit pas du même type d’investissement, puisque le REM est un projet où le maître d’œuvre est une filiale de la Caisse de dépôt et placement et pas le gouvernement du Québec, comme pour le troisième lien. Mais, dans les circonstances, ça fera l’affaire.

Investissement équivalent

Pour justifier son troisième lien, le gouvernement Legault a besoin d’un investissement équivalent à Montréal. On comprend assez vite que cela signifie que le REM de l’Est devra se faire, même s’il faut pour cela défigurer le boulevard René-Lévesque et faire perdre de la valeur à tous les édifices qui verront leurs fenêtres bouchées par les trains aux deux minutes du REM.

On ne se souciera guère plus des objections des résidents de la rue Sherbrooke Est, qui craignent que cet ouvrage en hauteur nuise à leur qualité de vie. Ou aux citoyens de Hochelaga-Maisonneuve qui verront l’un de leurs trop rares espaces verts être charcuté par les pylônes du REM.

Le besoin de désenclaver l’est de Montréal par le transport en commun est indiscutable, contrairement à la nécessité du troisième lien qui n’est pas établie.

Sauf que l’est de Montréal n’a pas nécessairement besoin de ce projet de transport en commun, qui est prisonnier des choix technologiques discutables de la Caisse de dépôt. Et qui pourraient facilement être la cause de dépassements de coûts, comme c’est déjà le cas pour le projet de REM dans l’Ouest.

Mais qu’importe. Pour le gouvernement, les deux projets sont désormais liés. Ils s’opposent autant qu’ils se complètent. Politiquement, c’est une sorte de mariage de raison qui fait totalement l’affaire de la CAQ. Tant pis pour les citoyens qui seront pris à vivre avec des choix moins qu’optimaux.

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