Troisième lien : le gouvernement accusé « d’utiliser » l'est du Québec
L'annonce du troisième lien à Québec accueillie dans le silence et l'incrédulité dans l'est de la province.
Le premier ministre François Legault a déclaré lundi que le projet de tunnel entre Québec et Lévis serait bénéfique pour l'est du Québec.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Si le troisième lien est bel et bien bénéfique pour tout l'est du Québec, comme le prétend le gouvernement Legault, qu'il en fasse la démonstration, somme le député péquiste Pascal Bérubé. En attendant, l'élu de Matane-Matapédia demande aux caquistes de cesser « d'utiliser » la région « comme caution » au projet de tunnel Québec-Lévis.
Le premier ministre François Legault était sans équivoque lundi. C’est un lien qui est nécessaire pour Québec, pour Lévis et pour tout l’est du Québec
, a-t-il déclaré en présentant le projet évalué à plus de 7 milliards de dollars.
Pendant qu'on jubile à Lévis, on ne se bouscule pas au portillon pour saluer la vision du gouvernement dans l'est du Québec.
Aux mairies de Rimouski et de Rivière-du-Loup, ainsi qu'à la MRC de Kamouraska, aucun élu n'a voulu accorder une entrevue à Radio-Canada. Pas d'appétit pour commenter ce type de dossier là
, préfère ne pas commenter
et pas eu de discussion à ce sujet
ont été les raisons évoquées.
Adversaire de la Coalition avenir Québec (CAQ) à l'Assemblée nationale, le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, ne s'est pas fait prier. Je ne comprends toujours pas en quoi c'est un projet demandé, attendu ou nécessaire pour l'est du Québec
, lance-t-il d'emblée.
« Il est faux de prétendre que le troisième lien, c'est un projet pour l'est du Québec. J'invite même le gouvernement à cesser de le dire, à cesser d'utiliser l'est du Québec comme caution pour son projet. »
Si avantages il y a, et s'ils sont reconnus par des acteurs locaux, Pascal Bérubé ne demande qu'à voir. J'attends toujours de voir des sorties des intervenants politiques de l'est du Québec, des élus ou de la communauté économique
, ajoute-t-il. Si on avait des études positives, j'ai l'impression qu'elles seraient déjà publiques.
Si la CAQprolonger l'autoroute 20 jusqu'à Mont-Joli, dit M. Bérubé.
veut vraiment aider l'est du Québec, elle devrait plutôtJ'essaie de comprendre
De retour chez les élus municipaux, les langues étaient plus dégourdies sur la rive nord du Saint-Laurent. À Baie-Comeau, le maire Yves Montigny ne comprend tout simplement pas l'argument de l'est du Québec avancé par le premier ministre, ni en quoi le troisième lien à Québec concernerait sa région.
Je ne l'ai pas compris. Je ne peux pas comprendre en quoi un lien additionnel Québec-Lévis peut être bon pour les citoyens de Baie-Comeau
, laisse-t-il tomber au bout du fil. Ça fait partie des questions que je vais lui poser quand il [François Legault] va revenir.
« Peut-être qu'il parlait d'un autre est du Québec. Peut-être qu'il parlait de la Côte-de-Beaupré. »
Le maire de Baie-Comeau précise qu'il ne veut pas s'ingérer outre mesure dans les projets de la région de Québec. Il cherche seulement, nuance-t-il, des éclaircissements aux déclarations du premier ministre et du plan
gouvernemental qui pourrait les soutenir. Je veux juste comprendre pourquoi ce serait bon pour l'est.
Un premier lien s'il vous plaît
Comme Pascal Bérubé, le maire Montigny rappelle que, depuis trois ans, les régions de la Côte-Nord et du Bas-Saint-Laurent n'ont plus de liaison fiable entre elles. Notre premier lien, c'est le F.-A.-Gauthier
, dit-il, découragé.
Depuis janvier 2019, le traversier payé plus de 170 millions de dollars n'a été en service que 30 % du temps en raison de plusieurs bris mécaniques.
Une traverse fonctionnelle permettrait de rétablir le réseau de transport des marchandises dans l'est du Québec, poursuit M. Montigny. Quand le F.A.-Gauthier est brisé, la boucle de livraison ne fonctionne plus.
Il ajoute finalement que les échanges interrives sont réguliers dans son coin de pays et qu'une desserte adéquate demeure la priorité. C'est le même fleuve, c'est juste qu'il est plus large
, dit-il, soulignant que des travailleurs dépendent du traversier de part et d'autre de l'estuaire. On en a notre voyage.
Pont de la 138
Marcel Furlong, préfet de la MRC de Manicouagan, ne s'émeut pas non plus devant la possibilité d'avoir un troisième lien à la hauteur de Québec. On n'a jamais été consulté, la réalité c'est ça
, tranche-t-il au téléphone. De vous dire si ça répond à une demande faite par la région, la réponse c'est non.
Ses yeux sont plutôt tournés vers les deux extrémités de la Côte-Nord. À l'ouest, les élus et la population réclament la construction d'un pont sur la route 138, lequel remplacerait les traversiers utilisés entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine.
Le ministre des Transports, François Bonnardel, a ravivé l'espoir l'an dernier en réanimant des études d'opportunité et d'impacts économiques. Les résultats sont attendus en 2023, après les prochaines élections.
À l'est, on souhaiterait que la route 138 se prolonge jusqu'à Blanc-Sablon, vers les terres du Labrador. Pour nous, la principale dépense qui doit être faite sur la Côte-Nord, c'est le désenclavement
, insiste M. Furlong. Même si on en venait à demander l'avis des Nord-Côtiers, nos demandes vont demeurer les mêmes
.
Le gouvernement persiste
Au gouvernement, on persistait jeudi à affirmer que le projet de tunnel Québec-Lévis était porteur pour l'est de la province. Les gens de l’est du Québec gagneront beaucoup de temps s’ils veulent se rendre à Québec. Ils n’auront plus à faire le tour de la ville
, a indiqué Florence Plourde, attachée de presse de François Bonnardel.
Le cabinet du ministre a brandi une étude datée de 2017, commandée par la Table régionale des élus municipaux de la Chaudière-Appalaches, pour justifier ses prétentions sur les avantages économiques.
Le gouvernement plaide en particulier des gains d'efficacité pour les transporteurs. Il est évident que les avantages au niveau économique se feront sentir. Pensons simplement au transport de marchandises qui sera plus fluide pour les camions
, ajoute Mme Plourde.
Or, la portée de l'étude concernant l'est du Québec est limitée, peut-on lire dans le document remis par le cabinet. On y mentionne un manque de données
sur le transport par camion qui a notamment limité l’analyse de l’impact sur les régions de l’est du Québec
.
De plus, l'étude en question misait en grande partie sur le scénario d'un axe entre l'autoroute 440, dans le secteur Beauport, et la route Lallemand, sur la Rive-Sud. Cet axe a depuis été jeté aux oubliettes. Selon l'étude de Raymond Chabot Grand Thornton, 85 % des intervenants sondés appuyaient ce tracé. L'appui au tronçon actuel du troisième lien n'y était pas précisé.
Le choix du tunnel n'était pas arrêté non plus au moment de produire l'étude. Le scénario actuel suppose une série de restrictions sur le transport des marchandises dans le tunnel Québec-Lévis.