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Ryan Jespersen, la voix qui détonne en Alberta

L'animateur et homme d'affaires Ryan Jespersen a lancé son émission numérique peu de temps après avoir perdu son poste à la radio privée d'Edmonton.

L'animateur et homme d'affaires Ryan Jespersen a lancé son émission numérique peu de temps après avoir perdu son poste à la radio privée d'Edmonton.

Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos

Quelques mois à peine après son lancement, le balado Real Talk s’est imposé comme un incontournable en Alberta. Politique, société, santé, environnement : tout y passe dans cette émission numérique portée par l’animateur de carrière Ryan Jespersen. Mais ce qui distingue cette émission et en fait le succès, ce sont surtout ses critiques envers le gouvernement de Jason Kenney.

Jason Kenney a été bon pour les affaires, admet Ryan Jespersen, sourire en coin, dans son petit studio situé dans un immeuble de bureaux anonyme d’Edmonton.

L’homme de 44 ans parle à la fois comme un animateur et un entrepreneur. Après avoir perdu son micro l’automne dernier au réseau de radio parlée le plus écouté en Alberta, il a lancé en peu de temps Real Talk, son émission qu’il a créée de A à Z avec les moyens du bord.

Si le premier ministre a été si bon pour bâtir la réputation et l’auditoire de l’émission naissante, c’est que les controverses politiques ne manquent pas en Alberta.

Voyages dans le Sud de politiciens durant les Fêtes; messages contradictoires au sujet des mesures sanitaires; gestion de la deuxième et de la troisième vague défaillante : les sources d’insatisfaction contre le gouvernement sont nombreuses, une grogne que confirment les mauvais sondages à l'endroit du gouvernement Kenney. Avec Real Talk, Ryan Jespersen canalise les frustrations de bon nombre de ses concitoyens.

Je pense que les gens se sentent ignorés par ce gouvernement; ils sentent qu’il leur manque de respect, et les gens avaient besoin d’une voix courageuse et qui n’est pas freinée par les intérêts corporatifs ou les sensibilités politiques.

Une citation de Ryan Jespersen

À l’aide de plusieurs caméras, ordinateurs et consoles, l’émission est diffusée en direct sur YouTube et est offerte ensuite en baladodiffusion. L’interaction fait partie intégrante du concept alors que les auditeurs clavardent et commentent, comme dans une grande ligne ouverte qui réagit en simultané aux entrevues et commentaires de l’animateur.

Le public de Jespersen se sent comme un membre à part entière de la petite équipe de trois personnes à l'œuvre en studio durant l’émission.

Ryan Jespersen et sa collègue réalisatrice Sarah Hoyles en studio

Le reportage de Mathieu Gohier

Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos

La connexion que je ressens avec l’audience, c’est du jamais vu en 20 ans de carrière dans les médias, soutient l’animateur.

Et, visiblement, l’auditoire est présent en nombre suffisant pour assurer la réussite financière de l’aventure. Une vingtaine d’entreprises achètent de la publicité diffusée en ondes et, de leur côté, les auditeurs financent l'émission de façon participative avec des dons.

Une voix différente

Dans une province conservatrice comme l’Alberta, le ton et le contenu de Real Talk détonnent.

S’il se situe lui-même plutôt au centre droit de l’échiquier politique, Ryan Jespersen tient surtout à son indépendance et croit qu’il manquait une plateforme pour les voix et le public plus progressistes dans la province.

C'est aussi là la preuve, selon lui, que l’Alberta est loin des clichés tenaces qui sont parfois véhiculés ailleurs au pays.

Le reste du pays a une idée assez claire de ce qu’il croit être l’Alberta. Je pense que cette plateforme et cette émission rappellent au reste du pays que cette province de 4,5 millions d’habitants ne se résume pas seulement à ce que son premier ministre ou certaines voix représentent, soutient l’animateur.

Cette diversité des points de vue en ondes est rafraîchissante, selon la sénatrice albertaine Paula Simons. Aux yeux de celle qui a été journaliste pendant plus de 20 ans à Edmonton avant d’être nommée au Sénat, cet effort de l’animateur qui consiste à parler au plus grand nombre de gens possible est quelque chose qui faisait défaut dans le paysage médiatique.

Ryan a décidé qu’il voulait parler à toutes sortes d’Albertains. Pas seulement à droite, pas seulement à gauche, pas seulement au centre, mais à toutes les voix en Alberta, résume-t-elle.

La sénatrice et ancienne journaliste Paula Simons croit que la nouvelle émission de Ryan Jespersen est arrivée à un moment charnière en Alberta.

La sénatrice et ancienne journaliste Paula Simons croit que la nouvelle émission de Ryan Jespersen est arrivée à un moment charnière en Alberta.

Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos

La sénatrice ajoute que le balado est arrivé à un moment crucial alors que la pandémie bouleversait nos vies.

C’est un moment où tout le monde cherche un sens de communauté, parce que nous sommes tous seuls chez nous, et de cette façon, on peut avoir l’impression que nous sommes dans une communauté. Et je pense que ce temps de pandémie, c’est important pour expliquer le succès [de l'émission].

Une citation de Paula Simons, sénatrice

Paula Simons reconnaît aussi que la polyvalence de l’animateur, capable de s’indigner vigoureusement et de faire rire dans la même émission, explique aussi la popularité de Real Talk. Elle ose même une comparaison avec une des émissions les plus populaires de la télévision québécoise depuis plus de 15 ans.

[Real Talk], c’est peut-être un peu comme Tout le monde en parle. Ce n’est pas seulement un truc de nouvelles sérieuses, mais aussi des conversations plus amusantes et beaucoup de sujets, illustre Mme Simons.

Toujours plus grand

Moins d’un an après son lancement, le balado commence à prendre sa place sur la scène nationale.

C’est d’ailleurs à Real Talk que Justin Trudeau a donné sa première entrevue en tête-à-tête au lendemain du dépôt du budget fédéral, le mois dernier. Ce genre d’entrevue est accordé au compte-gouttes par le premier ministre canadien, la preuve que le balado jouit d’une notoriété certaine en Alberta et qu’il permet de joindre un nombre non négligeable d’auditeurs.

Ryan Jespersen en entrevue avec le premier ministre Justin Trudeau

Ryan Jespersen en entrevue avec le premier ministre Justin Trudeau

Photo : Radio-Canada

Ryan Jespersen estime que son émission s’adresse déjà à un auditoire national, mais toujours avec une perspective ancrée dans l’Ouest canadien.

Encore une fois, il s'agit là de quelque chose qui manque dans les médias nationaux, selon Paula Simons.

Je pense vraiment que c’est possible d’avoir une émission nationale à Edmonton. Le Canada ce n’est pas seulement Toronto et Montréal, estime-t-elle.

L’animateur et entrepreneur, lui, vise le sommet pour sa propre émission et souhaite s’établir comme la référence au pays.

Il caresse aussi de grandes ambitions pour son modèle d’affaires.

Je crois qu’ultimement, nous allons bâtir un réseau à travers le pays, avec une grande diversité d’animateurs, prévoit-il.

À l’étroit dans son premier studio, Ryan Jespersen doit bientôt déménager dans un endroit plus spacieux. Au sens propre comme au sens figuré.

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