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Critères discriminatoires et restrictifs : l’accès aux services de garde sera revu

Victime d’un vol de données, La Place 0-5, le guichet unique d’inscriptions aux services de garde, devrait rouvrir dans les prochains jours, avant une refonte globale de ce système.

Un enfant tient des blocs Lego dans ses mains.

De nombreux critères restreignent l'admission des enfants dans de nombreux services de garde. Cette situation, déplorée par des milliers de parents, devrait prochainement changer, promet le ministère de la Famille.

Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

La récente fuite de données sur La Place 0-5 aura été la cerise sur un gâteau devenu bien trop indigeste pour le ministère de la Famille. Dans les prochains mois, selon les informations de Radio-Canada, ce guichet unique, censé faire le lien entre les services de garde et les parents au Québec, sera complètement revu, voire carrément aboli.

Depuis des années, cette plateforme est source de discorde et de frustration pour des milliers de parents, parfois bien malgré elle, en raison des politiques d’admission des installations, déjà dénoncées par la vérificatrice générale du Québec l’automne dernier.

C’est un peu tannant. Comme tant d’autres, Jessy-Kate Hornera patiente pour avoir une place dans un service de garde subventionné. Ça fait trois ans qu’on est en attente, c’est très difficile, confie cette résidente de Granby.

Je me suis faite à l’idée que mon fils ira à l’école sans avoir pu aller dans un CPE.

Une citation de Jessy-Kate Hornera, mère de deux enfants

Il faut trouver des solutions alternatives, être créatif, demander aux grands-parents. Maintenant, on est dans le privé, mais ça nous coûte 45 $ par jour. Mais on n’a pas le choix, relate-t-elle.

À Montréal, même constat. Isabelle Dubé, mère de trois enfants, a fait le tour des CPE des quartiers de Rosemont et d’Hochelaga-Maisonneuve. En vain. Il y a un manque de transparence, lance-t-elle, en dénonçant l'incertitude des listes d'attente.

La Place 0-5 est une farce. Dès que j’ai été enceinte de trois mois de mon premier fils, je me suis inscrite. Il a trois ans et je n’ai jamais reçu d’appel.

Une citation de Isabelle Dubé, mère de trois enfants

Je me sens mal lorsque je rencontre de futures mamans, poursuit-elle. Je ne veux pas être défaitiste, je leur dis de s’inscrire, mais elles croient vraiment qu’elles auront des places.

De la métropole à Québec, en passant par de nombreuses autres municipalités, Radio-Canada a reçu en quelques heures des dizaines de témoignages similaires, où les parents, se disant désespérés, ne masquent plus leur colère et leur incompréhension.

Mathieu Lacombe parle dans un micro.

Le ministre québécois de la Famille, Mathieu Lacombe, promet de réviser les politiques d'admission des services de garde.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Des critères religieux ou communautaires

S'inscrire sur La Place 0-5 dès la grossesse ne garantit absolument pas une place dans un service de garde subventionné, au coût quotidien de 8,50 $. Le guichet unique n’est pas une liste d’attente de type premier arrivé, premier servi, reconnaît le cabinet du ministre Lacombe.

Les critères d’accès sont, à l’heure actuelle, nombreux et ils diffèrent selon les établissements. D’une manière générale, des priorités sont accordées aux résidents du secteur, aux enfants des éducatrices et aux fratries.

Parfois, la liste s’allonge et peut compter plus d'une dizaine d'éléments. Les parents travaillant dans une entreprise ou un secteur défini, ou encore ceux recommandés par des employés, peuvent être avantagés. Mais le risque est élevé d’avoir des politiques d’admission discriminatoires, basées par exemple sur le sexe ou la religion, analyse la firme KPMG, dans un rapport (Nouvelle fenêtre) commandé récemment par le ministère de la Famille.

En consultant différentes politiques d’admission, des CPE et des garderies privées subventionnées priorisent par exemple des membres des différentes communautés.

C'est vraiment un scandale, ce système, juge Angélina Glon, qui vit dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, à Montréal.

On est face à un système qui est biaisé par le fait que la décision de suivre la liste d'attente ne dépend que du bon vouloir de la direction du CPE. Il y a toujours une histoire de fratrie qui a priorité ou toutes sortes de raisons obscures.

Une citation de Angélina Glon, mère d’un enfant

Une autre mère nous a indiqué avoir été confrontée à une garderie refusant les enfants avec des allergies alimentaires. Il y a tellement un manque de place, que les [services de garde] se permettent de sélectionner des bébés pas compliqués, déplore Cathrine Pigeon, qui vit à Québec.

Des dizaines de milliers d’enfants en attente

Plus de 88 000 enfants sont inscrits sur La Place 0-5, selon un récent relevé fourni par le ministère de la Famille. Toutes ces personnes ne sont cependant pas en attente. Actuellement, près de 51 000 enfants n'ont aucune place dans un service de garde, quel qu’il soit. Mais le nombre de parents cherchant une place subventionnée est plus important. D’après les données gouvernementales, environ 24 000 demandes supplémentaires concernent des enfants déjà inscrits, dans une garderie privée par exemple, qui souhaitent rejoindre une autre installation, comme un CPE, nettement plus abordable financièrement.

Vers des critères d'admission imposés par Québec

Désormais, juge-t-on du côté du cabinet du ministre Lacombe, l’heure est de reprendre la main sur ces politiques d’admission. Officiellement, le discours reste prudent, puisque des consultations sur ce sujet seront lancées dans les prochaines semaines. Mais une décision est déjà prise : Québec va réaliser une modification législative.

Un projet de loi sera déposé à l’Assemblée nationale cet automne, avance Antoine de la Durantaye, le porte-parole du ministre.

Il faut effectivement se poser de sérieuses questions sur ce sujet. Il faut rendre nos services de garde plus accessibles et ça peut notamment passer par un changement des politiques d’admission.

Une citation de Antoine de la Durantaye, porte-parole du ministre Lacombe

Québec envisage de revoir complètement le fonctionnement de La Place 0-5, même si, comme le précise l’organisme, les critères d’accès sont définis par les services de garde.

Le problème, c'est que les services de garde n'ont pas de règle définie sur le nombre de critères ni sur l'impact de ces critères sur la population autour d'eux, explique Fannie Couture, porte-parole de Coopérative Enfance Famille, l’organisme responsable de La Place 0-5, lancée en 2014.

La Place 0-5 est prête à collaborer avec le ministère pour valoriser des critères simples et surtout favoriser des critères en ligne avec les besoins des populations près des services de garde.

Une citation de Fannie Couture, porte-parole de Coopérative Enfance Famille

Le ministère de la Famille envisage notamment l’adoption de critères généraux, tout comme le bannissement de certaines pratiques. Ce n’est pas tout. Afin d’améliorer le processus d’admission et dans l’intérêt des parents et des tout-petits, Québec n’hésitera pas à s’occuper, directement, de l’accès aux services de garde.

Nous avons une volonté politique ferme de rendre le réseau plus accessible pour tous les enfants du Québec. C’est une partie importante de notre réflexion en ce moment, soutient le cabinet de Mathieu Lacombe.

Il est essentiel que les parents du Québec retrouvent confiance dans le processus d’admission, c’est une priorité, souligne-t-on.

L'interface de La Place 0-5.

La Place 0-5 est obligatoire pour tous les services de garde reconnus par l'État depuis septembre 2018.

Photo : Radio-Canada

Un retour en fonction prochainement

Avant la refonte prévue de ce système, La Place 0-5 reste toujours indisponible pour des dizaines de milliers de parents et de services de garde, qui planifient actuellement les groupes pour la prochaine rentrée.

Cette fermeture a des impacts sur les activités quotidiennes des parents et des services de garde, reconnaît la Coopérative Enfance Famille, qui a espoir d’une réouverture d’ici la semaine prochaine.

La Coopérative travaille en collaboration avec le Centre gouvernemental de cyberdéfense afin de rendre le tout sécuritaire, ajoute de son côté l’équipe du ministre Lacombe. [Nous suivons] avec attention l’avancée des travaux afin de s’assurer que ceux-ci avancent rapidement et permettent d’assurer le plus haut niveau de sécurité possible.

À la suite de ce vol de données personnelles, qui concernent près de 5000 enfants et parents, d’autres institutions ont temporairement suspendu leurs accès numériques. C’est le cas par exemple de la Grande Bibliothèque, de l’Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec ou encore de plusieurs bibliothèques municipales.

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